Comme partout, le chômage est particulièrement important chez les jeunes. Ainsi, les chiffres des allocataires de l'ASSEDIC font apparaître un gonflement très sensible du nombre de jeunes chômeurs : en février 1971, l'ASSEDIC Languedoc-Roussillon versait ses allocations à 1 792 sans-emploi de moins de 29 ans ; douze mois plus tard, à 2 683.

Ce chômage des jeunes est d'autant plus accusé que le Languedoc-Roussillon est l'une des régions les plus scolarisées de France. Peu d'emplois étant disponibles, les parents prolongent le plus longtemps possible les études de leurs enfants. Munis du baccalauréat ou d'un autre diplôme, les jeunes ne trouvent pas de travail sur place et s'expatrient. « On a plus de chance, quand on est jeune, de trouver un emploi si l'on est simple manœuvre », constate Max Fraisse, secrétaire régional de la CFDT. La masse des demandeurs se porte vers les emplois tertiaires : la caisse d'assurance maladie de la Sécurité sociale du Gard, qui voulait recruter 44 employés, a vu affluer 770 candidatures ; par contre, il faut faire appel à la main-d'œuvre étrangère — algérienne et espagnole surtout — pour assurer une partie du travail dans le bâtiment, le vignoble et les forêts.

Petites entreprises vétustes

Raison structurelle de la situation de l'emploi en Languedoc-Roussillon : la sous-industrialisation. La région compte peu de grandes industries, mais dénombre au contraire une nuée de petites entreprises souvent vétustes. 7 entreprises sur 10 emploient entre 1 et 5 salariés. En dehors du bâtiment et des travaux publics, l'industrie n'occupe que 31 % des salariés du secteur privé. Le bâtiment reste le secteur le plus important — 24 % des salariés —, mais son activité a tendance à fléchir. Ainsi, dans les Pyrénées-Orientales, le nombre des chômeurs est passé dans ce secteur de 54 en 1969 à 450 en 1972. Dans le même département, on comptait, en mars 1972, 4 000 appartements à vendre.

Montpellier, la capitale régionale, ville universitaire et administrative, demeure relativement privilégiée : IBM y a créé, directement ou indirectement, 4 000 emplois. Partout ailleurs les poches de chômage sont nombreuses. Alès et son bassin minier sont en quête d'une reconversion. À Ganges et Le Vigan, l'industrie textile cévenole s'est effondrée : on y compte un chômeur pour trois salariés. À Sète, abandonnée en juillet 1972 par Ugine-Kuhlmann, le nombre des chômeurs approche le millier. C'est le résultat de la chute du trafic avec l'Afrique du Nord et aussi de la marche à la productivité entreprise par les unités de la Mobil Oil et des Ciments Lafarge. De leur côté, Carcassonne et Narbonne cherchent vainement à échapper aux conséquences de la crise viticole. Durement atteinte il y a presque dix ans par la chute des usines métallurgiques Fouga, Béziers attend de l'achèvement de l'autoroute Orange-Narbonne l'amorce d'une expansion qui donnerait du travail à ses 2 000 chômeurs.

Notables et syndicats réagissent avec leurs armes respectives. À l'initiative de la CGT, à Sète et dans les Cévennes se sont constitués, autour des syndicats, des élus locaux et des commerçants, des comités de défense de l'emploi. À la veille du référendum sur l'Europe, l'opération villes mortes a paralysé le bassin minier des Cévennes. La CFDT a des réactions plus vives. À Ganges, quelques-uns de ses militants avaient projeté, la veille de Noël, de séquestrer le député UDR du Vigan, Pierre Jalu. Une fraction de la CFDT tend aujourd'hui à faire siennes les thèses occitanes du Pr Robert Lafon, qui voit dans la situation difficile de la région les conséquences d'un système colonial.

Élus et syndicats reprochent aux pouvoirs publics de n'avoir rien prévu dans le VIe Plan en faveur de l'industrialisation. En 1971, l'effort officiel le plus marqué a été fait en faveur de la reconversion d'Alès. Georges Schapiro, commissaire à la reconversion, y a obtenu quelques succès avec les implantations de Crouzet, Merlin-Gérin et celle, prévue pour 1974, de la SNR (Société nouvelle de roulement), une filiale de Renault. Ces résultats sont insuffisants car, en 1975, la mine (qui emploie encore 5 000 salariés) aura définitivement fermé. De son côté, le Commissariat à l'énergie atomique a suscité la création de l'ADIVAR (Association pour le développement industriel de la vallée du Rhône), dont le but est de pallier, par des créations d'emplois, la diminution progressive des effectifs des usines nucléaires de Marcoule (Gard) et de Pierrelatte (Drôme).

Un petit « Fos »

Au Languedoc-Roussillon manque en fait une mentalité industrielle. À moyen terme, nombreux sont les responsables qui comptent sur les retombées de Fos, mais il serait étonnant qu'elles se fassent sentir au-delà de Sète. D'où l'idée, parfois agitée, de créer près de Narbonne, à Port-la-Nouvelle, un petit Fos pour l'ouest déprimé de la région.

Le Roussillon « catalan »

L'industrialisation du Roussillon se fera de Barcelone : c'est une certitude, lourde de conséquences économiques et politiques.