En pinyin Pu Songling, écrivain chinois de la dynastie des Qing (Ts’ing) [province de Shandong (Chan-tong) 1640 - ? 1715].
Né dans une famille de marchands, il se passionne dès sa jeunesse pour la littérature et passe à dix-neuf ans le premier degré des examens, mais il subit ensuite des échecs répétés qui l’aigrissent contre la société. Jusqu’à sa mort, son talent restera méconnu, et il demeurera pendant quarante ans simple précepteur dans une famille riche. Il a pourtant assez de loisirs pour lire beaucoup et écrire. On lui doit six volumes de poésies et quatre de proses diverses. Mais l’œuvre qui lui vaudra plus tard la célébrité est un important recueil de contes étranges qu’il a mis vingt ans à rassembler : le Liaozhai zhiyi (Leao-tchai-tche-yi) [Histoires du pavillon du loisir]. On raconte qu’il s’installait devant sa porte et offrait du thé à tous les passants en échange d’un récit. Malheureusement, dédaigné de son vivant et peu fortuné, il ne put faire éditer son ouvrage, qui ne vit le jour qu’en 1766. Cette première édition, en seize volumes, connut un succès foudroyant et fut suivie de nombreuses autres. On dit qu’il n’était pas une maison chinoise qui ne possédât une copie du Liaozhai zhiyi.
Après l’essor des contes et des longs romans à épisodes en langue vulgaire qui caractérise la littérature de la dynastie Ming, Pu Songling est le premier et le dernier à faire revivre la tradition narrative en langue classique. Son inspiration directe vient des Chuanqi (Tch’ouan-k’i) [Histoires merveilleuses] des Tang (T’ang), qu’il admirait beaucoup. Son style, très original et personnel, est donné en exemple à tous les étudiants, et c’est avec ses récits que la plupart des Occidentaux ont abordé l’étude de la langue classique. Très concise, très riche et colorée, d’une précision pleine de verve et de puissance, cette langue rend admirablement le monde équivoque des récits. Ces histoires fantastiques sont en effet peuplées de monstres, démons, fantômes, femmes-renardes taoïstes aux mille pouvoirs, bref de toutes sortes d’êtres surnaturels, mais qui se montrent la plupart du temps sous une apparence humaine fort innocente. L’ambiguïté règne toujours, et l’on ne sait pas nécessairement quel est le personnage dont il faut se méfier. Le récit intitulé Huapi (Houa-p’i) [la Peau peinte] est caractéristique du genre terrible. Un jeune homme rencontre un jour une belle jeune fille en pleurs près d’un chemin. Pris de pitié, il lui offre un refuge dans sa bibliothèque et, chaque jour, va secrètement lui rendre visite. Mais bientôt un taoïste de sa connaissance lui affirme qu’il y a un monstre dans sa vie et qu’il court au suicide. Ébranlé, le jeune homme se rend subrepticement dans la bibliothèque, qu’il trouve fermée, et aperçoit par une fente un horrible monstre aux dents acérées, au visage tuméfié et grimaçant en train de peindre une peau humaine. Puis il le voit enfiler la peau comme un manteau et se métamorphoser en la charmante adolescente, dont il est amoureux. Le taoïste lui ayant donné un talisman contre le mauvais esprit, il l’accroche au-dessus de sa porte. Mais le monstre furieux reprend sa forme naturelle, passe par la fenêtre, tue le jeune homme et dévore son cœur et ses entrailles. Survient le taoïste, qui transforme le monstre en fumée et le met dans sa poche. Mais le Liaozhai zhiyi n’est pas une simple collection d’histoires terrifiantes. Pu Songling considère ses personnages comme des humains, pleins de sentiments délicats et d’idéaux moraux. Si les humains eux-mêmes jouent le rôle de comparses et manquent de sang et de corps, ce sont les êtres provisoirement incarnés qui sont les plus émouvants, les plus vrais. L’aventure de la jolie Qing Feng (K’ing Fong) débute par la rencontre d’un jeune homme et d’une famille étrange que celui-ci découvre dans le fond de sa résidence : le père, la mère, la servante et Qing Feng, une ravissante adolescente parée de toutes les qualités. Mais le père s’oppose farouchement aux relations amoureuses du jeune homme et de la jeune fille : il va jusqu’à apparaître comme un démon aux yeux du prétendant pour l’effrayer et se résout à déménager. Quelques années plus tard, au cours d’une promenade, le jeune homme voit passer, poursuivi par un gros chien, un adorable petit renard, visiblement à bout de forces. Il le ramène chez lui, et voilà que c’est Qing Feng, qu’il n’avait pu oublier. C’est le mariage, un mariage heureux, car, un beau jour, le jeune homme, sur la demande de sa femme, sauve aussi le vieux père, un vieux renard qui avait été capturé et risquait la mort, réunissant ainsi toute la famille renard, enfin apprivoisée.
D. B.-W.