Il est impossible de prévoir comment pourra évoluer la situation dans les prochaines années ; mais il est clair que le monde n'a plus, aujourd'hui, de système monétaire stable. C'est encore plus évident depuis que de nombreuses monnaies se sont mises à flotter. L'absence de parité fixe entre les monnaies constitue la principale menace qui pèse sur la vie économique internationale.

Négociations

Aujourd'hui les échanges extérieurs constituent un des principaux soutiens de l'activité économique de chaque pays. C'est ainsi que les exportations de produits industriels, calculées en pourcentage de la production de ces produits dans chaque économie, ont atteint 25 % en France (contre 22 % en 1960), 38 % au Japon et en Allemagne, 46 % en Italie, 48 % en Grande-Bretagne, 62 % en Suède et 75 % aux Pays-Bas. Or, lorsque les taux de change ne sont plus fixes, l'entreprise qui achète à l'étranger ne sait pas d'avance quel prix elle va payer ; et celle qui vend à l'extérieur ne sait pas davantage quel profit elle peut espérer.

Pour l'instant, aucune catastrophe ne s'est encore produite : le commerce international vit sur la vitesse acquise, et les relations restent assez stables à l'intérieur de grands ensembles comme le Marché commun. Pour combien de temps ? Nul ne sait si, à l'occasion de nouvelles secousses, les monnaies européennes pourront continuer de se tenir ensemble. Déjà la livre sterling et la lire italienne font bande à part, et le mark a bien failli être contraint d'en faire autant (bien qu'en sens inverse, au début de l'été 1973).

La grande négociation commerciale souhaitée par les Américains pour l'automne 1973 est évidemment hypothéquée par cette inconnue monétaire. Les Européens refusent de faire des concessions commerciales aux Américains tant que ceux-ci n'auront pas accepté une plus grande discipline pour le dollar. Ils réclament donc une réforme du système monétaire comme préalable à la négociation commerciale. Les Américains, de leur côté, font monter les enchères en disant que tout cela s'inscrit dans une révision des relations politico-économiques entre les États-Unis, l'Europe et le Japon. Ils laissent entendre que l'aide militaire qu'ils apportent à l'Europe pour sa défense doit avoir des contreparties commerciales. La rencontre Nixon-Pompidou du 1er juin 1973 en Islande n'a pas tranché ce débat. Le point d'équilibre entre les exigences des uns et des autres n'est manifestement pas encore atteint. Il faut souhaiter qu'il le soit avant que la crise monétaire ne dégénère en crise économique, c'est-à-dire avant qu'au tumulte des monnaies s'ajoute celui des hommes.