Bulgarie : histoire

Bulgarie, 1218-1241
Bulgarie, 1218-1241

Résumé

Conquise par les Romains au ier siècle avant J.-C., la Thrace du Nord devient la province de Mésie, avant l’arrivée de tribus slaves et de proto-bulgares au vie siècle après J.-C., qui alliés, parviennent à s’imposer au sein de l’Empire byzantin. Le premier État bulgare se constitue dans la deuxième moitié du viie siècle et il est reconnu par Constantinople en 681.

ixe-xe siècles

Entre le règne du khan Krum et celui du prince Boris Ier, le premier État bulgare se forme. Le christianisme devient la religion officielle tandis que l’alphabet cyrillique est adopté. La population bulgare naît de la fusion progressive des composantes ethniques aux origines très diverses.

xie-xe siècles

La Bulgarie est soumise par l’Empire byzantin jusqu’au soulèvement de 1186 mené par deux boyards, Jean I er Asen I er et son frère Pierre II.

xiiie-xive siècles

Le second empire bulgare trouve son apogée sous le règne de Jean III Asen II dans la première moitié du xiiie siècle. L’hégémonie bulgare s’étend alors à l’ensemble de l’Europe du Sud-Est. Mais l’empire se disloque à partir des années 1260-1270, livré à l’invasion mongole, aux dissensions entre boyards et à la menace des Ottomans qui annexent la Bulgarie en 1396.

xve-xixe siècles

La Bulgarie est intégrée à l’Empire ottoman. Des révoltes sporadiques éclatent tandis qu’une population d’origine turque s’implante dans le pays. Le mouvement national se développe au milieu du xixe siècle (Georgi Rakovski, 1821-1867) jusqu’à l’insurrection d’avril 1876. À la suite de la guerre russo-turque de 1877-1878, l’État bulgare est restauré, mais amputé à la suite du Congrès de Berlin de 1878, ce qui entraîne une nouvelle insurrection. En 1879, la principauté bulgare se dote d’une Constitution démocratique.

xxe siècle

Après la réunification avec la Roumélie (1885) et la naissance d’une vie parlementaire très instable, la Bulgarie, indépendante depuis 1908, s’engage dans les deux guerres balkaniques et, au côté des Empires centraux, dans la Première Guerre mondiale, conflits qui se soldent par d’importantes pertes territoriales. L’évolution autoritaire du régime le rapproche de l’Allemagne nazie et de l’Italie fasciste.

De 1945 à nos jours

Le parti communiste bulgare s’impose à la tête de l’État qui s’aligne étroitement sur l’Union soviétique sous les directions de Dimitrov, Červenkov et Živkov. Ce dernier est destitué au cours d’une « révolution de palais » en novembre 1989, à la suite de la perestroïka lancée en URSS par M. Gorbatchev et de l’écroulement du bloc communiste. La Bulgarie est intégrée à l’OTAN et à l’Union européenne, mais la démocratie est fragilisée par la corruption et la défiance des électeurs.

1. Les origines

1.1. L'État thrace

Les Thraces sont les premiers habitants de l'actuel territoire de la Bulgarie. À partir du viiie siècle avant J.-C., les Grecs établissent des colonies sur le littoral thrace. Les Romains font la conquête de l'État thrace au ier siècle avant J.-C. et fondent la province de Mésie, divisée sous Domitien en Mésie supérieure et Mésie inférieure ; cette dernière correspond à peu près à la Bulgarie actuelle, qui fera partie ensuite de l'Empire byzantin.

1.2. La pénétration des Slaves

Au début du vie siècle, des tribus slaves commencent à pénétrer dans les limites de l'Empire byzantin et s'installent sur les terres bulgares où elles assimilent les autochtones. À la même époque, apparaissent les Bulgares, ou Proto-Bulgares ; ensemble de tribus nomades très diverses à dominante turcophone venues des steppes au nord de la Mer noire, le peuple bulgare est signalé dès 481 sur le bas Danube, mais aussi dans la région de la Volga, où sera organisé le puissant royaume des Bulgares de la Volga et de la Kama (ixe-xiiie siècle).

1.3. La fondation de l'État bulgare

Les Bulgares, redoutables cavaliers, ont, à plusieurs reprises, menacé Constantinople. En 679, conduits par leur khan Asparuh, ils envahissent la région comprise entre le Danube et la chaîne du Balkan, et s'y installent. Deux ans plus tard, les Byzantins, vaincus, signent un traité reconnaissant aux Bulgares la possession de ces territoires : l'État bulgare est fondé, avec Pliska comme capitale.

Au viiie siècle, sous la direction du khan Tervel (702-718), les Bulgares agrandissent leur territoire et menacent Constantinople. Cette expansion se poursuit au ixe siècle avec le khan Krum (803-814), qui occupe Serdica (Sofia) et assiège Constantinople (813). Sous les règnes des khans Omurtag (814-831) et Malamir (831-836), les Bulgares s'emparent de l'Albanie, mais ne parviennent ni à prendre Byzance ni à atteindre la mer Égée.

2. Le premier Empire bulgare

2.1. Boris Ier (852-889)

En 865, Boris Ier se convertit au christianisme grec. Byzance accepte la nomination d'un métropolite, ce qui aboutit à la constitution d'une Église nationale semi-autonome dont la langue officielle est le slave. Les Bulgares adoptent l'alphabet cyrillique. Tandis que les Proto-Bulgares abandonnent peu à peu leur organisation tribale, les différentes composantes ethniques qui peuplent le pays se fondent progressivement en un seul ensemble.

2.2. Siméon Ier (893-927) et Pierre (927-969)

Siméon, fils de Boris Ier, propage le christianisme et fait la conquête de la Macédoine, de l'Albanie et des territoires serbes. En 897, il assiège sans succès Constantinople et impose un tribut à son empereur. Son fils, Pierre, règne sur un vaste empire s'étendant de la mer Égée à l'Adriatique ; il prend le titre de tsar, réservé normalement à l'héritier de l'empire et, après avoir signé la paix avec Byzance, épouse la fille de l'empereur. La Bulgarie connaît alors son premier apogée.

Au cours du xe siècle, l'Empire bulgare, miné par des querelles internes et des révoltes (les Serbes s'affranchissent en 931), se désagrège. Cette crise politique favorise la diffusion de doctrines hérétiques dont la plus importante est celle des bogomiles. Cette hérésie, qui est en réalité un mouvement social se cachant sous des formes religieuses, prône la communication directe avec Dieu sans passer par l'intermédiaire du clergé et préconise le partage des grandes propriétés. Elle est à l'origine de troubles sociaux qui minent l'État bulgare.

2.3. Sous la domination de Byzance

Sous le règne de Boris II (969-972), le pays est tout d'abord occupé par les Russes, puis (972) par les Byzantins de Jean Tzimiskès, qui capturent le tsar, annexent son royaume et suppriment le patriarcat.

La rigueur de l'occupation byzantine déclenche toutefois (980) une insurrection nationale dirigée par un noble, Samuel. De 986 à 995, Samuel, d'abord victorieux, reconstitue un État bulgare de la Bosnie à la Thessalie, avant de subir par la suite une série de défaites : batailles du Sperchios (996) et surtout de la Strumica (1014), après laquelle l'empereur Basile II (surnommé depuis le Bulgaroctone) fait aveugler 15 000 prisonniers qu'il renvoie à Samuel. Celui-ci meurt quelques jours plus tard. En 1018, la Bulgarie entière est soumise à Byzance.

Pour en savoir plus, voir l'article Empire byzantin : histoire.

3. Le second Empire bulgare

3.1. Jean I er Asen I er et Pierre II

Après un siècle et demi de domination byzantine, les populations des Balkans se soulèvent à la mort de Manuel Comnène (1180). Sous la conduite de deux seigneurs, les frères Jean Asen et Pierre II (→ Asénides), les Bulgares reconstituent leur État, installent leur capitale à Tărnovo, occupent la plaine du bas Danube et se lancent à la conquête de la région de Serdica (Sofia), de la Thrace et de la Macédoine. L'assassinat des frères Asen ne ralentit pas la progression des Bulgares. Elle les mène jusqu'au rivage de la mer de Marmara.

3.2. Jean II Kalojan (1197-1207)

Jean II Kalojan se fait reconnaître « roi des Bulgares et des Valaques » par le pape Innocent III, reconstituant ainsi l'État bulgare d'autrefois. Kalojan conclut une alliance avec les croisés, qui traversent son royaume à plusieurs reprises, contribuant ainsi à l'affaiblissement définitif de l'empire d'Orient.

En 1205, il rompt l'alliance avec l'Empire latin de Constantinople. L'Empereur Baudoin de Flandre est vaincu et meurt dans un cachot de Tărnovo. L'année suivante, Kalojan occupe Thessalonique, donnant ainsi à son empire un débouché sur la mer Égée, mais il y est assassiné. Après lui, règne l'usurpateur Boril (1207-1218).

3.3. Jean III Asen II (1218-1241) et l'apogée du second Empire bulgare

L'héritier légitime, Jean III Asen II, après s'être appuyé sur les bogomiles, chasse l'usurpateur (1218), et règne jusqu'en 1241. Sous sa direction, le royaume connaît une période de prospérité. Les grands (boyards) sont réduits à l'obéissance ; le pouvoir royal se renforce, appuyé sur une solide armée, qui comprend jusqu'à 100 000 hommes et qui engage à son service des mercenaires coumans et mongols. Les finances royales bénéficient de la levée régulière des impôts. L'agriculture se développe, de même que le commerce, et le pays accueille de nombreux marchands italiens. À cette époque, la Bulgarie constitue la puissance dominante des Balkans : elle s'étend du Danube à la mer Égée et de la mer Noire à l'Adriatique. Une habile politique matrimoniale l'unit à la Hongrie, à la Serbie et aux Grecs de Nicée, avec l'aide desquels elle tente en vain de s'emparer de Constantinople.

En 1235, Nicée reconnaît l'autonomie de l'Église bulgare, au prix de la rupture avec Rome. La brillante civilisation de Tărnovo – deuxième ville des Balkans après Constantinople – est marquée par l'influence grecque. Les prérogatives du souverain, les titres ou les fonctions administratives ou ecclésiastiques sont empruntées à Byzance.

3.4. Le démembrement de l'Empire

La mort de Jean III Asen II (1241) marque le début d'une décadence profonde, causée par les progrès des forces centrifuges et la renaissance byzantine après la chute de l'Empire latin (1261). En 1272, c'est le début de l'invasion mongole en Bulgarie ; les souverains asénides sont incapables d'y résister. Un soulèvement populaire (1277) porte au pouvoir un nouveau roi, d'origine modeste, le porcher Ivajlo, qui tient tête aux envahisseurs, mais, par la suite, le soulèvement est écrasé, et les boyards l'emportent.

Jean IV Asen III doit se réfugier, dès 1280, à Constantinople. Son royaume est alors en pleine décomposition : une dynastie d'origine coumane, les Tertérides, reconnaît la suzeraineté mongole et accepte le démembrement du pays au profit des boyards, qui constituent des principautés indépendantes.

En 1323, l'un de ces princes, Michel Šišman, apparenté aux Tertérides, fonde la dynastie des Šišmanides et tente de reconstituer un État bulgare. Mais il ne peut s'opposer à la féodalisation du pays. En 1330, après la défaite de Kjustendil, la Bulgarie est annexée à la Serbie d'Étienne Dušan pour vingt cinq ans.

À la mort du tsar Jean VI Alexandre (1371), elle se scinde en deux principautés, celle de Tărnovo et celle de Vidin, cela au moment où les Turcs prennent pied sur le continent européen et menacent les États des Balkans.

Les principautés bulgares sont trop faibles pour se défendre, malgré l'action du patriarche Eftimij. Aussi les Turcs s'emparent-ils de Sofia (1382), de Tărnovo (1393) et de Vidin (1396). L'échec de la croisade et la défaite des croisés à Nicopolis marquent l'annexion définitive de la Bulgarie à l'empire ottoman.

4. La domination turque (xive-xixe siècles)

L'invasion turque s'accompagne de nombreuses destructions et provoque de grands changements dans les structures sociales, ethniques et religieuses du pays. Elle entraîne l'établissement d'éléments turcs anatoliens ; la population de la Bulgarie orientale est au milieu du xve siècle majoritairement musulmane. Il se forme aussi du xvie au xviiie siècle une communauté musulmane de langue bulgare, les Pomaks.

L'Église bulgare est rattachée au patriarcat de Constantinople depuis la chute de Tărnovo (1393).

L'époque de la domination ottomane est marquée par de nombreuses tentatives d'insurrection, en particulier au xviie siècle, lors des guerres entre la Turquie et l'Autriche, tandis que, en permanence, se regroupent dans les montagnes des bandes de paysans insoumis, les haïdouks.

Au cours de la seconde moitié du xviie siècle, le développement du commerce et les débuts de l'industrie textile donnent naissance à une bourgeoisie active. C'est dans ses rangs que renaît l'idée nationale, dont les précurseurs sont le moine Paisij de Hilendar, auteur, en 1762, de l'Histoire des Slaves bulgares, et l'évêque Sofronij de Vraca (Vračanski).

La guerre russo-turque de 1768-1774 fait naître chez les Bulgares un espoir de libération. Certains d'entre eux combattent dans les troupes russes.

Au xixe siècle, le sentiment national gagne du terrain ; des volontaires bulgares aident les Serbes et les Grecs à se libérer, tandis que naît l'idée d'une solidarité balkanique.

5. Renaissance et évolution du royaume de Bulgarie

5.1. Constitution d'une Grande Bulgarie autonome

En 1870, la création de l'exarchat bulgare indépendant marque la rupture avec le patriarche de Constantinople et la première étape sur la voie de l'indépendance nationale. Cette époque est aussi caractérisée par de très nombreuses révoltes, qui sont réprimées sauvagement : peu à peu, le mouvement patriotique se renforce sous l'impulsion de Georgi Rakovski, de Ljuben Karavelov, de Vasil Levski, qui crée un « Comité central de la révolution bulgare », et du poète Hristo Botev.

Le 20 avril 1876, les patriotes bulgares déclenchent une insurrection qui provoque un grand mouvement de solidarité européenne. En avril 1877, les Russes déclarent la guerre à la Turquie sous prétexte d'aider leurs frères slaves. Ils sont victorieux si bien que, lors du traité de San Stefano (3 mars 1878), le tsar impose à la Porte la constitution d'une Grande Bulgarie autonome comprenant la majeure partie de la Macédoine et ayant un accès à la mer Égée. Mais, inquiètes des succès russes, l'Angleterre et l'Autriche, qui cherchent à maintenir le statu quo dans les Balkans, obligent les Russes à accepter une révision du traité de San Stefano, grâce à la médiation de Bismarck.

5.2. Le démembrement de la principauté bulgare

C'est le congrès de Berlin (juillet 1878), qui aboutit au démembrement de la principauté bulgare : son territoire est réduit des deux tiers environ : la partie sud est érigée en province de Roumélie-Orientale placée sous l’autorité d’un gouverneur chrétien nommé par la Porte tandis que la Thrace et la Macédoine restent des possessions de l’Empire ottoman. Cette décision provoque l’insurrection de Kresna-Razlog en 1878-1879, prélude à la réunification nationale.

Parallèlement, en avril 1879, la première Constitution de la Bulgarie, fondée sur la séparation des pouvoirs et le suffrage universel masculin, est adoptée par l’Assemblée constituante réunie à Tărnovo, texte qui restera la loi fondamentale du pays (révisée en 1893 et 1911)jusqu’en 1947. Alexandre de Battenberg, candidat du tzar, est élu à la tête de la principauté mais suspend la Constitution en 1881-1883, obtenant de la Grande assemblée nationale les pleins pouvoirs et cherchant à soustraire le pays à l'influence russe. En septembre 1885, les patriotes de Roumélie, dirigés par Zahari Stojanov, proclament l'union de leur pays à la principauté, ce qui entraîne une courte guerre contre les Serbes, poussés par l'Autriche. En août 1886, un complot d'officiers russophiles chasse Alexandre.

5.3. Ferdinand de Saxe-Cobourg et les guerres balkaniques

Stefan Stambolov et le développement économique du pays

Le président du Conseil de régence, Stefan Stambolov, leader du parti libéral, est alors tout-puissant. Il fait couronner Ferdinand de Saxe-Cobourg (juillet 1887), instaure une politique dictatoriale, se montre hostile à la Russie et encourage le développement économique du pays.

L’Union agrarienne bulgare d'Aleksandăr Stambolijski

Après la démission de Stambolov (1894), qui sera assassiné un an plus tard, Ferdinand se rapproche du tsar et dirige de manière autoritaire le pays alors que l’assemblée nationale est en proie aux divisions. Parmi les nouveaux mouvements politiques, outre le parti social-démocrate bulgare – fondé en 1891 par Dimităr Blagoev (1856-1924) et divisé entre deux ailes, révolutionnaire et modérée –, l’Union agrarienne bulgare est créée par Aleksandăr Stambolijski en 1899 et recueille très vite l'audience des masses paysannes, devenant l’une des principales forces politiques du pays au début du XXe siècle.

La Ligue balkanique en guerre contre la Turquie

En octobre 1908, la révolution jeune-turque donne à Ferdinand l'occasion de se proclamer tsar des Bulgares (5 octobre) et de rompre tout lien de vassalité avec la Porte. Convoitant les territoires balkaniques encore turcs, la Bulgarie, la Serbie et la Grèce s'unissent dans une Ligue balkanique et déclarent, en octobre 1912, la guerre à la Turquie. L'armée bulgare est victorieuse à Kirk-Kilissa, à Lüleburgaz, à Bulair (Bolayir), et prend Andrinople. La Turquie doit signer la paix de Londres (mai 1913).

La deuxième guerre balkanique

Cependant, le partage des dépouilles provoque rapidement la mésentente des alliés et, en juin 1913, Ferdinand ordonne à ses troupes d'attaquer les Serbes et les Grecs. C'est la deuxième guerre balkanique, qui tourne au désastre pour Ferdinand. Les Serbes et les Grecs, auxquels se sont joints les Roumains et les Turcs, écrasent les troupes bulgares. Le 10 août 1913, la paix de Bucarest oblige la Bulgarie à céder une importante partie de ses conquêtes et à ne conserver qu'un étroit accès à la mer Égée.

La Première Guerre mondiale

En octobre 1915, après de longues hésitations, alors que les forces politiques se divisent sur la question de l’intervention dans la Première Guerre mondiale, Ferdinand s'allie aux Empires centraux. Il attaque la Serbie, l'écrase et tient longtemps en échec l'armée de Salonique. Mais l'offensive de l'armée de Franchet d'Esperey, le 15 septembre 1918, oblige les Bulgares à signer l'armistice de Salonique, le 29 septembre.

5.4. Boris III et l'adhésion au fascisme

Aleksandăr Stambolijski

Devant la montée du mécontentement populaire, Ferdinand abdique (3 octobre) en faveur de son fils Boris III. L'agrarien Stambolijski, devenu Premier ministre, s'oppose à la montée des socialistes de gauche, qui fondent, le 27 mai 1919, le parti communiste bulgare (PCB).

Lors du traité de Neuilly (novembre 1919), les Bulgares perdent la majeure partie de leurs conquêtes, y compris leur accès à la mer Égée. Ils doivent payer de lourdes réparations et leur armée se trouve réduite à 33 000 hommes. De nombreux réfugiés venant en grande partie de Macédoine poseront par la suite de graves problèmes.

Après son écrasante victoire électorale de mars 1920, Stambolijski cherche à instaurer une démocratie paysanne et réprime vigoureusement les communistes et le VMRO (Organisation révolutionnaire intérieure macédonienne), qui recrute parmi les réfugiés. Il tente également de se rapprocher de la Yougoslavie. Mais, en juin 1923, un coup d'État fomenté par une coalition des droites regroupées dans l’Alliance nationale et dirigée par Alexandăr Cankov renverse Stambolijski, qui est assassiné.

La dictature d'Alexandăr Cankov

Alexandăr Cankov fonde un régime dictatorial inspiré de l'Italie mussolinienne, écrase une tentative de soulèvement communiste et agrarien et fait régner sur le pays une terreur blanche qui fait environ 20 000 victimes. La victoire électorale de l'opposition, en juin 1931, ouvre un bref intermède démocratique qui est marqué par la montée des forces fascisantes : création d'un Mouvement social populaire par Cankov et du groupe Zveno (« l'anneau »), qui rassemble des officiers et des intellectuels. En avril 1934, un coup d'État est organisé par le groupe Zveno. Peu de temps après, le roi instaure sa dictature personnelle. Il se rapproche de la Yougoslavie et se soumet de plus en plus à l'influence de l'Allemagne et de l'Italie.

La Seconde Guerre mondiale

Alors que la Seconde Guerre mondiale a éclaté, le roi, en février 1940, confie le pouvoir à Bodgan Filov, grand admirateur d'Adolf Hitler. La politique d'entente avec le Reich permet à la Bulgarie de reprendre à la Roumanie la Dobroudja du Sud (accord de Craiova, septembre 1940).

Après l'accord de Vienne (1er mars 1941), les Allemands occupent le pays et en exploitent les ressources. Les troupes bulgares ne participent pas à l'invasion de l'URSS, mais, après la défaite de la Yougoslavie, Hitler permet à Boris III d'occuper les Macédoines serbe et grecque. Le 28 août 1943, le roi Boris meurt dans des circonstances mystérieuses.

5.5. L'occupation soviétique et le Front de la patrie

La Bulgarie, qui a adhéré au pacte Antikomintern, reste neutre vis-à-vis de l'Union soviétique, mais, le 5 septembre 1944, les Soviétiques, qui ont pénétré en Roumanie, déclarent la guerre à la Bulgarie. Le gouvernement Muraviev demande immédiatement l'armistice et l'Armée rouge peut occuper le pays. Quatre jours plus tard, c'est le soulèvement de la résistance intérieure.

Depuis juillet 1942, à l'appel du parti communiste s'était constitué un Front de la patrie (Otetčestven Front), qui regroupait tous les opposants au régime pronazi. Ce front prend le pouvoir le soir du 9 septembre 1944 et organise un gouvernement de coalition, qui est présidé par le colonel Kimon Georgiev, chef du Zveno, et qui comprend des ministres communistes, agrariens et radicaux. Ce gouvernement déclare la guerre au Reich, et les troupes bulgares combattent effectivement sur le front. Georgiev procède également à une sévère épuration : 2 680 condamnations à mort, dont celles des régents, de Filov et de Cyrille, le frère de Boris.

6. La République populaire de Bulgarie (1946-1989)

6.1. L'essor du parti communisme

Le 18 novembre 1945 ont lieu les élections législatives. Depuis la constitution du gouvernement Georgiev, de profondes divergences se sont manifestées au sein du Front de la patrie ; le parti communiste, soutenu par les Soviétiques, très dynamique et renforcé par le retour de son chef historique, Georgi Dimitrov, fait de larges progrès dans le pays, mais son ascension se heurte à l'opposition du chef des agrariens Petkov, qui refuse la constitution de listes uniques avec les communistes. Le Front de la patrie remporte les élections ; est alors constitué un nouveau gouvernement Georgiev, dans lequel les communistes sont prépondérants. Le 8 septembre 1946, les électeurs se prononcent par plébiscite pour l'abolition de la monarchie ; le 15 est proclamée la République populaire de Bulgarie. Lors de nouvelles élections législatives (27 octobre 1946), l'opposition menée par l'Union agrarienne obtient 30 % des voix ; un gouvernement Dimitrov est alors formé.

6.2. La victoire des communistes

Le 10 février 1947, la paix est signée entre les Alliés et la Bulgarie. Les communistes saisissent cette occasion pour s’emparer définitivement de la totalité du pouvoir : le 23 septembre 1947, après un simulacre de procès, Petkov est exécuté. Dès lors l'opposition va être éliminée et les communistes, qui constituent la force principale du gouvernement, font ratifier la nouvelle Constitution communiste (décembre 1947), calquée sur la Constitution soviétique de 1936. Les mesures d’étatisation de l’économie, prises dès 1945, sont intensifiées : outre la limitation de la propriété foncière à 20 ha, la collectivisation des terres, les expropriations et les nationalisations de l’industrie, des banques et des mines sont lancées tandis que le premier plan biennal est adopté en 1947-1948.

Répression politique

Le 2 juillet 1949, G. Dimitrov meurt. Il est remplacé par Vasil Kolarov puis par Vălko Červenkov à la tête du gouvernement et du parti. Alignée politiquement et économiquement sur l’Union soviétique (création d’entreprises mixtes soviéto-bulgares, traité de mars 1948 avec Moscou, priorité à l’industrie lourde), la Bulgarie en adopte aussi les méthodes d’épuration staliniennes inaugurées avec les procès truqués de 1946-1947 : la condamnation pour trahison et « titisme » et l’exécution, en décembre 1949, du vice-président du Conseil, Traičo Kostov, ouvrent la voie à de vastes purges au sein du parti.

Todor Živkov (1954-1989)

La mort de Staline (1953) permet un certain assouplissement économique et politique : tandis que le premier plan quinquennal vise surtout à développer l'industrie, le deuxième (1953) met surtout l'accent sur l'amélioration de l'économie rurale. L’évolution politique, permise par la déstalinisation, conduit à des changements à la tête du PCB et de l'État : en 1954, Červenkov cède le poste de premier secrétaire à Todor Živkov avant d’être écarté du pouvoir en avril 1956. Accusé d'avoir violé la « légalité socialiste », il est alors remplacé par Anton Jugov à la tête du gouvernement qui est à son tour écarté en 1962.

Živkov cumule alors jusqu'en 1971 les fonctions de premier secrétaire et de Premier ministre. À partir de 1971, il prend la présidence du Conseil d’État institué par la nouvelle Constitution adoptée en mai. Le poste de Premier ministre est confié successivement à Stanko Todorov (1971-1981), à Gricha Filipov (1981-1986) et à Georgi Atanassov (1986-1989).

La Bulgarie développe avec l'URSS une coopération toujours plus étroite dans tous les domaines (nouveau traité soviéto-bulgare signé à Sofia par T. Živkov et Léonid Brejnev en mai 1967). Elle participe à l'occupation de la Tchécoslovaquie par les troupes du pacte de Varsovie (1968) et réaffirme son engagement au côté de l'URSS et des autres États socialistes dans la nouvelle Constitution.

En dépit de diverses réformes économiques qui sont relancées à la suite de la perestroïka en URSS (1985), le niveau de vie ne progresse guère et des pénuries persistent pour bon nombre de produits de consommation.

Par ailleurs, le problème de la minorité turque (environ 10 % de la population) s'aggrave depuis les mesures d'assimilation forcée de 1984-1985 et des mesures d'expulsion vers la Turquie sont prises en 1989.

La fin de la République populaire de Bulgarie

Le 10 novembre 1989, une « révolution de palais » aboutit au remplacement de T. Živkov par le réformateur Petăr Mladenov, qui met fin au monopole du parti communiste et à la campagne d'assimilation de la minorité turque. En mars 1990, Petăr Mladenov est élu président de la République par l'Assemblée nationale. Trois mois plus tard, le PCB, transformé en parti socialiste bulgare (BSP), remporte 211 sièges sur 400 aux élections législatives, contre 144 à l'Union des forces démocratiques (SDS) et 23 au Mouvement pour les droits et les libertés (DPS), qui représente la minorité turque.

7. Une transition démocratique difficile

7.1. Alternances politiques

Dès juillet 1990, des manifestations organisées par la SDS contraignent Petăr Mladenov à démissionner ; il est alors remplacé par l'ancien dissident Želju Želev. En juillet 1991, la nouvelle Constitution démocratique, instaurant un régime semi-présidentiel entre en vigueur. Les élections anticipées organisées en novembre 1991 sont remportées de justesse par la SDS (110 sièges sur 240, contre 106 au BSP), mais lui permettent de désigner Filip Dimitrov comme Premier ministre, et d'accéder ainsi au pouvoir. Malgré la réélection, au suffrage universel direct, de Želju Željev à la présidence de la République en janvier 1992, la SDS s'avère vite incapable de mener à bien les réformes nécessaires, et éclate en trois mouvements rivaux. Pour éviter une nouvelle crise, un gouvernement d'experts, dirigé par Ljuben Berov, assure un long intérim de décembre 1992 à septembre 1994. Lors de nouvelles élections anticipées en décembre 1994, le BSP reconquiert la majorité parlementaire (125 sièges contre 69 à la SDS) et nomme Žan Videnov comme nouveau Premier ministre.

Bloquant les réformes économiques et multipliant les malversations financières, les ex-communistes se rendent à leur tour impopulaires, pendant que la SDS parvient à surmonter ses divisions. En novembre 1996, son candidat, Petăr Stojanov, est élu président de la République (entrée en fonctions le 22 janvier 1997). Quelques semaines plus tard, à la suite de l'aggravation de la crise économique, d'immenses manifestations obligent Žan Videnov à démissionner. Une fois de plus, les élections anticipées organisées en avril 1997 se soldent par une alternance politique : la SDS remporte une large victoire (137 sièges contre 58 au BSP), et son président, Ivan Kostov, devient Premier ministre.

7.2. Le retour de Siméon de Saxe-Cobourg-Gotha

Aux élections législatives de juin 2001, la victoire du Mouvement national Siméon II (NDS II), une formation hétéroclite constituée dans la précipitation à la veille du scrutin par Siméon de Saxe-Cobourg-Gotha, ex-roi de Bulgarie (1943-1946) de retour dans son pays, révèle le désarroi de la population et l'ampleur du désaveu frappant la classe politique. Sur un programme minimaliste – faire advenir une « nouvelle morale politique » et améliorer la qualité de la vie –, le NDS II remporte 120 sièges sur 240. La coalition conservatrice sortante, Forces démocratiques unies, en obtient 151, le BSP 48, le DPS 21. Siméon de Saxe-Cobourg-Gotha forme un nouveau gouvernement en juillet. En novembre 2001, le président sortant Petăr Stojanov, s'incline devant la victoire, avec 54,1 % des voix, du leader du parti socialiste Georgi Părvanov.

Alors qu'il disposait en juillet 2001 d'une solide majorité au Parlement, le gouvernement Saxe-Cobourg-Gotha voit, au fil des mois, sa crédibilité diminuer. Son incapacité à réaliser deux de ses promesses électorales – l'assainissement de la vie politique et l'amélioration de la qualité de la vie – vaut au NDS II un sérieux revers aux élections locales d'octobre-novembre 2003, à l'issue desquelles il n'obtient que 7 % des suffrages, loin derrière le parti socialiste (23 %), l'Union des forces démocratiques (14 %) et le Mouvement pour les droits et les libertés (10 %).

À la suite d'une série de défections de députés – une scission NDS II aboutit à la formation, en juillet 2004, d'un nouveau groupe parlementaire, Temps nouveau – le gouvernement perd la majorité absolue au Parlement.

7.3. L'intégration euro-atlantique

Malgré ses difficultés intérieures, la Bulgarie cherche, depuis 1991, à rejoindre l'Union européenne et l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN), tandis qu’elle adopte une position prudente face à la crise qui secoue les Balkans (reconnaissance de la Macédoine en 1992 notamment).

Après avoir signé, en 1993, un accord d'association avec l'UE, elle est officiellement intégrée en 1999 dans le processus de négociations sur l'élargissement, en dépit de ses médiocres résultats économiques. En décembre 2002, le Congrès européen de Copenhague fixe son entrée pour le 1er janvier 2007 ; toutefois, lors de la signature du traité d'adhésion, le 25 avril 2005, une clause de sauvegarde inédite prévoit le report de cette adhésion si des progrès difficiles et douloureux tels la réforme du système judiciaire, la défense des droits de l'homme et des minorités (notamment des Rom), ou encore, le déclassement de la centrale nucléaire de Kozloduj ne sont pas accomplis.

Convaincue du bien-fondé d'une adhésion à l'UE, la population est, en revanche, partagée s'agissant de l'alignement du pays sur l'OTAN, et plus encore sur les États-Unis. Membre du Partenariat pour la paix créé par l'OTAN en 1994, la Bulgarie est invitée en novembre 2002, à Prague, à rejoindre l'Alliance avec six autres États d'Europe centrale et orientale. Dans cette perspective, les autorités bulgares entreprennent de vigoureuses réformes au sein des forces armées et prennent le parti, malgré l'hostilité de la majorité de l'opinion publique, d'apporter un ferme soutien aux États-Unis dans leur lutte contre le terrorisme. En février 2003, la Bulgarie signe la déclaration de Vilnius appuyant le projet américano-britannique d'intervention militaire en Iraq, où, en juillet, elle déploie un contingent de 450 hommes dans la région de Kerbala. Le 29 mars 2004, la Bulgarie est admise au sein de l'OTAN.

7.4. Poussée ultranationaliste

À l'issue des élections législatives du 25 juin 2005, la « coalition pour la Bulgarie » conduite par le parti socialiste (BSP) de Sergeï Stanišev arrive en tête avec près de 34 % des voix (82 sièges sur 240), devant le Mouvement national Siméon II (NDS II, 21,8 %, 53 sièges), suivi du Mouvement pour les droits et les libertés d'Ahmed Dogan (DPS, 14 %, 34 sièges). La surprise est venue de l'arrivée en quatrième position – avec 9 % des suffrages et 21 sièges – d'une coalition ultranationaliste créée deux mois auparavant, Ataka, qui a su profiter de la faible participation des électeurs (55,8 %, le taux le plus faible depuis la chute du communisme) et vers laquelle est allé le vote contestataire.

Dirigée par Volen Siderov, cette coalition incarne un nationalisme radical reprenant à son compte une partie de l'idéologie communiste – anti-américaine, anti-européenne, antiturque, antirom – et dénonce la trop grande subordination de la Bulgarie à la communauté internationale. Elle recrute ses électeurs parmi les perdants de la transition à l'économie de marché et parmi les déçus des quatre années de gestion du NDS II.

Ce dernier, dont l'action manque de transparence et sur lequel pèsent des soupçons d'enrichissement illicite, a perdu la moitié de son électorat. En tête dans les sondages, le parti socialiste n'a pas réalisé le score escompté : le noyau dur de son électorat, les retraités de l'ancien régime communiste, s'amenuise régulièrement, et son adhésion à l'Internationale socialiste, à l'automne 2003, n'a pas attiré de nouveaux électeurs.

7.5. La coalition tripartite (BSP, NDS II, DPS)

Faute d'une victoire éclatante, le PSB est contraint de s'allier avec son adversaire centriste du NDS II et le DPS, parti de la minorité turque, pour former un gouvernement. Au terme de sept semaines de tractations, le Parlement approuve, le 16 août, une coalition tripartite (BSP, NDS II, DPS), dirigée par S. Stanišev. Le nouvel exécutif bulgare (8 ministres BSP, 5 ministres NDS II, 3 portefeuilles DPS) affirme, malgré son hétérogénéité, un objectif unique : la poursuite des réformes nécessaires à l'adhésion à l'Union européenne à l'échéance fixée du 1er janvier 2007. Le président socialiste G. Părvanov est réélu, au second tour de l'élection présidentielle du 29 octobre, avec près de 76 % des voix contre 24,1 % au leader extrémiste du parti Ataka, V. Siderov.

Parallèlement, la Bulgarie infléchit très légèrement sa politique de soutien inconditionnel aux États-Unis : après avoir retiré, à la fin de l'année 2005, son contingent déployé en Iraq (conformément à la résolution votée le 6 mai 2005 par son Parlement), elle envoie, en avril 2006, un nouveau contingent au nord de Bagdad et signe avec les États-Unis un accord permettant l'utilisation pendant dix ans de trois bases militaires bulgares par l'armée américaine.

Par ailleurs, futur État-membre de l'Union européenne, la Bulgarie se montre soucieuse d'établir des relations de confiance avec ses voisins immédiats – Grèce, Turquie, Roumanie et Macédoine –, avec lesquels elle intensifie sa coopération au sein de diverses enceintes régionales.

7.6. L'adhésion à l'Union européenne

En mai 2006, la Bulgarie fait toujours l'objet de critiques de la part de la Commission européenne, pointant en particulier la tardive mise en œuvre de la réforme de la justice et son inefficacité à lutter contre la criminalité ou le blanchiment d'argent. En septembre, la Commission confirme la capacité de la Bulgarie d'adhérer à l'Union, mais conformément au traité d'adhésion, elle menace de recourir à des clauses de sauvegarde si les efforts accomplis dans le domaine de la lutte anticorruption, de la gestion des aides régionales et de la sécurité alimentaire s'avèrent insuffisants. Le 1er janvier 2007, la Bulgarie rejoint officiellement, avec la Roumanie, l'Union européenne.

8. L’évolution du système politique

8.1. Le GERB, nouvel acteur politique

Le 20 mai 2007, les premières élections européennes sont toutefois marquées par une très faible participation (29,2 %). Le GERB (Citoyens pour un développement européen de la Bulgarie), nouveau mouvement de centre droit créé le 3 décembre 2006 et mené par le maire de Sofia, le « général » Bojko Borissov, remporte 21,6 % des voix, suivi de près par le parti socialiste (21,4 %) et par le DPS (20,3 %). Le parti ultranationaliste Ataka totalise 14,2 % des voix tandis que le NDS II, désormais en perte de vitesse, ne parvient à en rassembler que 6,2 %.

En octobre-novembre, les élections municipales confirment l'installation dans le paysage politique bulgare du GERB – qui réalise ses meilleurs scores dans les villes et dont le chef est réélu à Sofia dès le premier tour – et le recul du NDS II, qui perd 77 mairies. Le parti socialiste s’impose dans les campagnes en remportant 100 mairies, dont 10 capitales régionales, tandis que le DPS reste puissant dans le sud du pays.

Si le Parlement bulgare ratifie massivement le traité de Lisbonne le 21 mars 2008, l'image du pays est quelque peu ternie par plusieurs scandales politico-financiers qui entraînent la démission du ministre de l'Intérieur. Le Premier ministre doit ainsi procéder à un important remaniement ministériel en avril, incluant la création d'un poste de vice-Premier ministre – confié à Meglena Plugćeva, ambassadrice de Bulgarie en Allemagne – chargé en particulier de la gestion des fonds européens et de la lutte contre la corruption. Cette nomination répond aux exigences de Bruxelles qui a placé le pays sous surveillance, rendant compte dans un rapport annuel des progrès réalisés par Sofia, mais ne peut freiner l'impopularité croissante du gouvernement et l'affaiblissement de la coalition gouvernementale.

Les élections européennes de juin 2009, marquées par une augmentation du taux de participation (près de 39 %), se soldent ainsi par la victoire du GERB qui arrive en tête du scrutin avec 24,36 % des voix devant le BSP et le DPS, en recul sensible. Une victoire confirmée de manière éclatante aux élections législatives de juillet avec 43 % des suffrages et 116 sièges sur 240 devant un parti socialiste en déroute qui perd plus de la moitié de ses députés tandis que le DPS en conserve 33. La principale victime de ce réalignement de l'électorat est toutefois le NDSV (NDS II, devenu Mouvement national pour la stabilité et le progrès en juin 2007), éliminé de l'Assemblée nationale car n'ayant pas franchi le seuil des 4 % de suffrages nécessaire pour siéger, ce qui entraîne la démission de Siméon de Saxe-Cobourg-Gotha de la direction du parti.

En revanche, le parti Ataka maintient ses 21 sièges et progresse même en voix, devant la « coalition bleue », alliance de divers partis de la droite conservatrice – l’Union des forces démocratiques (SDS) et les Démocrates pour une Bulgarie forte (DSB) principalement, 7,1 % et 15 députés – et le parti « Ordre, légalité, justice » (4,7 % et 10 sièges) fondé en 2005.

Pouvant compter sur l'appui sans participation de ces trois formations, Bojko Borissov prend la tête d'un gouvernement minoritaire et, après avoir fait de la lutte contre la corruption et le crime organisé l'un des éléments principaux de sa campagne électorale, s'engage en priorité à satisfaire les exigences de la Commission européenne.

En octobre 2011, après un premier tour marqué par le succès inattendu de la candidate indépendante Meglena Stilianova Kuneva, arrivée en troisième position avec plus de 22 % des suffrages, Rosen Plevneliev, candidat du GERB, remporte l’élection présidentielle au second tour du scrutin avec plus de 52 % des voix face au socialiste Ivaylo Kalfin. Contesté par l’opposition, ce résultat est validé par la Cour constitutionnelle en décembre. À cette victoire s’ajoutent les scores obtenus par le parti au pouvoir aux élections municipales (également critiquées par plusieurs partis), notamment à Sofia où la candidate du GERB conserve la mairie dès le premier tour. Ces résultats confortent ainsi le Premier ministre Bojko Borissov malgré un taux de participation assez faible (48 % et 54 % aux élections présidentielle et locales respectivement) et les polémiques sur l’établissement des listes électorales ou sur de possibles achats de voix lors de certains scrutins locaux.

8.2. Crise économique, désenchantement et instabilité

La politique d’austérité et de rigueur budgétaire auquel s’est engagé le gouvernement bulgare permet un assainissement des finances publiques avec un déficit ramené à moins de 0,45 % du PIB en 2012. Mais après la récession de 2009, la faible croissance s’accompagne d’une envolée du taux de chômage qui passe de 6 % environ en 2008-2009 à plus de 12 % en 2012, touchant plus particulièrement les jeunes. Parallèlement, la progression des salaires, parmi les plus bas de l’UE, est fortement ralentie ou stoppée, tandis que les impôts indirects, dont la TVA, sont augmentés. En janvier-février 2013, la hausse des tarifs de l’électricité met le feu aux poudres. Dénonçant une collusion entre dirigeants politiques et compagnies énergétiques, les Bulgares se mobilisent massivement dans plusieurs villes du pays. Par leur ampleur, sans précédent depuis 1997, et leur violence, ces manifestations entraînent le renvoi du ministre des Finances puis la démission du gouvernement et la dissolution du Parlement. Dans l’attente des élections législatives anticipées prévues en mai, une nouvelle équipe dirigée par l’ex-ambassadeur de Bulgarie en France, Marin Raïkov, est chargée d’expédier les affaires courantes.

Cependant, le scrutin ne mobilise que 52,5 % des électeurs et ne donne aucune majorité claire. Si le GERB arrive en tête avec 97 sièges devant la coalition pour la Bulgarie créée autour du parti socialiste (84 députés), le DPS de la minorité turque (36) et les ultranationalistes d’Ataka (23), B. Borissov doit renoncer à former un gouvernement, faute de soutien parlementaire. Le 29 mai, l’Assemblée nationale parvient finalement à débloquer la situation : l’économiste sans étiquette Plamen Orecharski est élu Premier ministre avec l’appui des socialistes et du DPS, les représentants d’Ataka ne participant pas au vote.

En butte à la défiance persistante envers la classe politique et à l’opposition du GERB, ce « gouvernement d’experts » se retrouve de plus en plus isolé et finit par démissionner en juillet 2014 à la suite du piètre résultat des socialistes aux élections européennes de mai.

À l’issue de nouvelles élections législatives anticipées en octobre auxquelles ne participent que 51 % des électeurs, le GERB l’emporte et conserve sa première place avec 32,6 % des suffrages et 84 sièges, tandis que le BSP recule fortement avec 15,4 % des voix et 39 députés, le DPS obtenant 38 sièges. L’extrême droite Ataka n’obtient que 4,5 % des suffrages et 11 sièges.

Mais la situation politique ne se clarifie pas pour autant : aux trois principaux partis s’ajoutent des groupes anciens ou récents, aux intérêts et aux programmes pour le moins flous : outre le Bloc réformateur réunissant cinq formations de droite en perte de vitesse depuis plusieurs années dont le parti agrarien, les Démocrates pour une Bulgarie forte et l’Union des forces démocratiques (8,8 %, 23 députés), font leur entrée au Parlement le Front patriotique (regroupant deux partis nationalistes, 7,2 %, 19 sièges), « Bulgarie sans censure » (créé par le journaliste controversé Nikolai Barekov, 5,6 %, 14 sièges), et le mouvement aux ambitions « centristes », « Alternative pour la renaissance bulgare » (ABV), fondé par l’ancien président socialiste Georgi Părvanov (4,1 %, 11 sièges).

L’impasse politique ne peut être surmontée que par la formation d’une majorité hétéroclite de centre droit autour du GERB. En novembre, B. Borisov retrouve ainsi la direction d’un fragile gouvernement de coalition auquel participent le Bloc réformateur et l’ABV, et qui reçoit le soutien extérieur du Front patriotique, le BSP et le DPS basculant dans l’opposition.

Ce cabinet minoritaire ne dure que deux ans. En novembre 2016, Roumen Radev, un militaire indépendant soutenu par le BSP – et qui s’est notamment distingué par sa position favorable à une normalisation des relations avec la Russie –, remporte l’élection présidentielle avec 59 % des suffrages face à la candidate du GERB et du Premier ministre. Ayant fait de ce scrutin un enjeu déterminant, B. Borisov démissionne, ouvrant ainsi la voie à de nouvelles élections législatives anticipées. Réussissant son pari, il retrouve la tête du gouvernement en mai 2017, à la suite de la victoire relative du GERB, mais doit négocier, en vue de former une coalition, avec les nationalistes (Patriotes unis) et les populistes de Volya, qui font pour la première fois leur entrée au Parlement.

Pour en savoir plus, voir l'article Bulgarie.