Du côté des pays industrialisés, on constate que les révisions à la baisse de la demande avancées par le Canada, la RFA, les Pays-Bas ou le Portugal sont compensées par les révisions à la hausse de la demande envisagées par les États-Unis, l'Italie ou la Grèce.

Pour les autres pays, notamment ceux qui sont en voie de développement, dont le poids dans la demande énergétique mondiale est souvent sous-estimé, le fait frappant à souligner est la très forte croissance des besoins. Selon nos estimations, la majeure partie de la croissance de la consommation pétrolière mondiale sera le fait des PVD : 70 % environ de la demande mondiale additionnelle au cours de la période 1985-1995 proviendra de l'Asie, de l'Amérique latine, du Moyen-Orient et de l'Afrique.

Au total, la consommation pétrolière dans ces pays a augmenté de 50 % entre 1973 et 1979, puis de 10 % entre 1979 et 1985. L'essentiel de cette augmentation (60 %) a été le fait des PVD exportateurs de pétrole. D'ici à 1995, la consommation pétrolière des PVD devrait passer de 15 Mb/j en 1985 à 20,5 Mb/j en 1995. Si l'on ajoute à ce chiffre les besoins de l'URSS et des pays de l'Europe de l'Est, on aboutit pour 1995 à une consommation de 33,5 Mb/j contre, à la même date, 33 Mb/j pour les États-Unis, l'Europe occidentale, le Japon, le Canada, l'Australie et la Nouvelle-Zélande réunis. Ainsi, en 1995, les besoins des pays industrialisés jusqu'ici les plus importants consommateurs de pétrole seront inférieurs à ceux des pays en voie de développement et des pays à économie planifiée.

Cette tendance aura des conséquences considérables, notamment sur la transformation des grands axes des échanges pétroliers mondiaux, sur l'équilibre de l'offre et de la demande de pétrole, sur les relations entre l'OPEP et les pays consommateurs et, enfin, sur les économies de pays en voie de développement dont les besoins en pétrole importé coïncideront avec la tendance générale à la hausse des prix de l'énergie.

Il s'agit là d'un bouleversement considérable dans la mesure où la croissance de la consommation pétrolière dans les pays autres ceux de l'OCDE signifie une réorientation du commerce pétrolier mondial vers les pays en voie de développement et peut-être vers les pays à économie planifiée.

Compte tenu toutefois que certains pays membres de l'OPEP à forte population, et disposant de réserves pétrolières relativement faibles, ont eux aussi une consommation en augmentation sensible il faut s'attendre à un accroissement rapide des exportations à partir des pays du Golfe appartenant à l'OPEP. Pour couvrir les besoins pétroliers mondiaux, tout indique qu'il sera de plus en plus nécessaire de faire appel, surtout à partir de 1990, à ces pays qui disposent de réserves et de capacités inutilisées de production. La production pétrolière de l'OCDE devrait atteindre en effet son maximum vers 1990 pour décliner ensuite, à moins que des réserves additionnelles importantes ne soient découvertes.

Parmi les pays exportateurs hors OPEP, c'est surtout le Mexique qui pourrait continuer à augmenter ses exportations après 1990, tandis que, dans la plupart des autres pays en voie de développement, l'accroissement éventuel de la production sera, totalement ou en grande partie, absorbé par l'augmentation de la consommation interne. C'est le cas de l'Égypte ou de la Malaisie, dont le plafonnement, puis le déclin de la production iront de pair avec une croissance de la consommation nationale, estimée de 1985 à 1995 à 50 %.

Quant aux pays de l'OPEP, l'accroissement des consommations internes au cours de la même période est estimé à 80 % au Nigeria et en Libye, 70 % en Algérie, 60 % au Koweït, en Iraq et en Indonésie et 50 % en Arabie Saoudite.

À la lumière de ces chiffres et eu égard à la répartition des réserves pétrolières des pays de l'OPEP (500 milliards de barils, soit près de 70 % du total mondial en 1985), ce sont donc certains pays du Golfe, qui, de nouveau, alimenteront, à partir des années 90, une part croissante du commerce pétrolier mondial. L'Arabie Saoudite, le Koweït (y compris la zone neutre) et l'Iraq disposent de réserves prouvées représentant 300 milliards de barils, soit 45 % des réserves mondiales, et de ratios réserves prouvées/production qui dépassaient cent ans en 1984. C'est donc un très petit nombre de pays de l'OPEP qui concentrent près de 60 % des réserves pétrolières mondiales, tandis que dans certains autres pays de l'OPEP, la consommation interne risque d'équilibrer la production avant la fin du siècle.