Deux événements, que l'on peut dire sans précédent, auront enfin marqué la saison 1968-69.

Pour la première fois dans l'histoire des États-Unis, un musicien de couleur a été reçu officiellement à la Maison-Blanche. C'est là, en effet, que Duke Ellington a fêté, le 29 avril, son soixante-dixième anniversaire. Après avoir remis au grand compositeur chef d'orchestre la plus haute distinction civile américaine, la médaille de la Liberté, le président Nixon s'est mis au piano et a joué Happy Birthday.

Le parti de la musique

Hommage d'autant plus significatif que Duke Ellington n'a jamais fait campagne pour aucun parti politique ; quand on lui demande auquel vont ses préférences, il répond invariablement : « Au parti de la musique... » Sa musique l'a porté ce jour-là à la Maison-Blanche.

Le second événement est la mise en chantier du premier long métrage consacré à la musique noire américaine, l'Aventure du jazz. Réalisée en couleurs par Claudine et Louis Panassié, avec le concours d'Hugues Panassié et de nombreux musiciens, l'Aventure du jazz est destinée à la télévision et sera tournée en deux versions, française et anglaise.

Danse

Quelques promesses de renouveau

Nouveauté dans le domaine de la danse française avec la naissance du Ballet théâtre contemporain, premier centre chorégraphique national, fixé à Amiens. Cette nouvelle compagnie prétend faire la synthèse entre les arts plastiques et l'expression corporelle de notre époque. Ses responsables se sont fixé pour but le rayonnement de l'art chorégraphique ; ils veulent faire de la danse un art populaire.

Le succès de la première saison du Ballet théâtre contemporain revient à Félix Blaska, qui fut seul capable de construire une chorégraphie essentiellement mouvante, réglée sans prétention (avec les Danses concertantes d'Igor Stravinsky, dans un décor de Sonia Delaunay). Il n'est pas possible d'en dire autant des autres ballets du premier programme. Joseph Lazzini signe Salomé, une suite de tableaux faits de parcours et de déplacements sans raison plausible.

Timide chorégraphie

Dans un magnifique décor de Gustave Singier, sur une musique d'Ivo Malec, la maîtresse de ballets de la troupe, Françoise Adret, compose une timide chorégraphie pour Aquathème, ballet réduit à quelques rares mouvements. Enfin, Michel Descombey avec Déserts, sur une partition d'Edgar Varèse, présente un ballet qui se révèle comme un semblant de mariage entre les éléments scéniques et l'évolution gestuelle, but de la jeune compagnie.

Le second programme n'a pas davantage réussi à convaincre. Violostries de Michel Descombey, Hai Kai de Jean Babilée, Eonta de Françoise Adret, le Soleil des eaux de George Skibine, Cantate profane de Milko Spaemblek n'ont offert que des chorégraphies écrasées sous le poids de scénographies signées Soto, Hadju, Prassimons, Francisco Bores, Léon Zack, sur d'excellentes partitions de compositeurs en vue (A. Webern, I. Xenakis ou P. Boulez).

Pieds nus à l'Opéra

Il faut attendre la réaction du public et la réaction des responsables de la nouvelle compagnie (vingt-sept danseurs, dont : Colette Marchand, Martine Parmain, Magdalena Popa, Krassimira Koldamova, James Urbain, Juan Guiliano, Jean Babilée, Itchko Lazarov) pour connaître la voie sur laquelle la compagnie va s'engager dans l'avenir.

Il semble de plus en plus que l'activité de l'Opéra soit réduite à des reprises. Cette année, on danse à nouveau les Mirages de Serge Lifar. Peut-on parler de création avec Extase, de Roland Petit, pas de deux que n'ont pas sauvé ses interprètes Rudolf Noureev et Wilfrid Piollet ? On a fait appel à Lifar pour deux ballets sans grand intérêt : Constellation et le Grand Cirque, présentés dans des décors de Bernard Buffet.

L'administration de l'Opéra a cependant invité, outre le couple de jeunes danseurs soviétiques Maximova et Vassiliev, le Ballet royal de Copenhague. Une série limitée de représentations a permis au public de constater que la vieille école, de danse française est restée à l'état pur, sauvegardée par une troupe soucieuse de perpétuer la technique traditionnelle. Très belles soirées pour les amateurs de danse romantique éblouis par le style éthéré du Conservatoire, de Napoli et de la Sylphide, et émerveillés par les scènes très réalistes de pantomimes. La troupe du Royal Ballet danois a présenté aussi des ballets de ses chorégraphes attitrés : le Renne lunaire de Birgit Cullberg, le Mandarin merveilleux de Flemming Flindt. Elle a aussi fait preuve d'audace en dansant pieds nus Auréole, ballet de Paul Taylor, prouvant ainsi l'éclectisme de son répertoire. Parmi d'excellents artistes, il convient de citer : Henning Kronstam, Niels Kehlet, Flemming Flindt, et Anna Laerkesen, une inoubliable sylphide.