Journal de l'année Édition 1972 1972Éd. 1972

Si bien que dans l'ensemble, et par comparaison à ce qui s'est passé à l'étranger, l'année 1971 n'apparaît pas mauvaise pour l'économie française.

Ainsi, pour l'ensemble des pays du Marché commun, la croissance de la production est passée de 5,6 % en 1970 à 3,4 % en 1971, alors qu'en France elle a gardé approximativement le même rythme de croissance, légèrement supérieur à 5 %. Du côté des prix, la hausse n'a pas été moins vive à l'étranger que chez nous, ce qui nous a permis de conserver notre compétitivité sur les marchés extérieurs.

L'année 1972 s'est donc ouverte sur ces perspectives : comment tirer profit de l'accord intervenu en décembre sur les monnaies, pour consolider l'expansion sans relancer l'inflation. Dès le mois d'octobre 1971, le gouvernement avait obtenu du patronat l'engagement de ne pas accroître les prix des produits industriels de plus de 1,5 % en six mois. Les négociations de salaires dans le secteur nationalisé se faisaient à des taux légèrement inférieurs à ceux de l'année précédente, mais avec des garanties plus précises en cas d'accélération de la hausse des prix. Se croyant ainsi mieux protégé contre l'inflation, le gouvernement prend, dès janvier 1972, des mesures pour s'assurer que la production ne baissera pas de rythme : le taux d'escompte est ramené à 6 % ; l'État accélère la passation de ses propres commandes et il aménage la TVA en vue de favoriser certaines industries. Peu après il abaisse les taux d'intérêt (il est vrai élevés) afin d'inciter les firmes à emprunter pour investir.

La grande inquiétude des pouvoirs publics est alors le chômage. La situation de l'emploi s'est dégradée régulièrement tout au long de 1971 : à la fin de l'année, le nombre des demandes d'emploi non satisfaites s'élève à 373 000 contre 310 000 douze mois plus tôt. Soit une progression de 20 %.

Chômage

Étant donné que le niveau de l'activité reste relativement élevé, cette aggravation du chômage est préoccupante. Elle s'explique, pour une part, par l'amélioration des instruments pour détecter les chômeurs. La mise en place, dans les différentes régions de France, d'agences pour l'emploi permet de mieux recenser les demandes et cela se traduit dans les chiffres. En outre, les entreprises qui avaient fait de gros investissements en 1969 et en 1970 les avait réalisés en vue d'économiser de la main-d'œuvre, la hausse des salaires s'étant accélérée.

Enfin, le nombre de jeunes qui se présentent sur le marché de l'emploi est plus élevé aujourd'hui qu'il y a dix ans.

Dans le même temps, la conjoncture économique s'améliore et l'on enregistre au premier trimestre 1972 une forte poussée de la consommation, qui sera corrigée, il est vrai, par une moindre progression au cours du deuxième trimestre. Le gouvernement ne veut pas être pris au dépourvu et, au mois de mai, il annonce de nouvelles mesures destinées à soutenir l'activité économique : baisse des taux d'intérêt du Crédit national pour favoriser les investissements, crédits supplémentaires pour le téléphone, les routes et le logement.

Hausse des prix

Malheureusement, cela ne s'accompagne d'aucune amélioration sur le front de l'inflation. Au début du printemps, le gouvernement assouplit la réglementation des prix en vigueur, ainsi qu'il l'avait promis au patronat. En particulier, il rend la liberté à toutes les petites entreprises. Mais, comme cela se produit au moment où la situation des marchés agricoles n'est pas favorable et où l'on enregistre de fortes poussées sur le prix de la viande, le coût de la vie continue de galoper à un rythme annuel de 6 %. De ce fait, il n'y a rien d'étonnant à ce que les salaires progressent aussi vite que dans le passé, c'est-à-dire à un rythme annuel supérieur à 10 %. La masse monétaire se gonfle et le gouvernement doit, au mois de juin, resserrer quelque peu le crédit en relevant le taux des réserves obligatoires que les banques doivent geler à la Banque de France.

La France se console en observant que la hausse des prix reste vive à ses frontières, en particulier en Allemagne et surtout en Grande-Bretagne. L'alerte monétaire du mois de juin sur la livre sterling fait cependant peser une menace sur l'économie française. La dévaluation de la livre sterling et, éventuellement, celle de la lire italienne, placeraient en effet la France dans une situation délicate si la hausse des prix à l'intérieur n'était pas ralentie. Les échéances électorales prévues pour mars 1973 excluent des politiques de grande austérité dans l'immédiat.