Caldwell (Erskine) (suite)
Trouble in July (Bagarre de juillet, 1940) est peut-être le meilleur roman de Caldwell. Une petite vicieuse de quinze ans, Katy, accuse un Noir de l’avoir violée. On lynche celui-ci. Quand la fillette proteste, on la lapide plutôt que d’avoir tort. Journeyman (1935) évoque la superstition des petits Blancs du Sud : un prédicateur itinérant déclenche l’hystérie d’un village, exploite la crédulité avant de s’enfuir avec la prostituée locale, dont il devient le souteneur. Trente ans plus tard, Caldwell reprend un thème voisin dans Miss Mamma Aimée (1967).
Infatigable, à contre-courant des modes littéraires, Caldwell continue de décrire en 1970 l’envers des États-Unis, un monde sans ordinateur ni management, un monde qui, à force de misère, finit par avoir le charme de l’exotisme. Quand il raconte les malheurs du Sud, il n’a pas le génie de Faulkner. Mais il a le même amour déchiré pour le Sud, pour cette terre maudite, où l’histoire semble s’être arrêtée depuis la guerre de Sécession. Venue du Nord, la civilisation yankee est passée sur le Sud comme la colonisation sur l’Afrique, détruisant les cultures, brisant les ethnies, laissant des êtres médusés, qui sont autant de « grotesques ». Tragic Ground (Terre tragique, 1944), histoire d’un paysan qui tente vainement de se reconvertir à l’industrie, montre que le Sud ne peut pas se recycler : il est maudit.
L’œuvre de Caldwell souffre d’une ambiguïté fatale : l’écrivain dénonce la dégradation du Sud, mais il est fasciné par ce pourrissement. Il y a quelque chose de psychopathique dans son érotisme bestial, son goût de la violence, qui l’apparente plus à Tennessee Williams et au roman noir sudiste, héritier d’Edgar Poe, qu’au roman social. Caldwell est un écrivain sérieux, moral, qui souffre de la misère de ses semblables, qui la dénonce dans des nouvelles comme American Earth (1930), ou dans des essais tels que You have seen Their Faces (1937). Mais son misérabilisme n’a jamais trouvé sa vraie vocation, hésitant entre le reportage social et le roman noir, entre la pitié et le sadisme. Après avoir connu un très grand succès, Erskine Caldwell garde une place modeste dans la littérature américaine comme auteur de mélodrames régionalistes.
J. C.
A. Kazin, On Native Grounds (New York, 1942). / P. Brodin, les Écrivains américains de l’entre-deux-guerres (Horizons de France, 1946). / W. M. Frohock, The Novel of Violence in America (Boston, 1950).