Dans le même temps, le ministre décidait de placer sous un commandement unique, installé à Strasbourg, les cinq divisions des forces de manœuvre. Le départ à la retraite, en juillet 1969, du général d'armée Jacques Massu, qui commandait les troupes françaises outre-Rhin, a été l'occasion de nommer le général d'armée Emmanuel Hublot chef de la Ire armée française, qui réunit le 1er corps d'armée à Nancy (3 divisions de 15 000 hommes chacune dans l'est de la France) et le 2 corps d'armée à Baden-Baden (2 divisions stationnées en Allemagne fédérale). L'appellation de Ire armée française avait disparu, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, avec le général de Lattre de Tassigny. Responsable de l'emploi de ces forces, le général Hublot dépend directement du général Fourquet, chef d'état-major des armées.
Annoncé en novembre 1969, un autre projet de réforme, la transformation du service des poudres en une société d'économie mixte, a provoqué quelques remous parmi les personnels intéressés. Cette décision préfigure une profonde modification du statut des industries de l'État et des arsenaux. Des grèves ont eu lieu, à plusieurs reprises, dans les établissements travaillant pour la défense nationale.
L'intention du gouvernement est d'aménager, avant 1971, pour répondre aux exigences du Marché commun, le monopole de l'État sur l'importation, la fabrication et la vente des poudres et explosifs, de façon à ouvrir à la concurrence le marché des produits à usage civil. Les activités industrielles du Service des poudres, en régie directe jusqu'à présent, seront transférées à une société d'économie mixte dont l'État détiendra environ 95 % du capital.
Le Service des poudres (302 millions de francs de chiffre d'affaires pour 6 180 employés) détenait, en France, le monopole des substances explosives par la loi du 30 août 1797. La nouvelle société d'économie mixte disposera de six poudreries sur les douze que comptait le précédent service, à Saint-Médard-en-Jalles (Gironde), Bergerac (Dordogne), Sorgues (Vaucluse), Vonges (Côte-d'Or), Toulouse (Haute-Garonne) et Le Bouchet, dans la région parisienne. Les six autres usines seront fermées ou cédées à des firmes privées. Les syndicats des personnels civils de la défense nationale ont protesté contre ce projet qui vise, selon eux, à désétatiser le Service des poudres et prépare une refonte plus importante du statut des arsenaux et des ouvriers d'État.
Les exportations
Le ministère de la Défense a répliqué qu'il voulait par le moyen de cette réorganisation industrielle rendre encore plus rentables et concurrentielles les entreprises travaillant pour l'armée. En février 1970, Michel Debré a d'ailleurs demandé que les forces armées choisissent, dans la mesure du possible, des matériels susceptibles d'être vendus à l'étranger.
Il est vrai qu'en 1969 les exportations françaises d'armements ont diminué de plus de 37 % en valeur : 2,57 milliards de francs, au lieu de 4,14 en 1968. Cette baisse des commandes est très sensible dans le domaine de l'aéronautique (1,99 milliard contre 2,82 précédemment), dans la construction navale (41 millions contre 150) et pour les matériels électroniques (140 millions au lieu de 570). La diminution a été moindre pour les armements terrestres (400 millions de francs contre 600). Mais il convient d'ajouter que les contrats signés au début de 1970 — notamment les marchés avec la Libye (108 Mirage), avec l'Espagne (30 Mirage) et avec le Brésil (16 Mirage) — ont dépassé de quelques millions de francs le montant global des exportations aéronautiques, civiles et militaires, de 1969.
L'affaire des vedettes
Le départ de Cherbourg, le 24 décembre 1969, des cinq vedettes lance-missiles israéliennes bloquées par l'embargo, dans des conditions qui ont laissé croire à une complicité des services officiels, a conduit à réorganiser la direction des Affaires internationales de la Délégation ministérielle pour l'armement (DMA). Cet organisme est principalement responsable des ventes d'armes à l'étranger. À cette occasion, le ministre a suspendu de leurs fonctions, le 31 décembre 1969, le général d'armée Bernard Cazelles, secrétaire général de la Défense nationale, et l'ingénieur général Louis Bonté, directeur des Affaires internationales à la DMA, qui animaient les travaux de la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre.