Sécession (guerre de) (suite)
Tandis que ces combats de fixation se livrent près des capitales débute dans l’Ouest une manœuvre de beaucoup plus grande envergure. Elle vise le Mississippi et ses affluents, qui étaient encore les grandes voies de pénétration vers l’ouest et où de nombreux bateaux entretenaient une intense activité économique. Aussi, le 1er mai 1862, la prise de La Nouvelle-Orléans, verrou du fleuve vers la mer, par la flotte fédérale de l’amiral David G. Farragut (1801-1870), suivie le 5 août par celle de Bâton Rouge à 100 km au nord-ouest, amorce-t-elle l’encerclement des confédérés puisque, en même temps, plus au nord dans le Tennessee, le général nordiste Ulysses S. Grant (1822-1885) bat leurs troupes près de Corinth le 29 mai. Le 6 juin, il s’empare de Memphis sur le Mississippi et avant la fin de l’année descend le fleuve jusqu’aux environs de Vicksburg, tandis que plusieurs débarquements nordistes sont effectués sur les côtes de Floride et de Géorgie.
À la fin de 1862, les progrès réalisés aussi bien dans l’armement que dans la tactique changent le visage de ce conflit. Le télégraphe comme les chemins de fer y sont pour la première fois largement employés. La troupe commence à être dotée de la carabine rayée (équipée d’un chargeur de 7 cartouches logées dans la crosse) et de la mitrailleuse*, inventée par R. J. Gatling à Chicago. C’est cependant dans la marine que sont réalisés les progrès les plus spectaculaires : les bateaux, surtout ceux du Mississippi, sont bardés de plaques de fer. Cette guerre voit le premier combat singulier, qui oppose le 9 mars 1862 le cuirassé sudiste Merrimack à son homologue nordiste Monitor, exploit renouvelé deux ans plus tard par le supermonitor Manhattan, qui coulera le supermerrimack Tennessee le 5 août 1864.
En 1863
Pendant cette année, la guerre se déroulera encore sur deux fronts. Au nord-est, le général Lee, après sa victoire sur les nordistes à Chancellorsville le 4 mai, est battu par eux les 1er et 3 juillet à la très dure bataille de Gettysburg, à 100 km au nord de Washington. C’est toutefois à l’ouest que se dessine la décision, sur les rives du Mississippi : après la chute de Vicksburg (4 juill.), les nordistes de Grant et ceux de l’amiral Farragut opèrent leur jonction à Port Hudson. Le contrôle du fleuve permet alors à Grant de revenir dans le Tennessee et de remporter le 25 novembre à Chattanooga une importante victoire sur les confédérés. C’est à ce moment que les États hésitants de l’Ouest, le Texas et la Louisiane, abandonnent la confédération.
1864-65 : la décision
À partir de 1864, la supériorité des forces fédérales, dont le général Grant est nommé commandant en chef, devient incontestable. Si les combats continuent dans les environs des deux capitales, c’est à l’ouest que la décision se précise. Elle est marquée d’abord par la capture de la flotte sudiste à Mobile le 5 août 1864 et surtout par le fameux raid qu’effectue le général William T. Sherman (1820-1891), chargé par Grant de la conduite des opérations à l’ouest. Parti de Chattanooga au début de mai 1864, il arrive après quatre mois de marche et de combats à Atlanta, capitale de la Géorgie, où il livre le 2 septembre une très dure bataille aux sudistes. Vainqueur, il brûle la ville, puis, par une marche devenue célèbre, atteint l’Atlantique à 500 km de là, près de Savannah, le 22 décembre. Désormais, les États du Sud sont coupés en deux, et les possibilités de résistance diminuent de jour en jour. Les généraux sudistes conservent toutefois un moral à toute épreuve, et Sherman est obligé de continuer la lutte. Il repart en janvier 1865 pour donner la main au général Grant, qui continue d’exercer une forte pression sur Lee dans le nord de la Virginie. Après s’être emparé de Columbia le 17 février et profitant de la chute de Charleston le 18, Sherman est vainqueur du général sudiste Johnston à Bentonville le 25 mars. Peu après, le général Grant battait Lee à Petersburg, près de Richmond, le 2 avril. Épuisés, encerclés, n’ayant plus aucun espoir d’un quelconque secours, les deux généraux sudistes sont contraints de capituler : Lee se rend à Appomattox Court House le 9 avril, Johnston le 26 à Durham.
La guerre, qui avait duré quatre ans, avait coûté 617 000 morts aux États-Unis, soit nettement plus que les deux guerres mondiales réunies. Elle avait en outre causé des dégâts considérables qui nécessitèrent une « reconstruction » longue et onéreuse. Dès 1865, toutefois, l’esclavage est officiellement aboli dans les États du Sud par un simple amendement de la Constitution... qui ne supprimera pas pour autant les problèmes posés aux États-Unis par la population de race noire.
Du point de vue militaire, cette guerre avait marqué un tournant important. Elle fut en effet menée par des masses d’hommes qui firent leur instruction sur le terrain et non dans des casernes, ce qui les affranchira d’idées préconçues. Par contre, la volonté de vaincre porta le commandement à profiter très pragmatiquement de l’essor industriel et scientifique de cette époque. Aussi ce conflit, qui avait commencé avec un armement et des principes de combat périmés, fera-t-il bientôt figure de campagne moderne. Conduite sur des théâtres d’opérations aux dimensions continentales, la guerre de Sécession sera considérée comme le premier conflit de l’ère industrielle.
H. de N.
➙ États-Unis.
P. Belperron, la Guerre de Sécession (1861-1865), ses causes et ses suites (Plon, 1947). / V. Austin, la Guerre de Sécession (Julliard, 1961). / J. Néré, la Guerre de Sécession (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1961 ; 2e éd., 1965). / R. P. Warren, The Legacy of the Civil War (New York, 1961 ; trad. fr. l’Héritage de la guerre civile, Stock, 1962). / J. Heffer, les Origines de la guerre de Sécession (P. U. F., 1971). / J. Rouberol et J. Chardonnet (sous la dir. de), les Sudistes (A. Colin, coll. « U 2 », 1971). / H. Bernard, la Guerre de Sécession des États-Unis (De Meyere, Bruxelles, 1974). / R. et P. Lemaître, la Guerre de Sécession en photos (Elsevier, 1975).