marée (suite)
La zone de battement des marées est probablement, compte tenu de sa surface, la zone la plus riche et la plus diversifiée. Géologues et sédimentologues y reconnaissent des roches en place, des blocs, des galets, des graviers, des sables, des sables vaseux, des vases sableuses, des vases, qui interviennent comme autant de milieux sélectifs pour les peuplements par l’orientation par rapport au large (modes exposés, modes abrités) et bien entendu par l’altitude par rapport au zéro des cartes (ceintures, dont les manifestations les plus évidentes sont les ceintures algales des côtes rocheuses), de sorte que le biologiste, qu’il soit faunisticien, physiologiste, écologiste, etc., trouve dans la flore et la faune intertidales — leur inventaire qualitatif et quantitatif, leur comportement, leurs adaptations, notamment aux variations de températures, de salinité, de conditions d’exondation — un extraordinaire domaine d’observations et de recherches.
Plus pratiquement, le pêcheur et à sa suite le touriste y voient une manne continuellement offerte, mais par là même trop souvent saccagée. Hautement élaborés, les équilibres biologiques de la zone de battement des marées sont extrêmement fragiles. Le basculement d’un « caillou », non remis en place, entraîne la mort de tout ce qui est fixé :
— dessus et qui, ayant besoin pour vivre de lumière, se trouve maintenant à l’ombre ;
— dessous et qui, ayant besoin pour vivre d’obscurité, se trouve maintenant à la lumière.
Quelques algues arrachées condamnent à la dessiccation la faune réfugiée sous leurs frondaisons. La moindre atteinte au substrat (dragages et dérochements), la moindre modification du pH (implantations d’usines ou poses d’égouts) appauvrissent, vulgarisent, parfois même éliminent complètement les communautés.
Par ailleurs, l’âpre lutte qui se poursuit actuellement sur la majorité des côtes françaises (et aussi une bonne partie des côtes européennes) entre tourisme et conchyliculture témoigne de façon significative de l’intérêt économique des horizons intertidaux.
Patrimoine commun, facilement accessible, remarquablement riche, extraordinairement diversifié, mais aussi patrimoine de plus en plus menacé, y compris dans ses fondements physico-chimiques (aménagement des côtes, pollutions), la zone de battement des marées, champ de recherches, espace de loisirs, terrain de récoltes et de cultures, doit faire l’objet de l’attention la plus soutenue et des mesures de conservation les plus vigilantes.
E. P.
V. Romanovsky, C. Francis-Bœuf et J. Bourcart, la Mer (Larousse, 1953). / J. R. Lewis, The Ecology of Rocky Shores (Londres, 1964). / C. H. Cotter, The Physical Geography of the Oceans (Londres, 1965).