Germaine Tillion

Résistante, ethnologue et historienne française (Allègre, Haute-Loire, 1907-Saint-Mandé 2008).

1. Enfance et formation

Elle commence sa scolarité à Allègre (Haute-Loire), entre à l’internat de Clermont-Ferrand avant de rejoindre ses parents à Saint-Maur des Fossés, en 1922. À la mort de père (1925), elle entre à l’École du Louvre à la Sorbonne, passe à l’École Pratique des Hautes Études, au Collège de France, puis à l’Institut d’Ethnologie, où elle suit les cours de Marcel Mauss, qui devient son directeur de thèse. Sortie diplômée en 1932, elle est élue, sur recommandation de Marcel Mauss, pour mener de 1934 à 1937 puis de 1939 à 1940 deux missions destinées à l’étude de montagnards berbères semi-nomades, les Chaouïa, vivant dans l’Aurès algérien. Dans l’intervalle, elle fréquente à nouveau les cours de Marcel Mauss et découvre ceux de Louis Massignon. Elle obtient, en 1939, le diplôme des Hautes Études avec un mémoire sur « La morphologie d’une république berbère : les Ah-Abderrrahman transhumants de l’Aurès méridional ».

2. Résistante de la première heure

À son retour en France en juin 1940, Germaine Tillion découvre un pays en pleine débâcle et entend avec consternation la demande d’armistice formulée par le maréchal Pétain. Refusant spontanément cette soumission et la politique de collaboration du maréchal, elle entre rapidement en contact avec ceux qui, comme elle, entendent réagir. Parmi eux, un colonel en retraite, Paul Hauet, qui parvient à mettre en place une filière d’évasion vers la zone libre et l’Afrique du Nord pour les prisonniers de guerre. Germaine Tillion en établit la liste ; lors de leur évasion, elle leur remet des tracts rédigés par elle sur la trahison du régime de Vichy.

S’appuyant sur ses nombreuses relations dans des milieux variés, elle noue des liens avec plusieurs groupes, notamment avec celui qu’ont constitué au Musée de l’homme quelques-uns de ses collègues, dont l’ethnologue Boris Vildé, la bibliothécaire du musée Yvonne Oddon et l’anthropologue Anatole Lewitsky.

Le réseau du Musée de l’Homme (ainsi baptisé par Germaine Tillion au lendemain de la guerre) oriente son action dans deux directions – le renseignement et la résistance civile. Mais, dès 1941, il subit une série d’arrestations : dix de ses membres sont condamnés à mort ; sept seront fusillés au mont Valérien le 23 février 1942.

Arrêtée à son tour le 13 août 1942 sur dénonciation de l’abbé Robert Alesch, un agent de l’Abwehr, Germaine Tillion est incarcérée à la prison de la Santé puis transférée à Fresnes (octobre), où elle poursuit sa thèse pendant les quatorze mois de son incarcération. Elle est ensuite déportée sous le régime Nacht und Nebel au camp de Ravensbrück, où elle échoue le 31 octobre 1943. Également déportée, sa mère sera gazée le 2 août 1945

3. Une ethnologue à Ravensbrück

Confrontées à l'horrible réalité de ce camp de femmes, Germaine Tillion et ses compagnes sont saisies d'horreur. Pourtant, plusieurs d'entre elles, condamnées pour faits de résistance, parviennent à trouver en elles la force de poursuivre leur combat. Recourant à sa méthode d'ethnologue et à sa distanciation d'observatrice lucide, Germaine Tillon conçoit le projet de chercher à comprendre ce monstrueux système d'asservissement et d'anéantissement, et d'en témoigner en toute objectivité. Appliquant les procédés d'observation directe qu'elle avait réalisée dans les Aurès, elle parvient à réunir une documentation générale sur tous les camps, prisons et pénitenciers allemands.

Libérée avec plusieurs centaines de codétenues le 23 avril 1945 par la Croix rouge suédoise, elle parvient à emmener avec elle la documentation rassemblée pendant sa détention et commence, en Suède, ses enquêtes systématiques sur l'histoire de chaque détenue libérée. En 1946, elle publie sa première étude sur le camp de Ravensbrück. L'ethnologue poursuivra pendant de longues années encore ses recherches sur le système concentrationnaire nazi, mais également sur le totalitarisme soviétique.

4. L'ardente militante des droits l'homme

En novembre 1954, elle est envoyée par François Mitterrand (alors ministre de l'Intérieur) en Algérie, où éclatent les premiers affrontements de ce qui devenir la guerre d’Algérie ; sa mission : étudier la sécurité des populations civiles dans les Aurès. Retrouvant ceux dont elle avait partagé la vie vingt ans auparavant, elle déplore la dégradation de leurs conditions de vie, le phénomène de leur « clochardisation » qu'elle analyse dans L'Algérie en 1957 (1957). À la demande du gouverneur général, Jacques Soustelle (comme elle ethnologue), elle reste en Algérie pour y créer des centres sociaux au bénéfice des plus démunis.

Rentrée d'Algérie en avril 1956, elle y retourne dès juin 1957 pour accompagner les enquêteurs de la Commission internationale contre le régime concentrationnaire (CICRC) dans les prisons et les camps algériens : mue par son engagement personnel, la recherche de la vérité et de la justice et ayant choisi de servir les individus plutôt que les causes, elle dénonce la torture et s’efforce d’empêcher les exécutions comme les attentats aveugles contre la population civile.

Germaine Tillion a consacré l’essentiel de ses travaux aux populations berbères des Aurès et à la société maghrébine en général (le Harem et les cousins, 1966 ; l’Algérie aurésienne [avec Nancy Wood], 2001 ; Combats de guerre et de paix, 2007) ou sur la guerre d’Algérie (Les Ennemis complémentaires, 1960). Entrée au Panthéon en mai 2015 avec Pierre Brossolette, Geneviève de Gaulle-Anthonioz et Jean Zay.

Pour en savoir plus, voir l'article la Résistance.