Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Guillaume Ier (suite)

Désormais, et malgré le prestige de la couronne impériale, les destinées de l’Empire sont dans les mains de Bismarck. Guillaume Ier gardera ce dernier à la chancellerie malgré leurs désaccords, notamment à propos de la politique extérieure et du Kulturkampf. La santé robuste de l’empereur — malgré deux attentats en 1878 — lui permettra d’atteindre l’extrême vieillesse. Il mourra le 9 mars 1888. L’ère bismarckienne était révolue.

P. P.

➙ Allemagne / Bismarck / Franco-allemande (guerre) / Hohenzollern / Prusse.

 Politische Korrespondenz Kaiser Wilhelms I (Berlin, 1890) ; Kaiser Wilhelms des Grossen Briefe, Reden und Schriften (Berlin, 1905 ; 2 vol.). / E. Marcks, Kaiser Wilhelm I (Leipzig, 1897 ; nouv. éd., 1943). / Y. Schmitz, Guillaume Ier et la Belgique (Plon, 1946).

Guillaume II

(château de Potsdam 1859 - Doorn, Pays-Bas, 1941), roi de Prusse et empereur d’Allemagne (1888-1918).



Le prince héritier

Fils du prince héritier Frédéric (le futur Frédéric III), le prince Frédéric-Guillaume — qui deviendra Guillaume II — est beaucoup plus « Hohenzollern » que son père et goûte cette ambiance de victoire qui caractérise les années 1870. Si le jeune prince s’entend mal avec son père, le kronprinz, il s’oppose plus encore à sa mère, une Anglaise, Victoria, fille de la reine d’Angleterre, car il entend affirmer son caractère prussien et rejette tout ce qui peut rappeler l’ascendance anglaise.

En conflit plus ou moins latent avec ses parents, il souffre aussi d’une infirmité congénitale. D’une naissance difficile, il garde le bras gauche atrophié et une lésion de la rotule. Peut-être ces infirmités sont-elles à l’origine d’un complexe d’infériorité, mais le jeune prince entend le vaincre : il devient bon tireur, bon cavalier.

Afin de l’éloigner de la Cour, ses parents le confient d’abord, avec son frère Henri (1862-1929), au gymnase de Kassel ; Frédéric-Guillaume y reste plus de deux ans, fréquentant ainsi à l’école les fils de la bourgeoisie. Il est surveillé par le Dr. Georg Hinzpeter (1827-1907), calviniste austère, grand admirateur des Hohenzollern, homme préoccupé par la question sociale et qui lui fait visiter des usines. Après ses examens, en 1877, il reçoit une courte formation militaire avant d’entrer à l’université de Bonn. Il y mène la vie de tous les étudiants. Il entre dans la « Borussia », vieux corps aristocratique d’étudiants ; sa mentalité ne change pas. À la fin de ses études universitaires, en 1879, il est plus militariste que jamais.

Deux ans plus tard, il épouse la princesse Augusta-Victoria, fille du duc Frédéric d’Augustenburg, à qui Bismarck a enlevé les duchés danois. Peu intelligente, mais forte de beaucoup d’amour pour son mari et d’un solide bon sens, celle-ci sait tenir sa place à Potsdam, où s’installent les jeunes époux.

Frédéric-Guillaume exerce alors des commandements militaires. Il subit à cette époque l’influence du général Alfred von Waldersee, un ambitieux rêvant de devenir chancelier, et celle du pasteur Adolf Stoecker (1835-1909), apôtre du christianisme social.

L’impatience de régner du jeune prince se trouve comblée par le mal incurable qui frappe son père. Atteint d’un cancer à la gorge, Frédéric III ne règne que trois mois environ, de mars à juin 1888. Guillaume II devient donc empereur à l’âge de vingt-neuf ans.


L’avènement, le caractère

Le nouvel empereur ne manque pas de prestance, surtout en uniforme, tenue qu’il affectionne et qui est parfaitement conforme à l’image qu’il entend donner à son peuple : celle d’un maître énergique, sûr de lui et imbu de son droit. Le kaiser ne manque pas de qualités : servi par une excellente mémoire, doué d’une grande faculté de compréhension, il s’intéresse à son « métier de roi », qu’il exerce avec application. Orateur, il sait trouver le langage direct propre à enthousiasmer les foules, comme les formules exaltant un orgueil allemand, parfois outrancier, mais parfait reflet des sentiments de ses sujets. Il se veut dépourvu de préjugés ; ennemi de l’étiquette, il entend ouvrir la Cour aussi bien aux représentants de la vieille noblesse qu’aux banquiers, aux industriels, aux armateurs, qu’ils soient protestants, catholiques ou juifs.

Mais l’empereur est affligé de graves défauts. Impulsif, enclin à la précipitation, vaniteux, orgueilleux, présomptueux, il multiplie les maladresses : paroles excessives, fanfaronnade inutiles. Il supporte mal les critiques. Versatile, indécis derrière des attitudes théâtrales d’homme résolu, sujet aux sautes d’humeur, affecté par de véritables dépressions, il inquiète son entourage, qui s’interroge parfois sur son équilibre. Influençable, il subit à Potsdam, au Nouveau Palais, son inconfortable résidence habituelle, ou sur son yacht, véritable « théâtre flottant », les pressions de son entourage, et d’abord celles des membres de son cabinet : Friedrich Karl von Lucanus (1831-1908), le prudent chef du cabinet civil ; Wilhelm von Hahnke (1833-1912), parfait militaire prussien, chef du cabinet militaire. Au centre des intrigues, le maréchal de la Cour, August, comte d’Eulenburg (1838-1921), tente de se maintenir « sur un parquet glissant ». Confident, homme du monde, Philipp, prince d’Eulenburg (1847-1921), est, quant à lui, jusqu’au scandale de 1907, un homme très écouté ; plusieurs chanceliers et secrétaires d’État lui doivent leur nomination.

Guillaume II, bouc émissaire commode après la défaite, est fréquemment chargé, par ses contemporains, comme par une partie de l’historiographie allemande, de la responsabilité de l’écrasement du Reich. Ces accusations sont-elles fondées ?

Certes, d’après la Constitution de 1871, Guillaume II commande les armées, accrédite les ambassadeurs à l’étranger, promulgue les lois fédérales et, avec l’accord du Bundesrat, peut déclarer la guerre, dissoudre le Reichstag. Le chancelier et donc les secrétaires d’État ne sont responsables que devant lui. Guillaume II reste roi du plus grand État de l’Empire : la Prusse.

Très imbu de son droit, se considérant comme empereur de droit divin, il se trouve donc à la tête d’un régime qui lui laisse d’importants pouvoirs. A-t-il su les utiliser ?