Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Lavoisier (Antoine Laurent de) (suite)

Chimiste et physicien

En définissant la matière par la propriété d’être pesante, en introduisant l’usage systématique de la balance, qu’il a mis tous ses soins à perfectionner, en énonçant les lois de conservation de la masse et des éléments, Lavoisier est vraiment le créateur de la chimie en tant que science. L’un de ses premiers mérites est d’avoir élucidé le mécanisme de l’oxydation des métaux au contact de l’air ; contrairement à l’affirmation des partisans du phlogistique, il montre que c’est le métal, et non la « chaux », qui est un corps simple. Une de ses premières expériences, datant de 1774, consiste à calciner de l’étain dans un vase clos contenant de l’air et à constater la constance de la masse globale. La même expérience, reprise sur le mercure en 1777, est la plus célèbre de toute la chimie, et sa représentation figure sur la couverture de la plupart des manuels scolaires. Elle lui permet de faire l’analyse de l’air, d’identifier l’oxygène et l’azote, puis de reconstituer l’air ordinaire en effectuant leur mélange. Il montre aussi, comme Cavendish*, que l’eau est obtenue par combustion de l’hydrogène, en déduit qu’elle n’est pas un élément et établit en 1781 la composition du gaz carbonique en faisant brûler du diamant.

Physicien, Lavoisier est, avec Laplace*, l’auteur d’une étude de la dilatation des solides, ainsi que des premières mesures calorimétriques ; utilisant un calorimètre à fusion de la glace, il donne en 1780, dans son Mémoire sur la chaleur, diverses valeurs de chaleurs massiques ou de chaleurs de réactions chimiques.

Il participe, avec L. B. Guyton de Morveau (1737-1816), A. F. de Fourcroy (1755-1809) et Berthollet*, à la création d’une nomenclature chimique rationnelle, fondée sur le concept d’élément (1787). Son Traité élémentaire de chimie, paru en 1789, qui remporte un grand succès, utilise cette nomenclature.

Il s’intéresse aussi à la chimie appliquée à la biologie et montre, le premier, que la chaleur animale résulte de combustions organiques portant sur le carbone et sur l’hydrogène.

Le jugement de Pasteur

« On trouverait difficilement dans l’histoire des sciences un nom qui éveille plus d’admiration et de sympathie que celui de Lavoisier.

L’éclat et la fécondité de ses découvertes, la noblesse de ses sentiments comme homme public et comme homme privé, sa fin si cruellement prématurée, à laquelle on ne peut penser sans un douloureux serrement de cœur, tout se réunit pour faire de Lavoisier l’une des plus pures et des plus touchantes illustrations de notre pays [...]. C’est une chose digne de remarque : Lavoisier n’a découvert aucun corps simple, aucune combinaison nouvelle. Les phénomènes qu’il a étudiés étaient connus de ses devanciers. Les arts ne lui doivent directement aucune application.

Nulle voix ne s’élèvera jamais pour lui refuser le premier rang parmi les chimistes les plus célèbres de tous les temps et de tous les pays. »

Georg Ernst Stahl

Médecin et chimiste allemand (Ansbach 1660 - Berlin 1734). Auteur, en médecine, de l’animisme, il développa en chimie la théorie du phlogistique, qui ne résista pas aux travaux de Lavoisier.


Administrateur

Les travaux de science pure qui ont fait passer le nom de Lavoisier à la postérité ne doivent pas faire oublier son action dans les administrations dont il a la charge, celle des poudres et salpêtres et celle des tabacs. Il fait étudier à la poudrerie d’Essonnes l’amélioration des poudres noires, puis réussit à quintupler la production du salpêtre en France par le développement des nitrières artificielles. Ses rapports d’inspection aux Manufactures royales de tabac de Dunkerque, Valenciennes et Morlaix, ainsi qu’à l’entrepôt de Rennes, sont remplis de judicieuses propositions pour le perfectionnement des préparations des tabacs à priser et à mâcher. Précurseur de la mécanisation, il suggère l’emploi du vent pour actionner les moulins à poudre jusqu’alors mus à la main.

Après la mort de Lavoisier, sa femme, qui avait été emprisonnée, mais qui retrouva assez vite ses biens, s’attacha à défendre sa mémoire et à mettre à jour les manuscrits inachevés. (Elle avait appris l’anglais pour lui traduire les mémoires de J. Priestley et de Cavendish.) Mais, en 1805, elle épousa le physicien américain Benjamin Thompson, comte Rumford (1753-1814).

R. T.

 M. Daumas, Lavoisier (Gallimard, 1941). / R. Dujarric de La Rivière, Lavoisier économiste (Masson, 1949). / H. Montias, Lavoisier (Gauthier-Villars, 1964). / L. Scheler, Lavoisier (Seghers, 1964). / M. Berthelot, la Révolution chimique : Lavoisier (Blanchard, 1965). / L. Velluz, Vie de Lavoisier (Plon, 1966).

Law (John)

Financier écossais (Édimbourg 1671 - Venise 1729).


Ce fils d’un orfèvre écossais ressemble à un banquier du grand siècle auquel un Casanova aurait prêté sa séduction. De son père et du monde des manieurs d’argent enrichis par l’escompte et l’échange, il tient la passion des questions monétaires. Son esprit agile excelle très tôt à l’analyse des mécanismes bancaires.

Par sa mère, il touche à l’aristocratie : beau, il sait aussi charmer ; ami du plaisir, il garde la tête froide au milieu des fêtes les plus folles. Il est joueur et c’est pour lui une manière de duel. Il sait aussi tirer l’épée : la mort d’un de ses adversaires lui vaut à vingt-quatre ans de connaître les prisons du Royaume-Uni. Son évasion est trop aisée pour ne pas avoir été facilitée. Désormais, il court l’Europe.

Il va à Amsterdam, à Paris, à Venise, à Gênes et à Naples. En Hollande, il apprend la finance, en Italie les tripots ; partout, il côtoie les princes et fuit devant leur police. Il en est de même en France, où sa trop grande expérience des cartes le rend suspect. Expulsé, il revient en 1716. C’est l’époque de la Régence ; le duc d’Orléans est attiré par le personnage ; il le laisse appliquer ses idées, la France devient militante du « système ».