Bernard (Claude) (suite)
Malgré les erreurs d’interprétation qu’il donna à ses découvertes sur le rôle du foie dans le métabolisme du sucre (il croyait que cet organe fabrique le sucre, alors qu’il ne fait que le stocker), on peut dire qu’il a ouvert la voie à la chimie physiologique et à l’endocrinologie. Quant à sa découverte du rôle du sympathique cervical, elle reste en tout point valable, et le « syndrome de Claude Bernard-Horner », observé en neurologie (énophtalmie, larmoiement, myosis), correspond bien à la suppression fonctionnelle des trois ganglions du sympathique cervical.
J.-C. L. P.
Les précurseurs de Claude Bernard
L’expression médecine expérimentale existait en fait avant Claude Bernard et Magendie. Elle semble remonter à François Thierry (1718-1792), qui l’utilise en 1755. Parmi les autres précurseurs, il faut citer Sylvain Denis (1789-1863), qui écrit, en 1830, un Discours préliminaire sur le sang humain considéré à l’état normal, et l’Allemand Friedrich Tiedemann (1781-1861), auteur d’un traité de Physiologie de l’homme, qui sera traduit en français à partir de 1830. Ces deux auteurs élaborent des règles d’expérimentation, mais ils ne poussent pas le raisonnement jusqu’au bout. Comme l’écrit Claude Bernard, « c’est la contre-épreuve qui prouve le déterminisme nécessaire des phénomènes ». Il semble bien que, même si des bases expérimentales ont été établies par quelques précurseurs, jamais le raisonnement complet correspondant au triptyque exposé par Claude Bernard n’a été parfaitement établi avant l’œuvre du savant français, qui a pu dire sans forfanterie qu’il était le créateur de la médecine expérimentale.
Deux autres savants méritent d’être cités pour l’influence qu’ils eurent sur Claude Bernard. C’est d’abord Lavoisier*, qui fit éclore tout un chapitre de la chimie et qui, lui aussi, introduisit l’hypothèse et l’expérimentation dans cette discipline. C’est ensuite, en médecine, Xavier Bichat (1771-1802), qui avait déjà substitué à l’autonomie des organes la notion de structure anatomique, c’est-à-dire de tissu. Mais Claude Bernard s’opposera à Bichat, défenseur du « vitalisme », théorie opposée à celle du déterminisme des phénomènes.
François Magendie,
physiologiste français (Bordeaux 1783 - Sannois 1855), est certainement le maître dont la rencontre fut l’une des clés de la carrière du physiologiste. La collaboration du maître et de l’élève, tant au Collège de France qu’au laboratoire de l’Hôtel-Dieu, ne fut pas sans heurts : Magendie se montrait sévère et exigeant, mais il était très ouvert à l’expérimentation et à la vivisection. Il eut la sagesse de reconnaître la valeur du travail effectué par son élève et, au cours des années, ne lui ménagea pas son soutien. Magendie avait d’ailleurs, dans certains de ses écrits, prévu la méthode expérimentale et l’explication physico-chimique des phénomènes physiologiques.
Les élèves de Claude Bernard
Paul Bert,
physiologiste et homme politique français (Auxerre 1833 - Hanoi 1886), se place au premier rang des élèves de Claude Bernard. Il enseigna la physiologie à la Faculté des sciences de Paris, à l’École des hautes études et fut élu à l’Académie des sciences en 1882. Il réalisa des greffes et des transplantations, et étudia la respiration ainsi que l’action des variations de pression des gaz respiratoires (O2, CO2). Ministre de l’Instruction publique dans le cabinet de Gambetta (14 nov. 1881 - 26 janv. 1882), il fut nommé en janvier 1886 gouverneur de l’Annam et du Tonkin.
Arsène d’Arsonval
collabora avec Claude Bernard dans ses dernières années et fut le précurseur de l’électrologie médicale. (V. électrothérapie.)
De nombreux autres élèves sont à citer : Jean Barral, chimiste et agronome (1819-1884) ; Albert Dastre, physiologiste français (1844-1917) ; Jean-Baptiste Dumas* ; Mathias Duval, médecin, anatomiste et histologiste (1844-1907) ; Henri Sainte-Claire Deville* ; Louis Ranvier (1835-1922).
P. Foulquié, Claude Bernard (Éd. de l’École, 1954). / A. Cresson et M. Dhurout, Claude Bernard, sa vie, son œuvre, sa philosophie (P. U. F., 1960). / M. D. Grmek, Catalogue des manuscrits de Claude Bernard avec la bibliographie de ses travaux imprimés et des études sur son œuvre (Masson, 1967). / J. Schiller, Claude Bernard et les problèmes scientifiques de son temps (Éd. du Cèdre, 1967). / Fondation Singer-Polignac, Colloque organisé pour la célébration du centenaire de la publication de l’« Introduction à l’étude de la médecine expérimentale » de Claude Bernard. T. I : Philosophie et méthodologie scientifiques de Claude Bernard ; t. II : les Concepts de Claude Bernard sur le milieu intérieur (Masson, 1967 ; 2 vol.).