Les communes, elles, ont élargi leurs pouvoirs dans le domaine de l'urbanisme. C'est le maire qui délivre le permis de construire en son nom propre. En outre, à côté des attributions juridiques, il y a les responsabilités de fait. Et, à cause de la crise économique, de l'urgence à régler les problèmes de l'emploi et à rechercher des implantations d'entreprises, les maires des grandes villes et des petites communes sont, qu'ils le veuillent ou non, investis de pouvoirs économiques qui ne sont pas sans portée (bureaux de recherche d'investisseurs, constructions d'usines-relais, garantie d'emprunts, exonération de taxe professionnelle, etc.).

La décentralisation est-elle un gouffre financier, ouvre-t-elle la voie à des abus, à des privilèges, à des prébendes, comme le croient et l'écrivent certains anciens préfets ? On lira avec intérêt, de ce point de vue, le livre que M. Jean Émile Vie, préfet de Région, a publié sous le titre Les Sept Plaies de la décentralisation, qui, du début jusqu'à la fin, est un hymne au centralisme.

La Caisse des dépôts et consignations, qui tient à jour un tableau de bord précis de l'évolution des finances locales, estime que, tout compte fait, la progression des dépenses et de la fiscalité a été modérée. Pour les communes, dont les impôts sont trois fois plus élevés que ceux des départements et vingt fois plus que ceux des Régions, la fiscalité directe a augmenté en 1984 de 19 p. 100 et en 1985 de 11,6 p. 100. Pour les départements, les hausses ont atteint 18 et 12 p. 100 ; pour les Régions, les pourcentages sont de 33,5 et 15,3. Évidemment, les Régions apparaissent, comme les collectivités locales, les plus boulimiques puisqu'elles sont une nouvelle institution qui a besoin de s'affirmer.

Est-il vrai que, dans un certain nombre de cas, la hausse des budgets régionaux entre 1984 et 1985 est plus que significative (+ 26 p. 100 en Bourgogne, + 25 p. 100 en Picardie ou en Limousin) ? Les différences sont instructives aussi lorsque l'on compare la fiscalité directe par habitant selon les Régions ; 136 F dans le Nord-Pas-de-Calais, 130 F en Midi-Pyrénées, 31 F seulement dans les Pays-de-la-Loire ou 50 F en Haute-Normandie. En Provence-Alpes-Côte-d'Azur, le produit des impôts dans le total des ressources ne dépasse pas 19 p. 100, alors qu'il dépasse 35 p. 100 en Auvergne, 33 p. 100 en Franche-Comté, 43 p. 100 dans le Nord et en Midi-Pyrénées (la moyenne tournant en 1985 autour de 30 p. 100).

On met souvent en avant pour le critiquer le développement excessif du nombre de fonctionnaires qu'ont embauchés, encouragés par la décentralisation, les communes, les départements et les Régions. Mais, n'eût-il pas été normal que l'État, commencât lui-même, et dès 1982, à réduire le nombre de ses fonctionnaires pour en transférer un bon nombre vers les communes, les départements, les Régions qui avaient et ont toujours besoin de cadres de haut niveau ?

Plus d'un million de fonctionnaires

Pour ce faire, il eût fallu qu'existât un véritable statut de la fonction publique territoriale. Or seuls les agents communaux étaient dotés d'un statut comparable à celui des fonctionnaires d'État. M. Defferre, puis M. Joxe élaborèrent donc pour les quelque 1 100 000 agents territoriaux un statut qui fut consigné dans la loi du 26 janvier 1984, complétée par des décrets et arrêtés sur les comités techniques paritaires, les corps, la formation, le droit syndical, etc.

Mais il est vite apparu que la mise en œuvre de cette loi était extrêmement compliquée et difficile. Dès avril 1986, l'une des premières tâches du gouvernement fut de la mettre en veilleuse et, en procédant à une large consultation des syndicats de personnels et des associations d'élus, de remettre en chantier un nouveau projet.

Yves Galland, nommé ministre délégué chargé des collectivités locales en septembre, a vite travaillé, puisqu'il fait adopter par le Conseil des ministres de la mi-novembre un projet de loi mettant en place un nouveau statut qui tient compte de deux impératifs :
– les maires et les « patrons » des Régions et des départements doivent conserver directement leurs responsabilités et une certaine liberté dans la gestion du personnel sans passer par des échelons de gestion intermédiaire ;
– il faut que le système ne soit pas trop coûteux, alors que celui imaginé par les gouvernements socialistes prévoyait quatre cotisations différentes.