habeas corpus

(locution anglaise, abréviation du latin juridique habeas corpus ad subjiciendum, que tu aies ton corps pour le présenter [devant le juge])

Allégorie de la Justice
Allégorie de la Justice

Institution anglo-saxonne (dont l'origine remonte à 1679) qui a pour objet de garantir la liberté individuelle de tout citoyen en le protégeant contre les arrestations et les détentions arbitraires. (Selon cette loi, toute personne arrêtée a le droit de passer devant le juge pour que celui-ci statue sur la légalité de son arrestation et décide éventuellement de sa remise en liberté.)

L’Habeas Corpus Act est voté en Angleterre en 1679, en réaction contre les tentatives d'absolutisme monarchique et dans la tradition des libertés coutumières et communales. Cette loi s’applique dans la plupart des pays soumis à la Common Law.

Par extension, l’expression habeas corpus désigne le principe général de la liberté individuelle en régime démocratique, c’est-à-dire la libre disposition par l'individu (le citoyen) de sa personne et de ses biens. Ce principe a été repris par la Révolution française dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (1789) et par les Nations unies dans la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948).

De la Grande Charte (1215)…

Les racines de l'habeas corpus en Angleterre doivent être cherchées dans la Grande Charte, accordée par le roi Jean sans Terre sous la menace de ses barons révoltés.

→ charte.

La Grande Charte (en latin Magna Carta) donne force juridique à la loi coutumière : « Et la cité de Londres jouira de toutes ses anciennes libertés et libres coutumes, tant par terre que par eau […] Que toutes les autres cités, boroughs, villes et ports aient toutes leurs libertés et libres coutumes. » Elle permet aux hommes libres (de tout servage) de ne plus être des sujets et limite l’arbitraire royal : « Aucun homme libre ne sera arrêté ou emprisonné, ou dépossédé de ses biens, ou déclaré hors la loi, ou exilé, ou lésé de quelque manière que ce soit, et nous (le roi) n'irons pas contre lui et nous n'enverrons personne contre lui, sans un jugement loyal de ses pairs, conformément à la loi du pays. »

… à la Déclaration des droits (1689)

Alors qu'en France l'absolutisme ne cessera de se renforcer, de Philippe le Bel à Louis XIV, la monarchie anglaise se heurtera à une vive résistance dans ses tentatives de restauration (notamment en matière religieuse). En 1628, le Parlement présente une Pétition des droits (Petition of Right) à Charles Ier Stuart pour rétablir les principes violés de la Grande Charte, notamment en matière de justice, où l'arbitraire royal pratique l'embastillement à la française envers les opposants politiques. L'entêtement du monarque conduit à la guerre civile, à son exécution et à la dictature républicaine de Cromwell.

La restauration de l'absolutisme par Charles II menace le Parlement, où le parti whig (libéral) fait promulguer l'Habeas Corpus Act contre les arrestations arbitraires (1679). Lorsque Jacques II tente de restaurer le catholicisme, il se trouve si isolé qu'il doit s'enfuir et abdiquer, tandis que le Parlement, ayant appelé au trône Guillaume d'Orange, lui fait entériner la Déclaration des droits (Bill of Rights, 1689). C'est une révolution sans heurt qui assure définitivement les libertés et fonde de fait une monarchie constitutionnelle sans Constitution.

Liberté individuelle et liberté économique

La lutte de la bourgeoisie anglaise pour les libertés individuelles, pour que la loi prime sur le roi, est étroitement liée à la liberté économique. Dans chacun des documents cités précédemment, la personne est indissociable de ses biens, et des clauses précisent bien la liberté de se déplacer pour faire du commerce et l'impossibilité pour le roi de prélever sur les fortunes. C'est grâce à cette liberté et à cette sécurité de la richesse personnelle que la bourgeoisie, en Angleterre, a pu très tôt constituer une force politique et faire une révolution moins sanglante qu'en France ou aux États-Unis. La Constitution américaine a d'ailleurs codifié des règles héritées de la jurisprudence anglaise sur l'habeas corpus, et notamment le droit de porter chaque cas individuel jusque devant la plus haute juridiction, la Cour suprême, et d'obtenir réparation en cas d'injustice.