Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Pie X (saint) (suite)

On le vit bien au cours d’une des plus graves crises de l’histoire des idées : le modernisme*. À l’origine, il y eut, dans l’Église, un incontestable renouveau intellectuel. On sait l’état déplorable des études ecclésiastiques au xixe s. L’action personnelle de Léon XIII, puis celle de Pie X encourageant les études exégétiques et la recherche scientifique, ouvrant le retour au thomisme, synthèse à leurs yeux de l’humanisme et de la foi, la fondation d’universités catholiques avaient contribué à l’éclosion d’une élite intellectuelle, exigeante, parmi les jeunes prêtres et les catholiques.

Quelques figures dominent. L’abbé Louis Duchesne (1843-1922), professeur à l’Institut catholique de Paris, puis directeur de l’école française de Rome, applique alors à l’histoire de l’Église ancienne et à l’hagiographie les strictes méthodes de la science historique ; pourfendeur de légendes, par sa causticité il se crée de solides inimitiés. L’abbé Alfred Loisy (v. modernisme), son collègue à la « Catho », est le véritable chef de file du modernisme : parti de la critique des textes, « bataillant contre le libéralisme biblique », il en vient « à contester la théorie traditionnelle de l’inspiration de l’Écriture ». Maurice Blondel (1861-1949) s’attache à établir comment, au-dessus de la connaissance des faits, se place une sorte de foi dérivée de l’action (l’Action, 1893) ; l’abbé Marcel Hébert (1851-1916) interprète les dogmes par des symboles ; Lucien Laberthonnière (1862-1932) est le père du dogmatisme moral. En Angleterre, le jésuite George Tyrrell (1861-1909) voit une synthèse possible entre science et foi dans la justification des dogmes par l’intuition du cœur. Le romancier italien Antonio Fogazzaro (1842-1911) tente de concilier sa foi avec les théories darwinistes et démasque certaines hypocrisies ecclésiastiques.

La plupart de ces positions de pensée, notamment sur le plan scripturaire et dogmatique, inquiétèrent Pie X, qui, après avoir, de 1903 à 1907, frappé les principales productions modernistes, condamna (1907), par le décret Lamentabili et l’encyclique Pascendi, l’indépendance de l’exégèse scripturaire, le criticisme, le subjectivisme, l’évolutionnisme. Un serment antimoderniste fut exigé des professeurs des facultés catholiques. La plupart des intellectuels condamnés se soumirent, non sans souffrances ; il y eut quelques ruptures retentissantes, dont celles de Loisy, d’Hébert et de Tyrrell.

Pie X, par précaution, prit diverses mesures à l’égard des études du clergé et de l’exégèse scripturaire (création de la Commission pontificale des études bibliques en 1907, de l’Institut pontifical biblique en 1909). Il exigea le retour au thomisme (motu proprio Doctoris angelici, 1914).

P. P.

➙ Action française / Modernisme.

 N. Hilling, Die Reformen des Papstes Pius X, auf dem Gebiete der kirchenrechtlichen Gesetzgebung (Bonn, 1909-1915, 3 vol.). / J. Buraud, Pie X (Desclée De Brouwer, 1951). / P. de Froberville, Saint Pie X (Fayard, 1954).

Pie XI

(Desio 1857 - Rome 1939), pape de 1922 à 1939.



Un pape moderne

Prêtre en 1879, Achille Ratti enseigne l’éloquence sacrée au grand séminaire de Milan (1882), avant de devenir bibliothécaire (1888), puis préfet de la bibliothèque Ambrosienne (1907). En 1912, il est appelé à Rome, où il dirige la bibliothèque Vaticane ; savant, Mgr Achille Ratti est aussi un alpiniste émérite.

En 1918, Benoît XV l’envoie à Varsovie comme visiteur apostolique ; l’année suivante, il est nommé nonce en Pologne en même temps qu’archevêque de Lépante. Le 13 juin 1921, le pape le fait simultanément archevêque de Milan et cardinal ; dès le 6 février 1922, il remplace Benoît XV sur le trône pontifical.

Âgé de soixante-cinq ans cet homme trapu, vif, autoritaire, prodigieusement intelligent et cultivé, n’a exercé que six mois une fonction pastorale ; mais il s’avère tout de suite un très grand pontife.

À la fois sensible à tous les progrès modernes et profondément pieux, il crée la station de Radio-Vatican (1931) et l’Académie pontificale des sciences (1936), prononce douze messages radiophoniques ; et puis, sans crainte d’être taxé d’anachronisme, il institue la fête du Christ-Roi (1925) et met son pontificat sous la protection d’une jeune religieuse contemplative, Thérèse* de l’Enfant-Jésus, qu’il béatifie en 1923 et canonise en 1925, et dont la simplicité lui semble être le meilleur antidote à l’orgueil du monde.

Ce pape a beaucoup écrit : de ses trente encycliques, il faut détacher celle sur le mariage chrétien (Casti connubii, 1930). Son réalisme l’amena à offrir à tous les catholiques des conditions juridiques suffisamment saines pour leur permettre de tenir leur rôle dans la cité ; il signa 18 concordats, notamment avec les jeunes États nés des traités de paix, mais aussi avec l’Allemagne (1933), qui allait rapidement le décevoir, et surtout avec l’Italie (1929) : les accords de Latran vidèrent l’irritante « question romaine » en reconnaissant au pape la souveraineté sur le minuscule État du Vatican (44 ha) ; par ailleurs, véritable concordat, ces accords donnèrent à l’Église italienne une position privilégiée, notamment en matière scolaire et matrimoniale.

En France, une espèce de gallicanisme politique, très hostile au ralliement, s’était reformée autour de l’Action* française et de son chef, Charles Maurras*, dont la doctrine, aux yeux du pape, mêlait le naturalisme positiviste — le catholicisme ne jouant pour Maurras qu’un rôle de « principe d’autorité » — à un nationalisme excessif. Or, l’Action française exerçait sur la jeunesse — en France, en Belgique et ailleurs — un vif attrait. Le 29 décembre 1926, le Saint-Office promulguait un décret de l’Index condamnant plusieurs ouvrages de Maurras et prohibant le journal l’Action française. L’excommunication et l’interdit frappèrent les contrevenants. Ces mesures provoquèrent une crise douloureuse chez de nombreux prêtres et intellectuels qui avaient considéré l’Action française comme « le prolongement naturel » de leur foi. En fait, ce fut la fin d’une époque. Se délivrant des liens avec le passé, beaucoup de catholiques se donnèrent à une action temporelle incarnée dans la démocratie, action spirituellement et intellectuellement très nourrie.