L'économie est encore marquée par la volonté de multiplier les équipements. Un exemple entre autres : le Don, l'un des plus grands fleuves du Sud, est depuis fin 1974 entièrement navigable. Ce qui permet aux cargos commerçant avec l'Europe ou le Proche-Orient de l'emprunter à partir de la mer d'Azov jusqu'à la Volga, à laquelle il est relié par un canal de grand gabarit. Mais les efforts les plus grands portent évidemment sur la région appelée à modifier le plus profondément ses structures économiques (et peut-être politiques) : la Sibérie. Il s'y trouve 85 % des réserves mondiales d'énergie. Des centrales électriques géantes sont en cours d'édification, un nouveau Transsibérien se construit. Il devrait être achevé en 1982 et, dès 1978, des trains pourront circuler sur certaines parties de la ligne.

Cette gigantesque mise en valeur sous-entend un peuplement accru et, donc, une amélioration sensible des conditions de vie, rendant le séjour en Sibérie acceptable, sinon tentant. Elle met également en lumière deux facteurs au moins.

D'abord, pour réussir vite cette transformation (c'est la volonté de Brejnev), il faut la coopération technologique et financière de l'Occident, donc l'obligation pour les Soviétiques de consolider la détente. Déjà des accords sur la recherche du gaz naturel, portant sur un programme de 600 millions de dollars, ont été signés avec des compagnies américaines et japonaises. Les Russes ont également demandé aux Japonais d'investir plus de 50 milliards de francs dans d'autres projets. Les Français ne sont pas oubliés : plusieurs entreprises travaillent à la prospection et à l'épuration des gaz, d'autres construisent des ensembles industriels ou exploitent des gisements de cuivre ou de nickel.

Bulldozer et sorcellerie

Septembre 1974 : un terrain vague dans la banlieue sud de Moscou, vingt exposants n'appartenant pas à l'officielle Union des artistes. C'est le modeste salon d'automne des peintres contestataires, menés par Oscar Rabin, de renom international. Mais à peine les tableaux sont-ils déballés devant 200 amateurs que l'exposition sauvage est mise en déroute par l'irruption de camions, bulldozers et arroseuses municipales. Interpellations (notamment deux journalistes américains), arrestations, condamnations de trois jeunes peintres à huit jours de prison. Du coup, malgré une autre exposition (tolérée celle-ci par les autorités) de 60 peintres indépendants dans la capitale, et malgré son succès auprès du public, la Pravda s'insurge violemment contre le modernisme et l'art abstrait. S'en prenant à Mondrian qui pense que ce type d'art peut réorganiser la société, l'auteur de l'article écrit : « Difficile d'imaginer qu'un tableau abstrait soit un bon moyen pour lutter contre la junte chilienne... » Et d'ajouter : « La jeune société socialiste repousse catégoriquement la sorcellerie du modernisme. »

Chine

Cette réussite suppose que les rapports avec la Chine, sa voisine sur 5 000 km de frontières (dont les convoitises sur la Sibérie ne font de doute pour personne), ne se détériorent pas davantage. Ce qui n'a pas été évident cette année.

À l'occasion du 25e anniversaire de la République chinoise, en octobre, Moscou réaffirme sa volonté de normaliser les rapports et de restaurer l'amitié avec le grand peuple chinois. Un mois plus tard, Kossyguine déclare : « Nous faisons tout notre possible pour que notre frontière avec la Chine soit sur toute son étendue une frontière de paix, de coopération, de bon voisinage et d'amitié. » Les dirigeants soviétiques n'en repoussent pas moins l'offre chinoise (la première pourtant depuis les affrontements armés de 1969 ; Journal de l'année 1968-69) de négocier un pacte de non-agression. Propagande, dit-on à Moscou, puisque Pékin met comme condition préalable à cet accord le retrait des troupes soviétiques des régions frontalières, dites litigieuses, dont elle conteste l'appartenance à l'URSS. « Cette position est absolument inacceptable et nous la rejetons », réaffirme Brejnev.

Quelques semaines plus tard, la polémique entre les deux pays redouble d'intensité. Jusqu'au jour où la Pravda affirme : « l'antidémocratisme du régime chinois ne s'appuie pas sur le peuple, mais sur les baïonnettes. » Ce même journal, faisant allusion aux négociations en cours (et actuellement bloquées) pour la signature d'un traité de paix sino-japonais, accuse Pékin de vouloir convertir à sa politique antisoviétique le Japon, qu'il met en garde. Raison ? La crainte de plus en plus vive du Kremlin de voir se créer un axe Tokyo-Pékin-Washington.

USA

Les relations avec les USA auront été marquées par deux sommets — celui (presque de routine) avec Nixon en juillet 1974, puis celui avec Ford, en novembre, à Vladivostok. Par une remise en cause aussi : celle du traité commercial américano-soviétique. Avec pour toile de fond la détente internationale, bien sûr, mais également le désarmement et le problème des Juifs soviétiques, lié, lui, à la rupture commerciale.