La victoire des indépendantistes survient dix ans après leur première apparition au niveau électoral et huit ans après leur regroupement par René Lévesque sous la bannière du Parti québécois (Journal de l'année 1966-67 et 1968-69). Cette rapide conquête du pouvoir, qui surprend même les dirigeants du PQ, est toutefois fragile : les partis fédéralistes (PLQ, UN, RC, PNP) réunissent la pluralité des voix (58 %) allouées à l'union canadienne, alors que la moitié seulement des suffrages (20 %) accordés aux péquistes endossent vraiment l'idée sécessionniste, révèlent les sondages postélectoraux.

Le succès du PQ ne s'explique donc pas uniquement par la progression, certes réelle, du projet de l'indépendance dans la population, mais surtout par le refus d'un fédéralisme rigide, défendu par P. E. Trudeau, et d'un style de gouvernement, celui de Robert Bourassa, axé sur la crainte du changement. En fait, les Québécois rejettent majoritairement les deux extrêmes : le statu quo et le séparatisme intégral. Ils souhaitent plutôt une confédération décentralisée et souple, plus près de leur aspiration autonomiste, qui évolue lentement vers la souveraineté-association.

Conscient de la précarité de son option, le parti de René Lévesque préfère pour l'instant assumer une bonne administration dans le cadre canadien et remettre à plus tard la question constitutionnelle. Entre-temps, il prépare ouvertement l'accession du Québec à l'indépendance, la croyant inéluctable.

Cabinet Lévesque

Premier ministre : René Lévesque

Vice-Premier ministre et ministre de l'Éducation : Jacques Yvan Morin

Leader parlementaire et ministre d'État : Robert Burns

Ministre des Affaires intergouvernementales : Claude Morin

Ministre des Finances : Jacques Parizeau

Ministres d'État Développement culturel : Camille Laurin

Développement social : Pierre Marois

Développement économique : Bernard Landry

Aménagement : Jacques Léonard

Ministres

Justice : Marc-André Bédard

Transports : Lucien Lessard

Environnement : Marcel Léger

Délégué au haut-commissariat à la Jeunesse, aux Loisirs et aux Sports : Claude Charron

Délégué à l'Énergie : Guy Joron

Coopératives et Institutions financières : Lise Payette

Agriculture : Jean Caron

Affaires sociales : Denis Lazure

Affaires municipales : Guy Tardif

Travail et Main-d'œuvre : Jacques Couture

Affaires culturelles et Communications : Louis O'Neil

Richesses naturelles : Yves Bérubé

Industrie et Commerce : Rodrigue Tremblay

Tourisme, Chasse et Pêche : Yves Duhaime

Fonction publique : Denis de Belleval

Ambiguïté

Ballottés entre le fédéralisme inconditionnel et l'indépendance, les Québécois n'écartent pas complètement, au scrutin, l'ambiguïté que suscite la campagne électorale.

Le Québec, en octobre 1976, est encore secoué par les scandales politiques, les problèmes financiers, soulignés par un déficit budgétaire de 1 milliard de dollars, et les conflits sociaux : contestations linguistiques et grèves dans les secteurs public, parapublic et privé. La popularité des libéraux, divisés sur plusieurs points, s'effrite toujours au profit du PQ, lequel a déjà mobilisé ses militants en vue d'éventuelles élections.

Le 18, Robert Bourassa sollicite, dans ce contexte, un troisième mandat, un an en principe avant l'échéance du deuxième mandat. Fort d'une majorité parlementaire sans précédent, il réclame paradoxalement un appui clair et massif de l'électorat, pour négocier ultérieurement la nouvelle constitution canadienne et pour mettre fin aux abus des syndicats. Son empressement à faire appel au peuple, pour assurer sa réélection, est mal venu, d'autant plus que les prétextes qu'il avance ne convainquent personne.

Les libéraux, soutenus par les ministres et députés fédéraux, dont trois démissionnent pour rejoindre leurs rangs (un seul est élu à la mi-novembre), tentent de faire en sorte que le scrutin soit un autre plébiscite sur l'indépendance du Québec, comme en 1970 et 1973. Les stratèges du PLQ croient que le seul fait d'agiter l'épouvantail séparatiste suffit pour gagner la confiance populaire. Pour la troisième fois en six ans et durant quatre semaines, les électeurs sont l'objet d'assauts continus de propagande fédéraliste, démagogique et hystérique à certains moments. Cette fois cependant, les tiers partis, l'UN, le RC et le PNP, ne sont pas dupes et demeurent à l'écart, même s'ils favorisent l'unité nationale.