corps pur (suite)
Il résulte de là qu’un corps pur est, sous un état physique donné, une substance homogène ; qu’il présente un certain domaine de stabilité et que, si à l’intérieur de ce domaine des changements d’état se produisent, il correspond à chacun d’eux une température bien déterminée sous pression donnée. L’eau pure, par exemple, présente ces caractères : la glace, l’eau liquide, la vapeur d’eau sont homogènes ; sous la pression atmosphérique normale, la fusion de l’eau pure intervient à 0 °C, et son ébullition à 100 °C ; sous cette pression, ces températures sont fixes, c’est-à-dire gardent la même valeur tant que l’échantillon n’est pas entièrement fondu ou vaporisé. Par contre, un azéotrope, un eutectique ne sont pas des corps purs.
Une substance ayant été reconnue comme un corps pur, il est aisé de déterminer ses constantes physiques : point de fusion, point d’ébullition sous pression normale ou réduite, masse volumique et indice de réfraction, propriétés électriques, magnétiques, spectres optiques, etc. Ces constantes, déterminées une fois pour toutes avec précision et inscrites dans des tables, permettent, si ce corps est rencontré au cours d’un travail, de le reconnaître et aussi de juger de sa pureté, car des impuretés qu’il renferme modifient plus ou moins ces constantes.
En fait, les procédés d’analyse immédiate, ainsi que les procédés chimiques que l’on peut éventuellement leur adjoindre pour l’isolement d’un corps pur, ne fournissent jamais un corps absolument exempt d’impuretés ; la notion de pureté est essentiellement relative. Corrélativement, la détermination des constantes physiques est toujours entachée d’une certaine erreur, et les constantes d’un corps réputé pur sont toujours sujettes à révision à mesure que se perfectionnent les méthodes de fractionnement et d’analyse. Parmi ces dernières, certaines, comme les méthodes spectroscopiques, sont d’une grande sensibilité ; un produit « chimiquement pur », dont les impuretés ne se manifestent pas par l’emploi de réactifs chimiques, est en général loin d’être « spectroscopiquement pur ». La recherche de la plus grande pureté est toujours souhaitable ; elle est nécessaire dans certaines applications comme les industries nucléaires, où par exemple le modérateur graphite doit, pour être utilisable, renfermer moins de 1 p.p.m. (partie pour million) de bore ; de même, l’industrie des transistors doit utiliser des corps très purs, par exemple du germanium à 0,001 p.p.m. d’impuretés. Un corps pur est dit « composé » lorsque, soumis à des procédés plus puissants que ceux de l’analyse immédiate (forte élévation de température, réaction chimique, électrolyse, etc.), il se laisse fractionner en plusieurs autres corps purs ; c’est le cas du plus grand nombre. Quelques corps purs cependant résistent à ces tentatives de fractionnement : ce sont des corps simples, dans la constitution desquels n’intervient qu’un seul élément*, alors que dans la constitution d’un corps composé interviennent, suivant des règles bien définies, plusieurs éléments.
Étude physique
Un corps pur, tel qu’il est défini en chimie, est susceptible, suivant la température et la pression, de présenter divers états physiques : un ou plusieurs états solides cristallisés, un état liquide, un état gazeux. Dans chacun de ces états, le corps pur est homogène, il forme une seule phase ; l’application de la règle des phases montre que le corps pur dans un état physique déterminé constitue un système bivariant, ce qui revient à dire qu’il peut être observé, dans chaque état, dans un certain domaine de températures et de pressions et que, stable à l’intérieur de ce domaine, toutes ses propriétés dépendent à la fois de la température et de la pression. Notons en passant que l’état vitreux présenté par certains corps, s’il offre certaines propriétés mécaniques de l’état solide, n’est cependant que le prolongement de l’état liquide vers les basses températures où, par suite de l’énorme accroissement de la viscosité, les transformations qui conduiraient à l’état stable de solide cristallisé sont très lentes ; cela fait de l’état vitreux un état de faux équilibre, dont il ne sera pas question ici.
Les changements d’état d’un corps pur font passer celui-ci d’un état physique à un autre. Ce sont : la fusion, du cristal au liquide, et son inverse, la solidification (cristallisation) ; la vaporisation, du liquide au gaz, et son inverse, la liquéfaction ; la sublimation, passage direct du solide au gaz, et son inverse, la condensation directe du gaz à l’état solide. On doit ajouter à cette liste les transformations allotropiques que subissent certains cristaux : le soufre, par exemple, est dimorphe à l’état solide ; sous la pression atmosphérique, la variété stable aux températures inférieures à 96 °C est le soufre cristallisé en octaèdres orthorhombiques, dit « soufre α » ; au-dessus de 96 °C et jusqu’à la fusion, c’est le soufre prismatique, monoclinique, dit « soufre β », qui est stable ; quand on chauffe lentement le soufre solide, un changement de phase a lieu à 96 °C.
Changements d’état et transformations allotropiques d’un corps pur sont des changements de phase, ou transitions, dits « de première espèce », ou « du premier ordre ». Ils présentent des caractères communs et obéissent aux mêmes lois.
• Ils donnent lieu, entre les deux phases en présence, à un équilibre stable, dont la règle des phases et l’expérience nous disent qu’il est uni-variant : c’est dire que la température à laquelle a lieu ce changement est fonction de la pression et non pas des masses des phases en présence. On caractérise cette transition par une courbe p = f(T) représentant la pression d’équilibre en fonction de la température : courbe de fusion, de vaporisation, etc.
• Ils s’accompagnent de discontinuités dans les propriétés et constantes physiques : variation brusque du volume, des chaleurs massiques, etc.