Mais l'itinéraire qui relie ces deux élections n'a pas été parcouru sans détour. Et chaque étape a été incertaine, même si, après coup, la logique politique semble avoir inspiré les principaux acteurs. Ils ont en fait lancé une série de paris.

Marasme

Lorsque la session parlementaire est suspendue au début d'août 1971, les termes d'incertitude, de désarroi sont les plus fréquemment utilisés au Parlement et dans la presse. Le test de juin renforce la démocratie chrétienne dans sa résolution de procéder à un réexamen profond de la politique de centre gauche : c'est la peur des réformes sociales, en effet, jointe aux inquiétudes sur le maintien de l'ordre public, qui semble avoir incité une partie des classes moyennes méridionales à reporter leurs votes vers l'extrême droite. Mais, pour la DC, qui jouit de la majorité relative, il s'agit moins de transformer des orientations fondamentales du programme de gouvernement que de préserver les assises de son pouvoir.

Le président du Conseil, Emilio Colombo, est le seul à demeurer impavide dans cette conjoncture. Avant de partir en vacances, il met le pays en garde contre l'excès de pessimisme, mais aussi contre les multiples motifs de ralentissement de la production. Il se félicite de ses rencontres avec les centrales syndicales et leur donne rendez-vous à la rentrée pour la poursuite des entretiens sur l'élaboration de la politique de réformes. La nouvelle loi sur le logement ainsi que la réforme fiscale sont approuvées par la Chambre et doivent retourner devant le Sénat. Pourtant, ce qu'il y a de positif dans l'action gouvernementale disparaît dans le climat de marasme et de combinaisons tactiques.

À la fin de septembre, le Conseil national de la démocratie chrétienne tient une session de six jours pour définir la ligne du parti et dégager une majorité interne. La politique de centre gauche en sort confirmée, du bout des lèvres. Car, avant de la relancer ou de l'abandonner, deux échéances doivent intervenir.

Divorce

La première s'exprime par le référendum abrogatif de la loi sur le divorce. Les formalités de vérification de sa constitutionnalité ne font pas de doute. On l'attend pour le printemps 1972, si d'ici là rien n'intervient pour le rendre sans objet. Deux moyens seulement permettraient l'un de l'annuler, l'autre de le reporter.

Le premier résulterait de l'adoption d'une nouvelle loi, amendant le texte soumis à référendum et le rendant caduc. Les partis laïcs s'emploient à l'élaborer en octobre, négociant en sous-main les modifications acceptables par la démocratie chrétienne.

Le second découlerait d'une consultation électorale anticipée, qui renvoie automatiquement d'un an le référendum. Il n'est pas envisagé, du moins ouvertement. Aucun des grands partis ne milite avec ferveur pour le référendum.

Mais le temps passe et les conversations n'aboutissent pas. Novembre arrive : le projet de loi dessiné par les partis laïcs est déposé à la Chambre, sans que la DC ait donné son accord. Il est trop tard en tout cas pour s'entendre avant les élections à la présidence de la République.

Élections présidentielles

Fixées au 9 décembre, celles-ci, loin de marquer une trêve, constituent une phase majeure de la recherche des nouveaux équilibres. La démocratie chrétienne, en effet, y présente Amintore Fanfani, président du Sénat, qui incarne une majorité de centre, rassurante pour l'électorat modéré. Il lui faudrait 505 voix sur 1 008 grands électeurs. Il se maintient jusqu'au onzième tour de scrutin, le 15 décembre, et fait le plein avec 393 bulletins.

Contrairement aux précédentes élections du chef de l'État, les communistes, en effet, se sont refusés à apporter leurs suffrages au candidat soutenu par la démocratie chrétienne. Ils participent au bloc des gauches, qui vote sans défection jusqu'au 21e tour pour Francesco De Martino, président du parti socialiste, dont le paquet de bulletins oscille autour de 400.

L'affrontement se résout le 24 décembre, au 23e tour, par l'élection de Giovanni Leone, ancien président du Sénat, juriste, originaire de Naples, chef des cabinets de transition des étés 1963 et 1968. Les partis de gauche ne lui contestent pas le prestige ni la dignité simple de sa personnalité, mais leur ralliement massif à la dernière heure est exclu. Au-delà des élections présidentielles, le processus de reclassement des forces politiques est trop engagé pour être renversé.