Adam Smith
Économiste écossais (Kirkcaldy 1723-Édimbourg 1790).
Auteur de l'ouvrage fondateur de l'économie politique moderne, au xviiie s., Adam Smith est le maître à penser de l'« école classique », dont les principes reposent sur le libéralisme. Pour lui, la seule source de richesse, pour le peuple comme pour l'État, est le travail.
Philosophe par vocation
Né au sein d'un milieu aisé, Adam Smith est élevé par sa mère – car son père est mort deux mois avant sa naissance. Doué pour les mathématiques, l'adolescent se passionne aussi pour la philosophie, qu'il découvre à travers l'œuvre de Hume. Il fréquente les universités de Glasgow (1737-1740) et d'Oxford (1740-1746), mais c'est à Glasgow, alors pénétrée par le mouvement des Lumières, que Smith revient pour occuper la chaire de logique, puis, très vite, celle de philosophie morale (1751-1764). En 1759, il publie une Théorie des sentiments moraux, où l'on trouve cette idée que chaque homme, en vertu du principe de « sympathie », aspire au plus grand bonheur possible du plus grand nombre d'hommes possible.
Smith ne borne pas son horizon à l'Écosse. Avec le jeune Henry Scott, 3e duc de Buccleuch (1746-1812), dont il devient le précepteur en 1764, il entreprend un « grand tour » d'Europe. À Genève, il est reçu par Voltaire et, à Paris, où il séjourne durant l'année 1765, il rencontre des Encyclopédistes et des économistes comme François Quesnay et Turgot. Le philosophe se mue alors en penseur économique.
La parution à Londres, le 9 mars 1776, des Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations est un événement. L'ouvrage, articulé autour du concept de richesse nationale, exerce une influence immédiate sur le gouvernement britannique. Étrangement peut-être pour quelqu'un qui s'affirme dans son livre comme penseur du libre-échange, Smith obtiendra en 1778 un poste de contrôleur des douanes en Écosse, comme son père lui-même l'avait été.
Économiste par conviction
Contrairement aux mercantilistes, qui assimilent la richesse à l'accumulation des métaux précieux, Smith montre que la richesse des nations « naît de la division du travail ». Pour étayer sa thèse, il analyse la répartition des tâches productives dans une manufacture d'épingles, où la fabrication de chaque épingle est fragmentée en dix-huit opérations distinctes. La division du travail augmente l'habileté des ouvriers, ce qui permet de supprimer les temps morts. Elle favorise également la création de biens d'équipement en suscitant l'apparition d'une catégorie de professionnels dont l'activité principale consiste à améliorer les biens de production existants.
Les principes de la division du travail sont ensuite étendus à l'économie nationale dans son ensemble. Chaque individu, après une période d'apprentissage, doit se vouer à une activité qui sera l'unique occupation de sa vie. Chacun devient une espèce de marchand, et la société elle-même se transforme en société commerçante. Smith élargit même sa réflexion à un cadre international en formulant la loi dite « de l'avantage absolu » : chaque pays doit se spécialiser dans les productions qu'il réalise à coûts plus faibles que les pays étrangers ; il suffit ensuite d'importer les produits que l'on fabriquerait à coûts plus élevés qu'à l'étranger grâce aux recettes tirées des exportations.
Smith montre encore que le marché concurrentiel permet la régulation de l'activité économique et autorise ainsi la satisfaction des besoins collectifs. Dans une économie où règne la division du travail, chaque producteur, ayant à vendre son produit, doit rivaliser avec tous les autres de manière à répondre à la demande du consommateur. Celui qui chercherait à s'enrichir en s'épargnant la peine de servir le client ou en pratiquant des prix prohibitifs serait condamné à faire faillite. La recherche du profit individuel pousse le producteur, presque malgré lui – comme s'il était mû par une « main invisible », selon une image restée fameuse –, à servir les intérêts du plus grand nombre.
Pour permettre la croissance des richesses, l'économie ne doit pas subir l'entrave de l'État. Smith reconnaît pourtant à ce dernier trois missions : une mission de défense, une mission de justice et une mission de production de biens à usage collectif (tels que les voies de communication), biens qui sont indispensables au développement mais qui ne sont pas fournis par le secteur privé, parce qu'ils n'offrent pas de perspectives de profit suffisantes.
Les rapports entre le capital et le travail permettent de comprendre la société moderne, qui, selon Smith, n'est plus tant divisée entre riches et pauvres qu'entre capitalistes et non-capitalistes : l'échange du travail contre le salaire, et donc le développement du salariat, repose sur un échange du travail contre le capital – ce qui est un des fondements de l'économie politique.
Une immense postérité
C'est à partir d'une lecture d'Adam Smith, voire d'une discussion de ses idées, que les plus grands économistes duxixe s. – Jean-Baptiste Say, David Ricardo, John Stuart Mill – élaborèrent leurs propres conceptions. Même Karl Marx fut influencé : la définition du salariat comme échange entre le capital et le travail ouvrait la voie à la question de l'exploitation qu'il plaça au centre de sa théorie.
L'importance d'Adam Smith tient aussi au contexte économique dans lequel ce dernier mena sa réflexion. La révolution industrielle, qui démarrait alors en Grande-Bretagne sous l'effet d'inventions comme le métier à filer le coton (1768) et la machine à vapeur (1769), y provoqua l'apparition d'un type de main-d'œuvre adapté aux nouvelles industries et une ouverture des économies. Le libéralisme qui accompagnait cette révolution avait alors en Adam Smith son auteur de référence pour partir à la conquête du monde.