L'accord sur la répartition des charges a été conclu au cours d'une réunion collégiale qui réunissait les secrétaires des six partis dits constitutionnels : démocrate-chrétien, communiste, socialiste, social-démocrate, républicain et libéral. C'est la première fois qu'ils se retrouvent depuis la rupture de 1947.

La démocratie chrétienne reconnaît ainsi implicitement la nécessité de composer avec le PCI. Mais elle affirme, en même temps, qu'il n'est pas question de conclure avec lui une alliance gouvernementale. L'un des deux doit être dans l'opposition. C'est ce qui se passe dans les régions et les communes, c'est ce qui se passe à Rome, où la municipalité a été renouvelée le 20 juin : au Capitule s'installe une majorité de gauche, avec pour maire le professeur Giulio Carlo Argan, prestigieux spécialiste de l'histoire de l'art, élu comme indépendant sur les listes du PCI.

Le président Leone charge Giulio Andreotti de former le gouvernement. Une majorité pourrait être constituée avec les démocrates-chrétiens et les socialistes. Mais une crise secoue le PSI après la profonde déception électorale. La direction de ce parti est confiée à Bettino Craxi, leader jeune, proche des sociaux-démocrates d'Europe du Nord. Mais la ligne du parti reste inchangée : il lie son sort à celui du parti communiste.

Tandis que le président du Conseil désigné engage une confrontation avec tous les partis, les syndicats et le patronat, le chancelier allemand Schmidt soulève une tempête dans l'opinion européenne en révélant qu'au sommet de Porto Rico le 28 juin 1976, Américains, Allemands, Français et Anglais se sont mis d'accord pour couper les crédits à l'Italie si les communistes entrent au gouvernement.

Giulio Andreotti résout la quadrature du cercle en composant un gouvernement démocrate-chrétien homogène, qui se présente au début d'août à la Chambre. Il recueille 258 voix (démocrates-chrétiennes) contre 44 (d'extrême droite et d'extrême gauche), et 303 abstentions, représentant les élus communistes, socialistes, sociaux-démocrates, républicains et libéraux. Les communistes sont 222 : leur abstention a été déterminante. Le PCI est sorti de l'opposition ; il ne fait pas pour autant partie de la majorité.

Inflation

Le gouvernement qui survit uniquement grâce à la non-défiance de la gauche, avec laquelle il ne peut se concerter, affronte une inflation galopante. Dès le mois d'octobre, il annonce son intention de réduire le déficit de l'État et de restreindre la consommation interne en opérant une ponction de 5 700 milliards de lires (32 milliards de F) par le biais des impôts et le relèvement des tarifs des services publics ; ces mesures sont accompagnées d'un blocage temporaire des hauts salaires (partiel entre 6 et 8 millions par an, total au-dessus). L'opération devrait permettre de réinjecter 1 700 milliards dans l'économie, sous forme d'investissements destinés à favoriser l'exportation, élargir l'emploi et développer le Sud.

Ce plan est soumis à un agrément international sous forme de requête d'un prêt de 530 millions de dollars adressé au Fonds monétaire international. Le FMI pose des conditions supplémentaires ; elles portent essentiellement sur une réduction du coût du travail.

Le PCI prêche l'austérité. La chute dans une inflation galopante mettrait en danger la démocratie. Une politique de sacrifices s'impose. Notre parti, disent les communistes, est assez fort pour imposer une répartition équitable des charges, et pour, à travers cette crise, amorcer une transformation profonde de la société. Il faut, ajoutent-ils, laisser s'instaurer une nouvelle direction politique du pays, tout en évitant de rompre le cadre politique actuel.

Mais le PCI est seul à tenir ce langage. La DC reste muette. Les socialistes sont perpétuellement tentés de se faire le porte-parole des contestataires de la base.

Le gouvernement prend des mesures par décrets, en vagues successives, sans concertation préalable et sans prospective politique apparente. Régulièrement, le PCI les critique et annonce qu'il les fera transformer au Parlement. Le chemin de cette transformation est toujours long et complexe, et les meilleurs observateurs finissent par s'y perdre.

Échec

Sur le point crucial, la réduction du coût du travail, le gouvernement s'en remet aux syndicats et au patronat, à la tête duquel l'ancien gouverneur de la Banque d'Italie, Guido Carli, a succédé au patron de Fiat, Giovanni Agnelli. La négociation traîne près de deux mois pour aboutir à un constat d'échec au début de janvier. Les syndicats refusent de toucher au mécanisme de l'échelle mobile des salaires, qui garantit le pouvoir d'achat.