Plutarque

Écrivain grec (Chéronée, en Béotie, vers 50 après J.-C.-Chéronée, en Béotie, vers 125).

L’homme

Né dans une famille aisée et de pure race hellénique, il part pour Athènes vers l’âge de vingt ans et y étudie la rhétorique, la philosophie et les sciences. Les années suivantes sont consacrées à des voyages d’affaires ou d’agrément, notamment en Italie. Plutarque revient de bonne heure à Chéronée, où il passe presque toute sa vie et où il compose la plupart de ses ouvrages. Sa sagesse aimable, sa curiosité d’esprit, sa conversation facile lui valent la considération et l’amitié de ses concitoyens. Il vivait encore en l’an 120, mais, après cette date, on perd sa trace.

Plutarque ne cessa jamais d’écrire sur des sujets touchant aussi bien à la philosophie, à la morale qu’à la littérature, à l’histoire ou aux sciences. Un bon nombre de ses livres sont aujourd’hui perdus. On divise traditionnellement ceux qui subsistent en deux groupes : les Œuvres morales et les Vies parallèles. Les premiers sont de simples recueils de faits et d’anecdotes, des conférences littéraires ou philosophiques, des consultations épistolaires, des dialogues, l’ensemble traitant des sujets les plus divers et demeurant séduisant par la variété des choses concrètes, l’ingéniosité des rapprochements et des réflexions, la vivacité du discours. Plutarque y fait preuve d’une modération indulgente et d’un grand bon sens : il défend des idées raisonnables, moyennes. Sans doute, sa philosophie paraît un peu terre à terre : du moins s’adresse-t-elle à d’honnêtes gens autant qu’à ceux qui tâchent de devenir tels. Dans les Vies parallèles, où s’opposent nom à nom, outre quatre biographies isolées, quarante-six Grecs et Romains, Plutarque veut prouver que la Grèce est loin d’être inférieure à Rome. C’est avant tout à cette œuvre que l’auteur doit sa renommée.

Un historien moraliste

« L’histoire est pour moi comme un miroir, devant lequel je m’essaye à embellir ma vie en la conformant aux grands exemples. » L’intention profonde des Vies parallèles est évidente : elles doivent avoir une valeur éducative, être une école des mœurs. Mais comment procède Plutarque ? « Ce que je me suis surtout efforcé de réunir, ce sont les traits qu’on ignore communément, soit qu’ils aient été rapportés çà et là par d’autres historiens, soit qu’on les trouve attestés par des monuments et des décrets anciens ; dédaignant d’amasser ce qui ne dit rien, j’ai recueilli ce qui est propre à faire connaître les mœurs et la nature de l’âme. » Telles sont sa méthode et son ambition : après un sérieux travail de consultation des sources — à vrai dire sans grand esprit critique —, Plutarque vise à la biographie psychologique, où les petits faits vrais, les « signes de l’âme », ont plus d’importance que les grands desseins et que les événements, pour autant qu’ils révèlent une personnalité. De là, anecdotes, bons mots, attitudes et habitudes familières trouvent naturellement leur place dans un récit qui cherche à être une description morale. Plus que le héros, Plutarque veut peindre l’homme. Il reste que ses Vies ont dégagé, par les exemples qu’elles proposent, un certain genre de grandeur propre à l’Antiquité. À les lire, on garde présente à l’esprit l’idée d’un type particulier, probablement plus idéal que réel, mais qui, dans sa simplification même, séduit par son élévation.

La popularité de Plutarque a égalé celle des écrivains les plus célèbres. Les Vies ont été le bréviaire de plusieurs générations. C’est dans ces biographies que la Renaissance reconnut l’idéal antique (aux xvie et xviie s., la traduction d’Amyot ne fut-elle pas l’ouvrage le plus répandu en France ?) et que s’alimenta jusqu’à la Révolution le culte de la « vertu ». Peut-être cette renommée est-elle due au fait que Plutarque a résume dans son œuvre l’image de l’Antiquité hellénique au moment où celle-ci touchait à sa fin. Il apparaît également que les leçons morales qu’il proposait avaient quelque chose de rassurant, à une époque de remise en question de certitudes théologiques, aux yeux des lecteurs qui s’interrogeaient sur l’avenir et la valeur de l’homme et qui étaient inconsciemment heureux de voir vivre devant eux des modèles tout faits, d’accès facile et, à la limite, presque conventionnels. La gloire de Plutarque est aujourd’hui atténuée : on est surtout sensible à sa sympathie pour tout ce qui est humain et à son talent de conteur.