Rosso (Medardo) (suite)
Né dans une famille qui le destine à une carrière administrative, Rosso abandonne très vite ses études pour travailler chez un marbrier. Il s’intéresse alors à la peinture (paysages, intérieurs d’église) et commence seulement à pratiquer la sculpture pendant son service militaire (1880-1882), exécutant un projet de monument à Garibaldi ainsi que la première de ses « impressions », où il cherche à transcrire couleur, lumière, ambiance. Inscrit en 1882 à l’académie des Beaux-Arts de Brera à Milan (classes de nu et de sculpture), il en est rapidement exclu pour avoir incité ses camarades à protester contre les méthodes officielles d’enseignement.
Rosso expose à Milan (1882), puis à Rome (1883) des études devenues célèbres où il tente de matérialiser des impressions à la fois physiologiques et psychologiques — la chaleur, le froid, le plaisir, l’humiliation : l’Ivrogne, Chair à plaisir, Impression d’un intérieur d’omnibus, Impression de femme sous un parapluie.
Il fait un premier séjour à Paris (1884-85), travaillant chez Dalou* et vivant dans une misère extrême, se rend en 1885 à Londres, où il a exposé l’année précédente et, tout en gardant Milan comme résidence principale, voyage et montre ses œuvres avec un succès inégal à Vienne, à Venise, à Paris. C’est à lui qu’est confiée en 1889 l’exécution du monument commémoratif de Mazzini à Milan. Mais, la même année, il n’est pas admis à l’Exposition internationale de Paris. Revenu dans cette ville, Medardo Rosso est hospitalisé à Lariboisière et, à sa sortie, cherche comme toujours à transcrire ses impressions : le Malade à l’hôpital (1889, collection Francesco Rosso à Barzio).
Son œuvre est très appréciée des milieux intellectuels parisiens : Zola*, Clemenceau*, Degas* et ses amis Rouart l’admirent tout particulièrement ; des collectionneurs s’intéressent à lui. Rodin* reconnaît la personnalité de cet artiste de dix-huit ans plus jeune que lui et acquiert la Rieuse (1891, musée Rodin) en échange d’un Torse. En 1893, une exposition d’ensemble met en évidence l’originalité de Rosso, sa conception antispatiale et instantanéiste de la sculpture qui le placera toujours davantage dans une optique impressionniste : l’Enfant au soleil (Folkwang Museum, Essen, 1891), Conversation dans un jardin (1892), Paris de nuit (1895), Impression la nuit, place Clichy (1898).
Dans ses admirables portraits en pied, les détails sont toujours éliminés au profit de l’ensemble malgré une multitude de notations : ainsi Yvette Guilbert (1894, terre cuite, galerie d’Art moderne, Venise) ou le Bookmaker (1894, galerie d’Art moderne, Milan), en réalité une évocation d’Henri Rouart (dont il a déjà fait un portrait) aux courses. Lorsque Rodin exécute son Balzac, si proche de ce Bookmaker, une violente polémique, attisée par la critique, l’oppose à Rosso, chacun revendiquant l’antériorité de son impressionnisme en sculpture. Écœuré, l’Italien revient à Milan, où sa réputation commence à s’affirmer. Cinquante de ses œuvres figurent à l’Exposition universelle de 1900 à Paris et, lorsqu’au Salon d’automne de 1904, où une salle lui est consacrée, certains de ses ouvrages datant de 1883-84 sont exposés à côté du Balzac de Rodin, on peut reconnaître la priorité du cadet par rapport à l’aîné.
Rosso, dans le travail des cires colorées comme dans celui des terres, où il obtient par grattage tout un jeu de nuances, donne à la perfection le sentiment de la vie et de ses palpitations, du temps et de ses ravages. Son message n’a cependant guère été entendu, sinon par Pavel P. Troubetskoï (1866-1938), qui a profité de ses conseils, et plus tard par A. Giacometti*, sensible comme lui à l’impondérable. Les futuristes* s’intéresseront particulièrement à ses recherches (Manifeste technique de la sculpture futuriste [1912] par Umberto Boccioni) et feront beaucoup pour la gloire de cet artiste qui disait : « Rien n’est matériel dans l’espace, tout est air, lumière, rien n’est limité, tout bouge, personne ne peut voir deux effets à la fois. »
S. M.
A. Soffici, Menardo Rosso (Florence, 1929). / N. Barbantini, Menardo Rosso (Venise, 1950).