Les implications de ce choix sont nombreuses : l'éducation permanente apporte des réponses à la triple critique politique, économique et scientifique qui condamne les systèmes traditionnels.

– Politique : la possibilité de donner à chacun plusieurs chances rend inutile le néo-malthusianisme de ceux qui « voudraient rationner l'instruction en la mesurant étroitement sur les perspectives d'emploi » et perpétuer ainsi l'élitisme (encore que la commission ne s'oppose pas à la formation d'une élite naturelle qui, à la différence des élites traditionnelles, ne reposerait pas sur des discriminations sociales) ; en même temps, la nécessité reconnue du recyclage conduit à insister moins sur l'acquisition d'un savoir que sur l'apprentissage des méthodes d'acquisition : ce nouvel éclairage implique une pédagogie moins autoritaire, des méthodes de contrôle plus souples (qui soient moins un aboutissement qu'un point de départ) et un soutien aux initiatives personnelles.

– Économique : le décrochage de l'enseignement par rapport aux perspectives immédiates de l'emploi permet de concilier formation professionnelle et formation générale selon les principes d'un humanisme scientifique. Cette orientation implique à la fois l'étude de la technologie et l'éducation de la créativité, ce qui suppose le développement des qualités affectives de l'individu comme de ses qualités sociales.

– Scientifique : la révolution scientifique et technologique, qui appelle l'éducation permanente, la rend aussi possible. Les découvertes de la biologie et de la psychologie, qui font apparaître notamment les mécanismes de la connaissance aux divers âges, les progrès de la pédagogie, qui multiplie les formes de l'apprentissage, l'apport des différentes sciences humaines, qui étudient les faits de culture, enfin la prolifération des moyens de communication, qui permettent d'échapper au cadre étroit de l'école, vont dans le sens de la formation continue et, au-delà, d'une cité éducative dans laquelle tout concourt à l'éducation des hommes. Il va de soi que la formation et le statut des enseignants seraient alors profondément modifiés.

Internationale

Ces diverses perspectives donnent lieu à un certain nombre de recommandations précises, assorties d'exemples empruntés à plusieurs pays. Enfin, les voies et moyens de ces réformes sont suggérés par la commission. Parmi les solutions proposées, il en est une qui prend une valeur symbolique : certains membres de la commission, sensibles aux exigences de la solidarité internationale, envisagent la création d'un programme international pour les innovations éducatives, c'est-à-dire d'un organisme rattaché à une institution internationale – par exemple, l'UNESCO – qui aurait pour mission, d'une part, de mobiliser des ressources de provenances diverses en faveur d'objectifs déterminés, d'autre part d'assister les pays qui le demanderont pour des activités spécifiques.

Deux observations donnent à cette suggestion une signification particulière : la référence au Programme alimentaire mondial, donné pour exemple, montre qu'aux nourritures matérielles doivent désormais s'ajouter des nourritures plus spirituelles ; l'idée d'affecter à ce programme des économies budgétaires correspondant à un pourcentage déterminé des crédits militaires révèle la volonté – ou le vœu – de substituer aux armes les outils de la paix.

Liberté pédagogique

La Commission des sages, présidée par Louis Joxe, avait pour mission d'étudier le malaise des enseignants du second degré (Journal de l'année 1971-1972). Dans son rapport remis à la fin juin 1972, elle estime que « c'est la relation pédagogique la plus intime, le rapport du maître aux élèves, qui a subi le changement le plus décisif, et qui est en passe de connaître la mutation la plus délicate ». Elle constate en outre que l'institution scolaire, « avec le cloisonnement des spécialités, l'initiative limitée des établissements, l'absence de concertation instituée entre les maîtres », est particulièrement impropre à répondre à cette « crise de l'acte pédagogique ».