tapisserie (suite)
C’est cependant plus tard, avec Lurçat* et quelques ateliers de la Marche, que se produisit un réveil du vieux métier, salué comme une « renaissance » décisive durant quelque quinze ou vingt ans après la Seconde Guerre mondiale. Dès le début des années 50, sous l’influence de Le Corbusier* et de Vasarely*, plusieurs artistes — soucieux de maintenir la tapisserie dans le courant artistique de l’époque — créent des compositions abstraites. Parmi les plus importants, citons le sculpteur Adam*, les peintres Mario Prassinos (né en 1916), Robert Wogensky (né en 1919) ou encore Michel Tourlière (né en 1925), qui se consacre à la tapisserie et dont l’œuvre est caractérisée par la sobriété des tons chauds et l’abstraction souple des formes. Toutes les œuvres de ces artistes sont tissées par l’une ou l’autre des manufactures nationales.
Mais, peut-être, ce renouveau n’était-il qu’un primitivisme quelque peu artificiel, qu’un primitivisme encore plus radical est en passe de recouvrir aujourd’hui à la faveur du climat général de liberté qui caractérise la création plastique contemporaine. Libérées de la tradition, les œuvres deviennent des créations personnelles, le plus souvent tissées par les artistes eux-mêmes. Créée en 1962, la Biennale internationale de la tapisserie de Lausanne est devenue le théâtre de cette révolution. La remise en cause de l’art textile est due en grande partie aux créateurs des pays de l’Est, tels les Tchèques Antonín Kybal (né en 1901) et Bohdan Mrazek (né en 1931) ; les Roumains Peter (né en 1935) et Ritzi (née en 1941) Jacobi, la Polonaise Magdalena Abakanowicz (née en 1930) ou la Yougoslave Jagoda Buic (née en 1930). Cette nouvelle tapisserie est également florissante dans les pays Scandinaves avec Lasse Andreasson, Jan Groth (né en 1938), Brit H. Fuglevaag-Warsinski et Bodil Svaboe.
Cette même tendance se retrouve dans les créations de nombreux artistes japonais comme Sakuma Michiko (née en 1945) et Onagul Yōichi (né en 1931), ou dans celles de la Colombienne Olga de Amaral (née en 1932) et de l’Américaine Sheila Hicks (née en 1934), qui oriente ses recherches tant vers certaines traditions du Pérou, de la Perse et de l’Inde que vers le cinétisme des formes et des couleurs. Tout en utilisant des matériaux traditionnels, elle réalise des bas-reliefs où torsades, nœuds et couleurs créent d’étranges profondeurs.
Pour ces pionniers — qui associent au tissage traditionnel des procédés divers (broderie, passementerie géante, etc.) et qui privilégient l’emploi de matériaux hétérogènes —, la nouvelle tapisserie n’est plus seulement décoration murale, mais, par ses structures dépouillées ou au contraire très complexes, elle devient véritable animation de l’espace.
A. B.
➙ Beauvais / Gobelins (les) / Limousin.
H. Göbel, Wandteppiche (Leipzig, 1923-1934 ; 6 vol.). / G. Janneau, Évolution de la tapisserie (Compagnie des arts photomécaniques, 1947). / R. A. d’Hulst, Tapisseries flamandes (l’Arcade, Bruxelles, 1963). / E. Spina-Barelli, L’Arazzo in Europa (Novare, 1963). / R. A. Weigert, la Tapisserie et le tapis en France (P. U. F., 1964). / Le Grand Livre de la tapisserie (Bibl. des arts, 1965). / M. Jarry, la Tapisserie des origines à nos jours (Hachette, 1968). / Principes d’analyse scientifique. Tapisserie (Inventaire général des monuments et richesses artistiques de la France, 1971). / J. Coffinet, Arachné ou l’Art de la tapisserie (Bibl. des arts, 1972). / A. Kuenzi, la Nouvelle Tapisserie (Éd. de Bonvent, Genève, 1973).

