salaire

(latin salarium, solde pour acheter le sel)

Toute somme versée en contrepartie d'un travail effectué par une personne, dans le cadre d'un contrat de travail.

DROIT

Le contrat de travail

L'employeur peut être une entreprise, l'État, une collectivité locale ou territoriale, une association, un syndicat ou un particulier. Le contrat de travail qui fixe le salaire doit respecter la convention collective de la branche où s'exerce le travail – sauf pour la fonction publique, où le traitement est déterminé par le statut (même s'il peut tenir compte du mérite). Les clauses discriminatoires sont interdites, mais la pratique démontre que le salaire des femmes est parfois, à travail égal, inférieur de 25 % à celui des hommes.

Le montant du salaire peut être calculé en fonction de la durée de travail, du rendement ou au forfait (cas général des cadres). Il ne peut, sauf exception, être inférieur au salaire minimum de croissance (SMIC). Il évolue en fonction des négociations paritaires (entre patronat et syndicats), ainsi que des accords entre l'employeur et le salarié. La loi interdit l’indexation du salaire sur le SMIC ou sur l'évolution du coût de la vie.

La mensualisation

Le salaire est versé mensuellement, selon le décompte établi par un bulletin de salaire.

Le salaire brut comprend le salaire de base auquel s'ajoutent éventuellement le 13e mois, les primes (prime de vacances, prime d'ancienneté, primes de contrainte pour travail de nuit ou travail posté, prime de risque, prime d'objectif), les heures supplémentaires ou complémentaires, les commissions. Il sert de base pour le calcul des cotisations sociales.

Le salaire net est le salaire brut diminué des cotisations et des prélèvements (fiscalité). Le salaire imposable, celui qui doit être porté sur la déclaration annuelle de revenus, est la somme des salaires nets de l'année.

Le salaire peut être complété par des avantages en nature (par exemple, véhicule ou logement de fonction). Les stock-options sont un nouveau moyen utilisé par les entreprises pour compléter la rémunération de leurs dirigeants et de leurs cadres.

Le contentieux sur les salaires relève du conseil de prud'hommes. (→ travail.)

ÉCONOMIE

Dans les pays les plus développés, où près de 90 % des actifs sont des travailleurs salariés, les salaires représentent la part dominante des revenus primaires versés aux particuliers.

La détermination du salaire

Selon la théorie économique classique, le travail (et son revenu, c’est-à-dire le salaire) constitue avec le capital les deux facteurs de la production de biens et de services, le profit, essence même du capitalisme, résultant de la différence entre le coût de production et le prix de vente. Puisque le salaire est la contrepartie d'un apport productif, l’analyse économique consiste à rechercher comment, sur un marché comme celui du travail, se forment les prix des facteurs de production et comment les quantités utilisées varient selon ces prix.

Le salaire en situation d'équilibre

Les théoriciens néoclassiques intègrent la problématique dans la théorie de l’équilibre général. Leur construction repose sur un modèle de référence, le modèle concurrentiel : on suppose que la concurrence règne entre tous les demandeurs et tous les offreurs sur tous les marchés et que les prix et les salaires varient librement pour permettre les ajustements nécessaires.

Salaire et demande de travail

La demande de travail est le fait des entreprises qui emploient une main-d'œuvre indispensable à la production, et donc au fonctionnement de leurs équipements. Dans un premier temps, l'augmentation des effectifs aura pour conséquence l'accroissement de la production totale résultant de l'utilisation d'une unité de travail supplémentaire (en homme ou en heure), appelée produit marginal du travail (ou productivité marginale du travail). Mais il est admis que, lorsqu'on utilise des quantités croissantes de travail avec un équipement constant, ce produit marginal finit par décroître. Par conséquent, dans le cadre concurrentiel, l'entreprise sera demandeuse d'unités supplémentaires de travail aussi longtemps que celles-ci lui rapporteront plus qu'elles ne lui coûtent ; elle cessera de l'être dès que la valeur du produit marginal du travail sera égale à son coût, à savoir le salaire versé au travailleur considéré. La demande de travail est donc corrélativement d'autant plus faible que le salaire est plus élevé. Inversement, l'offre de travail est supposée croissante en fonction du salaire dans la mesure où une rémunération plus élevée incite les individus à augmenter leur effort et à réduire leur temps de loisir.

Le salaire comme prix d'équilibre

La confrontation des offres et des demandes sur chaque marché détermine le prix ou le salaire d'équilibre, auquel sont égales les quantités offertes et demandées ; ce prix d'équilibre est unique. Pour tout salaire supérieur à ce seuil, l'offre dépasse la demande, si bien que la concurrence entre travailleurs pousse le salaire à la baisse ; pour tout salaire inférieur, la demande dépasse l'offre, et la concurrence entre les entreprises pousse le salaire à la hausse. À l'équilibre, tous ceux qui acceptent de travailler au salaire en vigueur sont employés : il n'y a pas de chômeurs involontaires.

Le salaire en situation de déséquilibre

En fait, le modèle concurrentiel est peu réaliste (comme tout marché, le marché réel du travail est forcément « imparfait »). Contrairement à la flexibilité qu'il postule, prix et salaires tendent à la rigidité, notamment à la baisse : ils ne varient que très lentement et ne remplissent donc pas correctement leur fonction d'équilibre.

La rigidité salariale

Les salaires ne sont pas uniquement déterminés par la rencontre entre l'offre et la demande. Dans la plupart des pays développés, les autorités étatiques ont défini un salaire minimum, tel le SMIC en France, afin de sauvegarder le pouvoir d'achat des catégories de salariés les moins qualifiés. En outre, les salaires sont négociés par les employeurs et les syndicats, et fixés pour une certaine période. Dans ces conditions, il n'y a aucune raison pour que le prix fixé coïncide avec le prix d'équilibre. D'une manière générale, si le prix fixé est supérieur au prix d’équilibre, il y a un excès d'offre par rapport à la demande, et donc mévente, car les vendeurs sont disposés à fournir une quantité plus forte que celle qui est demandée. S'il lui est inférieur, il y a excès de demande par rapport à l'offre, et donc pénurie ; les besoins de consommation (comme en quantité de travail) ne sont plus satisfaits.

Rigidité salariale et chômage

Sur le marché du travail, la rigidité des salaires contribuera donc à expliquer le cas d'un excès d'offre : au salaire en vigueur, les entreprises ne sont pas disposées à embaucher tous les travailleurs disponibles ; il existe par conséquent un chômage permanent, qui n'a rien de volontaire. Le fait que les ajustements se fassent davantage par des variations de l'emploi (licenciements) que par des baisses de salaires a été expliqué non seulement par la résistance syndicale, mais par l'existence de contrats implicites entre travailleurs et employeurs : la maximisation des profits pour l'entreprise est alors obtenue par des contrats de travail qui réduisent les coûts salariaux sans modification du tarif en vigueur, l'ajustement se faisant par la variation des quantités (heures supplémentaires, travail temporaire, variation des effectifs…). En contrepartie, l'employeur verse à ses salariés des rémunérations supérieures à celles du marché pour les inciter à l'effort et justifier le licenciement éventuel des moins productifs ; c'est ce qu'on appelle le salaire d'efficience.

Lorsque beaucoup d'entreprises pratiquent cette politique, elles placent le salaire moyen au-dessus du prix d'équilibre entre l'offre et la demande de travail : de la sorte, une partie des travailleurs se retrouvent au chômage.

Les inégalités de salaires

Certaines inégalités de salaires sont communément admises par tous : il est clair que les travailleurs ont des capacités productives et des niveaux de qualification très différents et que les inconvénients propres à certains métiers justifient leur prix élevé. Il existe cependant d’autres facteurs d'inégalité entre les salaires (ne sont traités ici que les facteurs objectifs et quantifiables, et non les écarts découlant de discriminations liées au sexe ou à l’origine des salariés).

Inégalités salariales compensatrices et non compensatrices

Les inégalités dites « non compensatrices » découlent des différences entre les productivités marginales individuelles, différences qui proviennent de la diversité des aptitudes innées ou acquises des salariés, déterminant des niveaux de qualification ou de responsabilité appropriés. Ces différences subsisteraient même dans une économie parfaitement concurrentielle.

Elles s’opposent aux inégalités compensatrices (ou égalisatrices), qui sont dues aux caractéristiques de certains emplois : elles ne valorisent pas la compétence individuelle, mais les inconvénients propres à ces emplois, qu'elles contrebalancent par une majoration du salaire. Ces inconvénients peuvent tenir à la longueur et au coût de la formation nécessaire (chirurgien), aux risques encourus (chauffeur de poids lourd), aux contraintes de disponibilité, au manque de confort…

Marché et inégalités salariales

Mais les inégalités de salaires sont surtout dues à l'« imperfection » même des marchés. Les causes d'imperfection des marchés sont multiples. Elles concernent notamment l’absence de mobilité du travail et l’existence de marché du travail interne. L'existence de syndicats – qui influencent le niveau des salaires, la durée du travail, la classification des postes ou l'organisation des heures supplémentaires – contribue également à faire varier le niveau des rémunérations d'une entreprise ou d'une branche à l'autre en fonction du degré de syndicalisation.

Absence de mobilité du travail

Certains écarts de rémunérations tiennent au manque de mobilité de la main-d'œuvre : les travailleurs ne se déplacent pas facilement d'un emploi à l'autre ou d'une région à l'autre, même quand les différences de salaire pourraient justifier ce déplacement. Le manque de mobilité peut lui-même s'expliquer par l'attachement au lieu de résidence, par les problèmes de logement ou par le coût (en temps et en frais) de la quête d'information sur les emplois disponibles, de sorte que certains, découragés, renoncent à chercher. Une telle décision est en outre influencée par les possibilités de travail « au noir ».

Le manque de mobilité contribue à expliquer la coexistence de salaires élevés et de poches de chômage au sein d'une même branche d'activité, selon la localisation : pour un secteur donné, on observera ainsi simultanément un excès d'offre dans telle zone et un excès de demande dans telle autre.

Existence de marchés internes

Certaines grandes entreprises disposent, par leur taille, d'une grande latitude par rapport à l'extérieur. Leurs salariés, recrutés au bas de l'échelle de chaque catégorie, progressent ensuite grâce à un système interne de formation et de promotion fondé sur l'ancienneté et les aptitudes de chacun. Cette politique limite la mobilité et isole l'entreprise concernée du marché de sa branche ; de telles structures ont leurs propres méthodes d'évaluation des emplois, ce qui rend les comparaisons difficiles avec les rémunérations pratiquées ailleurs et empêche l'égalisation qui se produirait sur un marché vraiment concurrentiel pour des services équivalents.

Les marchés internes se différencient véritablement du marché du travail par le fait que le salaire n'est qu'une partie de la rémunération du travail. La stabilité de l'emploi, les possibilités de promotion, les avantages non salariaux qui se présentent comme des compensations salariales dépendent, notamment de la taille des marchés internes.

Les systèmes de promotion interne aboutissent à un éclatement ou à une segmentation du marché du travail : les entreprises qui peuvent proposer une carrière à leur personnel sont généralement de grandes firmes travaillant dans des secteurs dynamiques. Assurant à leur personnel une relative stabilité de l'emploi et des rémunérations assez élevées, elles constituent ce qu'on appelle le marché primaire du travail, opposé au marché secondaire, composé de petites entreprises souvent cantonnées dans des branches en stagnation et ne pouvant offrir à leurs salariés de perspectives de carrière : l'emploi y est peu stable et les salaires y sont bas.

Un travailleur du marché secondaire changera plusieurs fois d'employeur au cours de sa vie active ; il aura peu d'occasions d'améliorer sa qualification et de bénéficier de promotions. Ainsi, des personnes dotées d'aptitudes équivalentes et ayant reçu au départ la même formation pourront percevoir des revenus sensiblement différents selon le marché sur lequel elles ont trouvé à s'employer.

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  • 1970 Le S.M.I.C. (salaire minimum interprofessionnel de croissance) remplace le S.M.I.G. (salaire minimum interprofessionnel garanti) en France.