Inde (suite)
• Le Mahābhārata (du ive s. av. J.-C. au ive s. apr. J.-C. env.). Sa composition semble être le fruit d’une lente élaboration et de plusieurs auteurs. Cependant, la tradition indienne l’attribue unanimement au poète Vyāsa, que l’on présente parfois comme une incarnation de Viṣṇu. Il existe deux recensions principales : celle du Nord et celle du Sud. Les versions du Nord comptent 90 000 vers de 32 syllabes, qui se répartissent en 18 livres, ou parvan (articulations). Selon un procédé apprécié dans la littérature indienne, la narration du récitant est interrompue par les récits secondaires de diverses autres personnes. Le sujet principal est la rivalité entre les Kaurava et leurs cousins, les cinq Pāṇḍava. Ces derniers perdent leur royaume au jeu de dé et, pour le recouvrer, doivent livrer une grande bataille aux Kaurava. Aidés de Kriṣṇa, qui les pousse à l’action, ils seront vainqueurs. Sur cette trame connue dans l’Inde entière, cent fois reprise dans toutes les formes de l’art (musique, danse, poésie, sculpture), se sont greffés de multiples récits adjacents, qui, souvent, ont été traités par des poètes successifs. Il en est ainsi de l’épisode de Śakuntalā (liv. I), des aventures de Nala et de Damayantī (liv. III) ainsi que des légendes concernant les serpents, le déluge, les fables dont les personnages sont des animaux, etc.
• La Bhagavad-Gītā. Elle se situe avant la grande bataille du Mahābhārata (liv. VI, chap. xxi à xl). Le héros Arjuna est saisi de crainte et de scrupule à l’idée de combattre les Kaurava, ses cousins. Son conducteur de char, Kriṣṇa, qui apparaît pour la première fois dans ce texte comme une figure importante, l’incite à l’action en lui expliquant les conditions qui la justifient : l’homme doit agir indépendamment du résultat. Au heu de renoncer à l’action, il lui faut renoncer au désir qui s’attache à l’action. « Pour qui réalise le détachement intérieur, il n’est plus, ici-bas, ni bien ni mal. Efforce-toi donc au yoga ; le yoga est dans les actes la perfection. » L’amour de Dieu (bhakti) et sa connaissance par intuition directe grâce au yoga amènent à la libération. Commentaires, traductions, imitations de ce poème religieux se sont multipliés par la suite dans toutes les langues de l’Inde. Par certains aspects, la Gītā se rattacherait aux Upaniṣad, mais c’est une philosophie qui s’humanise. Dieu (Bhagavad) y est représenté de façon plus personnelle, incarné sous les traits de Kriṣṇa ; le dualisme du sāmkhya (moi et non-moi) est soumis à Dieu, et le yoga y est expliqué non seulement comme une méditation, mais comme un moyen pour l’individu d’échapper au cycle des renaissances par des exercices pratiques permettant la concentration.
• Le Rāmāyaṇa. La « geste de Rāma », beaucoup plus courte que le Mahābhārata (24 000 vers), est aussi plus unifiée. On peut accepter comme assez vraisemblable l’hypothèse de la fixation par un seul auteur, nommé Vālmīki, des légendes orales qui s’étaient transmises peu à peu jusqu’à une date imprécise se situant aux environs du ier s. avant notre ère. L’épopée raconte l’histoire de Rāma, fils du roi d’Ayodhyā (province ancienne d’Aoudh). Marié à la princesse Sītā, celui-ci se voit condamné à l’exil grâce aux intrigues de sa belle-mère et part pour la forêt, accompagné de son épouse et de son frère cadet, Lakṣmaṇa. De nombreuses aventures l’y attendent, et Sītā lui est enlevée par le roi démon Rāvaṇa, qui habite l’île lointaine de Lankā. Rāma se lance à sa poursuite, aidé par le roi des singes Hanumant. Lankā est attaquée et incendiée et Sītā est retrouvée. Mais Rāma, craignant qu’elle ne soit pas restée chaste, la répudie.
Le style du Rāmāyaṇa marque une étape importante vers la poésie classique. La langue est plus pure que les narrations antérieures, et l’on y distingue déjà les procédés de rhétorique et de prosodie qui marquent les grandes œuvres des littératures indiennes : images, métaphores, assonances. Cette épopée a joui en Inde et hors de l’Inde d’une renommée exceptionnelle. Beaucoup plus accessible à toutes les couches de la population, elle fait appel aux sentiments les plus spécifiquement indiens : l’amour de la nature sous toutes ses formes (plantes, animaux, rivières, etc.) en tant qu’émanation du divin, les rapports profonds entre époux, la puissance des liens familiaux, le goût de la beauté, du faste, s’alliant cependant à une extraordinaire capacité de renoncement. Riche en éléments folkloriques, elle reconstitue toute une ambiance de fêtes, de coutumes, d’attitudes qui se perpétuent jusqu’à nos jours. Le Rāmāyaṇa a été traduit et transposé dans toutes les langues de l’Inde, et notamment, à partir du iie s., dans les langues dravidiennes (tamoul, telugu, kannara) ; on le retrouve dans les versions bouddhiques indiennes et aussi en tibétain, en chinois, en siamois, en khmer, en indonésien. La danse classique lui emprunte de multiples thèmes, et l’Inde contemporaine célèbre encore annuellement, au cours de fêtes très populaires et colorées, les aventures de Rāma, de Sītā et de Lakṣmaṇa.
Œuvres de Kālidāsa
Poèmes épiques
Kumārasambhavam (la Naissance de Kumāra, fils de Śiva) [18 chants].
Raghuvamśam (la Famille de Raghu, dynastie solaire), fondé sur le Rāmāyaṇa et quelques Purāṇa.
Poèmes lyriques
Meghadūtam (le Nuage messager) [100 vers environ]. Un amant séparé de sa bien-aimée confie un message au nuage qui passe.
Ritusamḥāra (la Ronde des saisons). Les six saisons de l’Inde sont décrites en six chants.
Théâtre
Abhijñānaśākuntalam (Śakuntalā et l’anneau de reconnaissance), sujet emprunté à l’épopée.
Mālavikāgnimitram (Mālavikā et Agnimitra).
Vikramorvaśī (Urvaśī gagnée par l’héroïsme), apsarā éprise d’un mortel.