Pie X (saint) (suite)
On le vit bien au cours d’une des plus graves crises de l’histoire des idées : le modernisme*. À l’origine, il y eut, dans l’Église, un incontestable renouveau intellectuel. On sait l’état déplorable des études ecclésiastiques au xixe s. L’action personnelle de Léon XIII, puis celle de Pie X encourageant les études exégétiques et la recherche scientifique, ouvrant le retour au thomisme, synthèse à leurs yeux de l’humanisme et de la foi, la fondation d’universités catholiques avaient contribué à l’éclosion d’une élite intellectuelle, exigeante, parmi les jeunes prêtres et les catholiques.
Quelques figures dominent. L’abbé Louis Duchesne (1843-1922), professeur à l’Institut catholique de Paris, puis directeur de l’école française de Rome, applique alors à l’histoire de l’Église ancienne et à l’hagiographie les strictes méthodes de la science historique ; pourfendeur de légendes, par sa causticité il se crée de solides inimitiés. L’abbé Alfred Loisy (v. modernisme), son collègue à la « Catho », est le véritable chef de file du modernisme : parti de la critique des textes, « bataillant contre le libéralisme biblique », il en vient « à contester la théorie traditionnelle de l’inspiration de l’Écriture ». Maurice Blondel (1861-1949) s’attache à établir comment, au-dessus de la connaissance des faits, se place une sorte de foi dérivée de l’action (l’Action, 1893) ; l’abbé Marcel Hébert (1851-1916) interprète les dogmes par des symboles ; Lucien Laberthonnière (1862-1932) est le père du dogmatisme moral. En Angleterre, le jésuite George Tyrrell (1861-1909) voit une synthèse possible entre science et foi dans la justification des dogmes par l’intuition du cœur. Le romancier italien Antonio Fogazzaro (1842-1911) tente de concilier sa foi avec les théories darwinistes et démasque certaines hypocrisies ecclésiastiques.
La plupart de ces positions de pensée, notamment sur le plan scripturaire et dogmatique, inquiétèrent Pie X, qui, après avoir, de 1903 à 1907, frappé les principales productions modernistes, condamna (1907), par le décret Lamentabili et l’encyclique Pascendi, l’indépendance de l’exégèse scripturaire, le criticisme, le subjectivisme, l’évolutionnisme. Un serment antimoderniste fut exigé des professeurs des facultés catholiques. La plupart des intellectuels condamnés se soumirent, non sans souffrances ; il y eut quelques ruptures retentissantes, dont celles de Loisy, d’Hébert et de Tyrrell.
Pie X, par précaution, prit diverses mesures à l’égard des études du clergé et de l’exégèse scripturaire (création de la Commission pontificale des études bibliques en 1907, de l’Institut pontifical biblique en 1909). Il exigea le retour au thomisme (motu proprio Doctoris angelici, 1914).
P. P.
➙ Action française / Modernisme.
N. Hilling, Die Reformen des Papstes Pius X, auf dem Gebiete der kirchenrechtlichen Gesetzgebung (Bonn, 1909-1915, 3 vol.). / J. Buraud, Pie X (Desclée De Brouwer, 1951). / P. de Froberville, Saint Pie X (Fayard, 1954).