Ce gap se manifeste dans bien d'autres domaines : l'informatique (où la France réagit par le plan calcul), l'industrie nucléaire et l'exploration spatiale, dans laquelle la coopération européenne vient d'essuyer un échec. La Grande-Bretagne a fait connaître son refus de participer aux programmes du Centre européen de construction de lanceurs d'engins spatiaux (Cecles-Eldo) au-delà des engagements pris, c'est-à-dire après 1970. L'Eldo se trouve ainsi contrainte de procéder à une révision drastique de ses programmes.

De son côté, l'Organisation européenne pour la recherche spatiale (Esro) a annulé son programme le plus important : le projet de construction de deux satellites scientifiques, à la suite du refus par l'Italie de participer au supplément de dépenses qu'impliquait la poursuite du projet.

Ces difficultés ne doivent pas être interprétées comme un ralentissement de la marche en avant des sciences et des techniques. Au contraire, elles sont une conséquence directe de l'accélération du progrès. La masse croissante des découvertes et des inventions, les exigences des chercheurs en matière d'investissements obligent les collectivités à définir des options et créent une dépendance de plus en plus étroite entre la recherche scientifique et les structures sociales.

Les conquêtes de la médecine

Les nombreuses greffes d'organes, particulièrement les greffes du cœur, qui ont constitué l'événement marquant de l'année, obligent à préciser la notion de mort et les conditions juridiques dans lesquelles un fragment de cadavre peut être utilisé par la science pour prolonger l'existence d'un vivant. Par ailleurs, les thérapeutiques d'avant-garde — transplantation d'organes et aussi emploi d'organes de prothèse comme le rein artificiel — sont tellement coûteuses qu'elles ne peuvent être mises en œuvre dans tous les cas où l'indication médicale n'est pas contestable.

Le moment approche où, ne pouvant sauver tous les patients qui, techniquement, pourraient l'être, les médecins devront disposer de critères pour un choix dont ils ne sauraient assumer seuls la responsabilité. Dans quelle mesure est-il légitime de prolonger de quelques mois ou de quelques années une vie le plus souvent misérable, par la mise en œuvre d'un luxe de moyens qui, employés autrement, préserveraient moins spectaculairement un plus grand nombre de jeunes vies ? Sans parler de l'insuffisance bien connue de l'équipement hospitalier, on peut citer l'exemple caractéristique d'une conquête médicale importante réalisée au cours des derniers mois : le dépistage de l'idiotie phénylpyruvique. Cette maladie génétique, causée par une déficience du métabolisme, peut être enrayée par un régime alimentaire approprié, à condition d'être dépistée dès la naissance. La généralisation de cette thérapeutique préventive, qui exige la création de centres spécialisés, n'est-elle pas aussi souhaitable que les prouesses chirurgicales qui défraient l'actualité ?

La terre et l'espace

Astronomie

Quasars et étoiles étranges

On connaît maintenant plusieurs centaines de quasars, ces objets célestes plus petits que des galaxies, mais rayonnant une énergie plusieurs dizaines de fois supérieure à celle qu'émet la totalité de notre Voie lactée (Journal de l'année 66-67).

Le problème de la nature des quasars et de leur éloignement réel dans l'espace continue d'être au centre des discussions que poursuivent les astrophysiciens, et dont l'issue commandera le choix entre les diverses hypothèses actuellement proposées sur l'origine de l'Univers.

Énergie énorme

L'impossibilité d'expliquer l'énorme flux d'énergie libérée par les quasars avait conduit quelques savants à mettre en doute la réalité de leur éloignement.

Le décalage vers le rouge du spectre des quasars correspond, certes, à des distances de l'ordre de plusieurs milliards d'années-lumière. C'est ce qui oblige à attribuer des valeurs très élevées à l'énergie rayonnée, sans quoi la fraction de cette énergie parvenant jusqu'à nous ne serait pas perceptible. Tout change si l'on admet, comme quelques-uns l'ont proposé, que les quasars sont situés dans notre Galaxie. Le calcul de l'énergie libérée donne alors des valeurs beaucoup plus modestes, mais il reste à expliquer le décalage du spectre vers le rouge.