Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Florence (suite)

Cette réforme institutionnelle de Florence s’accompagne d’une transformation de ses structures militaires. Rationalistes convaincus des mérites de la spécialisation, les hommes d’affaires estiment en effet qu’il est plus efficace et moins coûteux de rétribuer des mercenaires en cas de guerre plutôt que d’interrompre, par une mobilisation des travailleurs valides et de leurs chefs, le cours de la vie économique. Aussi recourront-ils de plus en plus après 1350 aux condottieri, généralement étrangers et dont le plus célèbre est, en 1378, l’Anglais John Hawkwood (Giovanni Acuto).

Par ailleurs, l’oligarchie marchande de Florence réussit à échapper aux conséquences de la stagnation économique du début du xive s., aidée, il est vrai, par le déclin brutal de ses rivales toscanes : Pise et Sienne. Vers 1336-1338, selon le témoignage autorisé du chroniqueur Giovanni Villani, l’Arte di Calimala importe annuellement dans ses 20 magasins plus de 10 000 pièces de drap d’outre-monts valant 300 000 florins d’or (7 à 10 p. 100 de la production de l’Europe occidentale), tandis que l’Arte della Lana fabrique, dans ses 200 ateliers, de 70 000 à 80 000 pièces de drap pour une valeur de 1 200 000 florins d’or. En outre, la diversité des activités financières, bancaires et commerciales du premier de ces deux arts — diversité qui entraîne la frappe annuelle de 300 000 à 400 000 florins d’or — renforce la prospérité et le courant migratoire dont Florence bénéficie alors. Peuplée selon Fiumi d’environ 95 000 habitants dès 1300 (maximum démographique jusqu’en 1865). Florence est pourvue d’une dernière enceinte de 8 500 m renforcée de 63 tours et enserrant une superficie de 630 ha. Alors naît un ensemble monumental (cathédrale Santa Maria del Fiore, églises Santa Croce et Santa Maria Novella, Palazzo Vecchio, Orsammichele, etc.), qui souligne la volonté de la bourgeoisie de pérenniser son œuvre dans la pierre en faisant appel aux artistes les plus prestigieux, dont elle stimule finalement le génie par l’efficace pratique du concours.

Pourtant, la prospérité de la ville reste à la merci de la moindre crise, en raison de la structure même des compagnies marchandes, dont le capital est constitué moins par les apports des associés (corpo di compagnia) que par ceux des tiers (sopra corpo), dont les dépôts sont remboursables à vue et garantis sans limites par les biens des associés. Aussi, malgré l’habileté des techniques inventées ou adoptées par les marchands florentins (comptabilité en partie double, chèque, lettre de change, assurance, succursales habilement réparties de Famagouste à Londres), la vie économique de Florence est-elle scandée au xive s. par d’innombrables faillites, provoquées en partie par des crises politiques intérieures ou internationales.

Ainsi, l’éclatement de la Parte guelfa en deux consorterie hostiles, les Noirs et les Blancs, en lutte de 1300 à 1302, aboutit à l’exil des seconds (Dante*) et à la faillite de leurs compagnies. Affaiblies par ces discordes, les « sociétés noires » déposent à leur tour leur bilan : les Mozzi en 1301-1302 ; les Franzesi en 1307 ; les Pucci et Rimbertini en 1309 ; les Frescobaldi en 1312 ; les Scali en 1326, enfin.

Tenant compte de ces échecs, les Noirs rappellent les Blancs exilés en 1301, mais doivent, face à la menace gibeline, accepter à plusieurs reprises la seigneurie d’un prince étranger : celle du roi Robert de Sicile de 1313 à 1321 pour échapper à l’intervention de l’empereur Henri VII ; celle du duc Charles de Calabre de 1325 à 1327, au lendemain de la victoire des Siennois à Altopascio, en 1325 ; celle du duc d’Athènes, Gautier de Brienne, enfin, de 1342 à 1343 ; restaurant la paix avec Lucques et Pise, celui-ci est bientôt écarté par une insurrection fomentée par les Bardi, qui dirigent l’une des plus importantes compagnies marchandes de la seconde génération.

Plus prudente, cette dernière instaure entre ses membres un régime de solidarité financière qui n’empêche pas la faillite, en 1342, des compagnies dell’Antella, des Cocchi, des Uzzano. etc., les déposants ayant procédé à des retraits massifs par crainte que Florence ne renonce à l’alliance guelfe. De même les échecs militaires de leur débiteur Édouard III provoquent-ils la chute des Peruzzi et des Acciaiuoli en 1343, celle des Bardi en 1346.

Aggravée par la peste noire qui tue près de 50 000 habitants entre 1348 et 1350, la crise de Florence retarde jusqu’en 1360 le succès d’une troisième génération marchande. Ses compagnies, qui veulent accaparer à leur profit la direction de leur ville, s’éliminent tour à tour. Ayant contraint les Guardi à la faillite en 1370-71, les Alberti perdent leur chef Benedetto, frappé d’exil en 1387 selon la nouvelle procédure de l’ammonizione, instituée à leur encontre par les Ricci, qui dirigent les arts moyens, et par les Albizzi, qui sont à la tête du popolo grasso ; enfin chef de ces derniers, Rinaldo doit s’effacer à son tour le 29 septembre 1434 devant Cosme de Médicis, qu’il a fait exiler en 1433. Seuls restent alors en présence les Strozzi et surtout les Médicis* : Cosme l’Ancien rentre, en effet, dès le 5 octobre à Florence, où il instaure la seigneurie de fait de sa famille.


Des Médicis au royaume d’Italie

La montée au pouvoir de cette dernière famille s’explique en partie par le renom de défenseur du popolo minuto et du prolétariat ouvrier (ciompi) que ses membres ont su acquérir. Au moment où la rupture de l’alliance guelfe et la guerre avec le Saint-Siège provoquent une crise grave à Florence, Silvestre de Médicis a préféré en effet, en 1376, accroître la participation des arts mineurs au pouvoir avec l’appui des ciompi, dont la révolte en juillet 1378, sous la direction du cardeur Michele di Lando, a abouti à la création de trois nouveaux arts (teinturiers, faiseurs de pourpoint, menu peuple rassemblant les ouvriers non qualifiés). Le prolétariat urbain de Florence, vaincu en janvier 1382 par le popolo grasso, qui rétablit les statuts oligarchiques de 1293, se retrouve naturellement solidaire des Médicis en 1433-34.