Pie XII (suite)
À l’inverse de ses prédécesseurs, Pie XII n’a jamais assumé de responsabilité proprement pastorale ; sa volonté de décider personnellement et son expérience de la curie l’amèneront à se passer des services d’un secrétaire d’État après la mort du cardinal Luigi Maglione (1877-1944). Ce diplomate est doublé d’un contemplatif : sa culture étendue, constamment avivée par le travail et nourrie de méditation, le pape la met au service du monde contemporain et de ses problèmes ; il s’efforce de projeter, en toutes occasions, la lumière évangélique sur les activités humaines. Polyglotte, il adresse d’innombrables allocutions et messages radiodiffusés.
Les grands problèmes doctrinaux font l’objet d’encycliques importantes : Mystici corporis (1943) sur l’Église, corps mystique du Christ ; Sacramentum ordinis (1947) sur l’essence du sacrement de l’ordre ; Mediator Dei (1947) sur les études liturgiques ; Sempiternus Rex (1951), sur l’interprétation du mystère de l’incarnation ; Evangelii praecones (1951), sur l’importance du mouvement missionnaire ; Musicae sacrae disciplina (1955) sur la musique ; Miranda prorsus (1957) sur le cinéma, la radio et la télévision.
La plus importante des encycliques de Pie XII est incontestablement Humani generis (1950), qui, en s’attaquant aux déviations de la recherche théologique et exégétique, vise certains théologiens d’avant-garde et semble donner un coup de frein à des recherches diverses qui s’avéreront par la suite fructueuses. C’est dans le même esprit que le pape, en 1953, demande à l’épiscopat français de mettre un terme à l’expérience des prêtres-ouvriers.
L’année 1950 — l’année sainte — marque, dans le pontificat de Pie XII, un sommet doctrinal : c’est le 1er novembre de cette année que la bulle Munificentissimus Deus définit comme dogme l’assomption de la Vierge.
La Seconde Guerre mondiale constitue l’étape la plus difficile de ce pontificat. Certains ont reproché à Pie XII son silence officiel dicté, disent-ils, par sa « sympathie progermanique et sa peur du communisme international », face aux excès du nazisme, notamment au détriment des Juifs. La réalité est plus nancée. Dès sa première encyclique (Summi pontificatus, 28 oct. 1939) et dans son message de Noël de la même année, le pape pose les conditions réelles de la paix et aussi celles d’un traité acceptable par tous ; en même temps, il dénonce avec fermeté la conception étatique de la société moderne. Il ne faut pas oublier que les centaines de petites notes du secrétaire d’État Pacelli avaient préparé l’encyclique de Pie XI contre le nazisme (1937).
Par ailleurs, Pie XII a lui-même donné asile, durant la guerre, à de nombreux Juifs menacés. Pour des motifs divers — par exemple pour ne pas attirer les foudres de Hitler sur les catholiques allemands —, Pie XII n’a pas cru devoir condamner de nouveau et officiellement l’inhumaine doctrine nationale-socialiste ; le regret que ce silence officiel suscita prouve au moins de quelle autorité morale reste auréolée la papauté contemporaine.
P. P.
➙ Église catholique / Papauté.
O. Walter, Pius XII. Leben und Persönlichkeit (Olten, 1939 ; trad. fr. Pie XII, sa vie, sa personnalité, Olten, 1940, 5e éd., Salvator, Mulhouse, 1955). / N. Padellaro, Pio XII (Rome, 1949, nouv. éd., Turin, 1956 ; trad. fr. Pie XII, Fayard, 1950, nouv. éd., 1954). / D. Tardini, Pio XII (Cité du Vatican, 1960 ; trad. fr. Pie XII, Éd. Fleurus, 1961). / R. Coste, le Problème de guerre dans la pensée de Pie XII (Aubier, 1962). / S. Friedlānder, Pie XII et le IIIe Reich (Éd. du Seuil, 1964). / C. Jean-Nesmy, 6 000 000 de morts. Pour ou contre « le Vicaire » (Desclée De Brouwer, 1964). / P. E. Lapide, Rome et les juifs (Éd. du Seuil, 1967). / M. de Kerdreux, Pie XII et la 2e Guerre mondiale (Nouv. éd. latines, 1973).