Dans ce contexte social difficile, le problème du statut international de la nouvelle Allemagne se pose de plus en plus fortement. Comme le Japon, autre vaincu de 1945, l'Allemagne ne peut plus se cantonner au statut de « géant économique/nain politique ». Le gouvernement Kohl prend le double risque d'autoriser la participation de la Bundeswehr à des opérations militaires extérieures au territoire national et de réclamer pour l'Allemagne un siège au Conseil de sécurité de l'ONU. Cependant, contre vents et marées, alors même que ses partenaires européens lui reprochaient l'intransigeance monétaire de la Bundesbank (indépendante pourtant du pouvoir politique), le chancelier a maintenu le cap communautaire et la collaboration privilégiée avec le voisin français.

Réfugiés

Les « demandeurs d'asile » à l'Allemagne étaient à peine plus de 50 000 en 1981, pour atteindre les 250 000 en 1991 et dépasser largement le cap des 400 000 en 1992.

Consensus

Le consensus semble être recherché systématiquement pour dépasser les graves problèmes du moment. Dès le printemps, Helmut Kohl recherche le dialogue avec le SPD (qui infléchit sa ligne sur le droit d'asile ou sur le rôle de la Bundeswehr) et l'on évoque le retour à la « grande coalition noire et rouge ». Enfin, en octobre, Franz Steinkuhler, le très influent président du syndicat IG-Metall, déclare qu'il est prêt à accepter un gel des salaires pour une période de cinq ans (ce qui se concrétise dans un accord de modération salariale dans la sidérurgie, le 3 décembre), tandis que, quelques jours plus tard, le chancelier finit par admettre que ses concitoyens doivent se préparer à des temps rigoureux et que la réunification nécessitera de nouvelles hausses d'impôts à partir de 1995.

Sacrifices

Au congrès du Parti chrétien-démocrate ouvert le 26 octobre, le chancelier Kohl a appelé le pays à de nouveaux sacrifices pour rembourser la « montagne de dettes léguées par l'ex-RDA [...] soit plus de 400 milliards de DM [...]. Nous savons aujourd'hui que l'héritage du régime communiste est plus lourd que ce que quiconque pouvait imaginer [...]. Nous nous trouvons aujourd'hui au milieu d'un dramatique bouleversement ».

Chrono. : 2/01, 15/01, 11/02, 26/02, 6/03, 5/04, 27/04, 24/05, 26/05, 2/06, 16/07, 22/08, 29/08, 20/09, 8/11, 16/11, 25/11, 6/12.

L'Allemagne vue d'ailleurs, sous la direction de Michel Korinman, Balland, 1992.
Jean-Marc Ferry, Paul Thibaud, Discussion sur l'Europe, Calmann-Lévy, 1992.
Lester Thurow, la Maison Europe, Calmann-Lévy, 1992.

François Dormion

Italie

Sans tomber dans l'emphase méridionale, on peut dire que 1992 restera pour l'Italie comme l'année charnière la plus importante depuis la création de la république. Toutes les données économiques, sociales, politiques, mais aussi morales et nationales auront été remises à plat. Le diagnostic est net : le pays est menacé par la faiblesse de son État.

« Tremblement de terre »

Les choses ont véritablement commencé le 5 avril quand, pour la première fois, la coalition de centre gauche. Démocratie-chrétienne/socialistes, a perdu la majorité en voix dans le pays, même si elle conservait la majorité en sièges au Parlement. La campagne de pilonnage du président de la République Francesco Cossiga contre le système des partis, la partitocratie, a fait mouche : la DC perd près de 30 sièges, quand le nouveau parti régionaliste et néopoujadiste, la Ligue lombarde (hostile au pouvoir romain et favorable à l'instauration d'un État fédéral), en rafle 55.

Le deuxième acte se tient en mai. Au début du mois, un scandale financier à Milan compromet la municipalité socialiste et éclabousse le leader national, Bettino Craxi. Le 23, alors que les parlementaires se déchirent en une affligeante comédie (seize séances étalées sur treize jours) pour trouver un successeur à M. Cossiga, démissionnaire deux mois avant terme pour mieux marquer son mépris du système, le célèbre juge Giovanni Falcone est assassiné à Palerme par la mafia. Jamais la carence tragique de l'État n'était apparue avec autant de force.

Docteur Subtil

Le troisième acte commence pendant l'été, quand le nouveau président du Conseil, le socialiste Giuliano Amato, 54 ans (surnommé « Dr Subtil » ou « Mickey Mouse », en raison de sa petite taille), obtient des partenaires sociaux, et d'abord du puissant syndicat CGIL, la suppression de l'échelle mobile des salaires, prélude à un vaste programme de rigueur économique (privatisation des grands holdings d'État, réduction du colossal déficit public, nouvel impôt immobilier, allongement de l'âge de la retraite, réduction des remboursements médicaux). Le gouvernement exprime un vrai projet, celui d'accélérer l'intégration du pays dans l'Europe et de faire mentir cette observation du politologue Sergio Romano, selon laquelle l'Italie, à l'inverse de la Grande-Bretagne, jouit d'une économie dynamique mais souffre cruellement d'un État faible et corrompu. Comme pour mieux faire passer le message, la police marque alors des points importants contre la pieuvre-mafia en arrêtant plusieurs de ses chefs.