Les surgénérateurs pourraient être en Europe un domaine de collaboration, au lieu que chaque pays tente des efforts parallèles et coûteux. L'idée avait été amorcée par Euratom. Au début de 1968, Maurice Schumann, alors ministre de la Recherche scientifique, la relançait.

Le choix des filières

En attendant la venue des surgénérateurs, les pays possédant leur propre filière doivent faire face à un problème de choix à moyen terme : faut-il s'en tenir à la filière nationale, ou construire de nouveaux types de réacteurs intermédiaires entre la filière déjà mise au point et les surgénérateurs futurs ? Ces réacteurs intermédiaires appartiendront-ils à une filière qui n'est pas encore développée ou à une filière américaine, si l'on admet que seuls les réacteurs de type américain sont devenus compétitifs avec les sources classiques d'énergie ?

Le Canada, l'URSS et les États-Unis ont déjà tranché le problème en décidant de s'en tenir aux filières qu'ils ont maintenant mises au point. Les États-Unis, notamment, se préparent à un énorme essor de l'électricité nucléaire.

La Grande-Bretagne a tranché, en 1965, en faveur de sa propre filière et décidé d'installer, entre 1970 et 1975, des centrales représentant une puissance de 5 000 MWe. Mais les réacteurs qui équiperont ces centrales ne seront plus les réacteurs graphite-gaz Magnox du premier programme. Ce seront des réacteurs AGR (Advanced gas-cooled reactor), qui, s'ils gardent le gaz carbonique comme refroidisseur, brûleront non plus de l'uranium naturel, mais de l'uranium faiblement enrichi, comme les réacteurs américains. La raison de ce choix est un abaissement du coût des centrales.

Le problème français

En France, le problème est posé depuis 1966. La commission PEON (Production d'électricité d'origine nucléaire) a été chargée de dégager une conclusion et de définir un programme. Il semble qu'en attendant les surgénérateurs on s'oriente en France vers une diversification des types de centrales de puissance à construire.

En décembre 1967, un conseil interministériel a décidé de poursuivre les efforts sur la filière graphite-gaz en construisant deux centrales de ce type de 750 MWe à Fessenheim, sur le Rhin, à partir de 1968. Cependant, les industriels français vont continuer de se familiariser avec les centrales de type américain : une nouvelle centrale à eau pressurisée, semblable à celle de Chooz, va être construite à Tihange, toujours en collaboration avec la Belgique.

Une centrale à eau bouillante sera probablement construite à Kaiserhaust, en collaboration avec la Suisse. En outre, la commission PEON recommande de construire une centrale de type américain purement nationale dans la tranche optionnelle de 1 500 MWe du Ve plan.

L'eau lourde

La Grande-Bretagne et la France poursuivent certains efforts sur d'autres filières, notamment sur les réacteurs à eau lourde.

La Grande-Bretagne a mis en service, en 1967-68, un prototype de réacteur à eau lourde de conception simple, qu'elle estime compétitif avec les réacteurs américains et espère vendre à l'étranger : le Steam Generating Heavy Water Reactor, de Winfrith, d'une puissance de 100 MWe.

Comme l'AGR, ce réacteur brûle de l'oxyde d'uranium faiblement enrichi, gainé dans des tubes de zircaloy. Il est modéré à l'eau lourde et refroidi à l'eau naturelle. Les tubes de force sont verticaux : l'eau naturelle monte le long des éléments combustibles où elle est transformée en vapeur, qui passe ainsi directement du cœur du réacteur vers les turbines. Les tubes de force baignent dans l'eau lourde ; pour régler la puissance du réacteur, il suffit donc d'ajuster le niveau de l'eau lourde dans sa cuve, puisque c'est elle qui ralentit les neutrons fissionnant l'uranium.

Le type Brennilis

La France a aussi mis en service, en juillet 1967, une centrale à eau lourde de 70 MWe, EL 4, à Brennilis. EL 4 brûle de l'oxyde d'uranium faiblement enrichi, est modéré à l'eau lourde (100 t) et refroidi au gaz carbonique. Au départ, les techniciens souhaitaient comme combustible de l'uranium naturel. On voulait simplement réaliser un réacteur semblable au réacteur graphite-gaz, où le graphite serait remplacé par l'eau lourde, qui est un bien meilleur modérateur, d'où une meilleure utilisation de l'uranium, une puissance spécifique (mégawatts produits par tonne d'uranium) et un taux de combustion plus élevés.