Affaire de longue haleine, la conversion industrielle se fait au coup par coup. Elle ne concerne plus seulement les Régions comme la Lorraine, le Nord et Saint-Étienne qui ont à encaisser les durs coups de la récession sidérurgique et charbonnière, mais un nombre considérable de points chauds qui exigent des traitements particuliers. La politique des pôles de conversion mise en place par Pierre Mauroy, en mars 1984, n'a pas été abandonnée, mais elle a été complétée de façon pragmatique par d'autres mesures. Pas question d'abandonner Valenciennes, Longwy, Caen ou Decazeville, mais pas question non plus de les privilégier. Une usine Philips ferme à Aubusson, dans la Creuse ? Le préfet mettra en place un plan social et économique comparable à celui en vigueur dans les pôles de conversion. Il en ira ainsi pour Saint-Nazaire, Brest, Dieppe, La Rochelle, ou la Dordogne.

Dans le budget de l'aménagement du territoire pour 1988, en diminution de 13 p. 100 par rapport à 1987 pour les crédits de paiement, l'enveloppe qui sera affectée à la remise en état des friches industrielles, à la suite des fermetures d'usines, connaîtra un relèvement sensible. De même, les sociétés de conversion dépendant des charbonnages ou des grands groupes sidérurgiques recevront des dotations en augmentation.

La DATAR continue à jouer les « pompiers », ce qui n'est pas une tâche très gratifiante, mais si elle ne le faisait pas, qui le ferait à sa place ? Parfois, les pouvoirs politiques locaux, voire les ministres eux-mêmes, s'en mêlent, compliquant les plans de la DATAR et ouvrant les vannes à une surenchère où interviennent aides, primes, subventions, promesses et chantages divers. Car, dès qu'un industriel français ou étranger fait connaître son intention de créer une usine de cinquante employés, immédiatement il reçoit des propositions plus alléchantes les unes que les autres émanant de trente ou cinquante villes différentes. Parmi les investissements étrangers récents dont la localisation a été fortement influencée par des considérations et des interventions politiques pressantes, on peut citer Norsk Hydro (engrais) à Bordeaux (Jacques Chaban-Delmas), Scott Paper (produits d'hygiène), à Orléans (Jacques Douffiagues) ou Northern Telecom (centraux téléphoniques d'entreprises) à Verdun (Gérard Longuet).

Quant aux zones d'entreprises créées à la fin de 1986 par Alain Madelin et Édouard Balladur pour revivifier le tissu économique à Dunkerque, La Ciotat et La Seyne frappées de plein fouet par la crise de la construction navale, elles ont, pour leur première année d'existence, remporté un succès relatif. Rappelons que les entreprises qui s'installent dans ces périmètres sont exonérées d'impôts sur les bénéfices pendant dix ans.

La relance de la décentralisation

La décentralisation est comme le rocher de Sisyphe. Certes, quelques grandes villes de province telles Lyon, Strasbourg, Rennes, Toulouse et Montpellier ont acquis maintenant une réputation de technopole européenne. À Montpellier s'attache le slogan « la surdouée », à Rennes « une valeur sûre ». Mais la prééminence de l'Île-de-France demeure. Paris et les départements périphériques, notamment les Hauts-de-Seine, avec la Défense où les centaines de milliers de mètres carrés de bureaux se multiplient à un rythme effréné, continuent à accaparer les grandes écoles, les équipements culturels, les laboratoires, les centres de recherche, les sièges sociaux, les ministères... Mais cette concentration entraîne des conséquences dramatiques : raréfaction de l'offre foncière, engorgement des transports, surcoûts. Sait-on qu'un kilomètre d'autoroute en Île-de-France coûte 500 millions de francs, dix fois plus qu'en rase campagne ?

Comme ses prédécesseurs, le gouvernement veut donc relancer la décentralisation. Jacques Chirac a demandé à chaque ministre de présenter un plan de localisation, c'est-à-dire, en clair, un projet de transfert de ses services en province. Mais ce plan est plus facile à édicter qu'à réaliser. Il semble en tout cas que M. Méhaignerie veuille montrer l'exemple, puisque l'École nationale des ponts et chaussées quittera progressivement la rue des Saint-Pères pour Marne-la-Vallée, tandis que les services de la Sécurité routière pourraient se regrouper à Lyon comme la Météorologie nationale le sera à Toulouse. Il reste qu'on se demande pourquoi tant de directions du secrétariat d'État à la Mer, ou de l'Agriculture, ou des Anciens Combattants restent indéfectiblement installés au cœur de Paris. Sans parler de la DATAR, qui, s'occupant du développement régional, remporterait un beau succès d'estime en quittant le Champ-de-Mars pour une métropole de province ou, pour le moins, une ville nouvelle d'Île-de-France.

Les Français et la décentralisation

Créé en 1986 par Paul Graziani, président du conseil général des Hauts-de-Seine, l'Institut de la décentralisation a commandé à l'automne 1987 un sondage réalisé par la SOFRES sur le thème « les Français et la décentralisation ». Un millier de personnes de toutes catégories sociales ont été interrogées.