Vers le 20 octobre, l'Inde mobilise ses réservistes tandis qu'Indira Gandhi s'envole, le 24 octobre 1971, vers l'Europe et les États-Unis pour une tournée des grandes capitales qui se prolongera durant trois semaines. Il s'agit d'expliquer la position indienne aux Occidentaux et surtout de gagner du temps jusqu'à l'hiver.

La guerre larvée

Pendant que New Delhi et Islamabad posent leurs pièces sur l'échiquier diplomatique, sur le terrain, depuis avril 1971, au Bengale Occidental, à côté des camps de réfugiés, s'ouvrent des centres distincts pour les Mukti Bahinis qui traversent la frontière ; 50 camps accueillent bientôt 50 000 partisans, armés par les Indiens.

L'engrenage

Pendant la mousson, deuxième phase de cette guerre larvée, l'engagement de l'Inde va grandissant (intervention de conseillers aux côtés des Mukti Bahinis). Quand les pièces d'artillerie et les blindés traversent la frontière, les incidents cèdent la place à une guerre entre deux armées de métier. C'est la troisième phase : la guerre préventive, qui dure de septembre à la guerre ouverte du 3 décembre 1971.

Du nord-est (Sylhet) au sud-ouest (Jessore), les villages de part et d'autre de la frontière sont soumis, dès la fin juin, à des tirs incessants de mortiers. « Les forces armées indiennes sont prêtes à agir », déclare, le 12 juillet 1971, le ministre de la Défense, J. Ram. Les 20 et 26 juillet, l'artillerie indienne bombarde la ville de Comilla, dont les voies d'accès sont coupées (31 juillet) par les Mukti Bahinis qui s'enhardissent. Ils viennent justement de priver Dacca de gaz et d'électricité. En août, ils coulent plusieurs navires, dont un de 900 tonnes.

La tension monte. « Nous sommes très près d'une guerre avec l'Inde », déclare Yahya khan à deux reprises durant la dernière semaine de juillet. Un slogan naît dans les clubs militaires, qui fleurit rapidement sur les murs des villes et des villages du Pakistan Occidental : Crush India (« Écraser l'Inde »). U Thant propose à Delhi et à Islamabad l'envoi de fonctionnaires des Nations unies. L'Inde refuse et met ses troupes en état d'alerte à l'est.

L'affrontement

Avec la fin de la mousson, riche en tractations diplomatiques, l'Inde augmente sa pression militaire. Elle a pris une décision qui comptera beaucoup trois mois plus tard : l'interdiction de son ciel aux avions pakistanais. Le 13 septembre, plus de mille hommes attaquent dans la région de Rajshahi. En octobre, à la suite d'une percée indienne dans le district de Dinajpur, S. Islam, le premier administrateur civil du Bangla Desh, s'installe dans une zone libérée de 8 km2. Les troupes indiennes encerclent complètement le Bengale.

La première grande bataille a lieu dans le district de Comilla, le 22 octobre 1971. Les Pakistanais bombardent Agartala et enlèvent 62 postes frontières indiens. Malgré une violente contre-attaque où les Mukti Bahinis engagent l'équivalent de 2 bataillons, Indiens et Bengalis se retirent en laissant au moins 500 morts derrière eux.

Sur le front occidental, la ligne de cessez-le-feu est violée 180 fois entre le 1er et le 6 novembre. Le général en chef pakistanais A. Hamid masse 12 divisions du Sind au Cachemire, persuadé que c'est dans ce secteur traditionnel d'affrontement entre les deux pays que se jouera le sort des hostilités. L'état-major indien se garde de le détromper et répartit 14 divisions en face. L'obsession du Cachemire cache aux Pakistanais la situation toute nouvelle d'un conflit ouvert au Bengale Oriental, à 2 000 km de leurs bases.

Trois bataillons indiens passent la frontière du Bengale Oriental entre Hilli et Balurghat, au sud de Dinajpur, au moment même où Indira Gandhi termine sa visite en France, le 10 novembre 1971. Cet événement marque la fin de la guerre larvée qui durait depuis sept mois et demi. La guerre préventive lui succède ; elle durera vingt-trois jours.

Le 11 novembre, les Indiens franchissent la frontière à Majdia, au nord de Jessore. Dans ce secteur, comme à Hilli ou Sylhet, les combats sont d'une rare violence. Dans la dernière semaine de novembre, 2 000 Indiens seront tués et 4 000 blessés, selon les Pakistanais, guère moins épargnés.

L'encerclement

Au Pakistan Oriental, 10 divisions indiennes (quelque 130 000 hommes) épaulées par 50 000 à 100 000 Mukti Bahinis sont engagées face à 40 000 Pakistanais. L'offensive générale indienne s'oriente dans 4 directions : Jessore (S/O), Dinajpur-Rangpur (N/O), Mymensingh-Sylhet (N/E), Comilla-Chittagong (S-S/E). Le Pakistan rappelle ses réservistes et décrète l'état d'urgence après avoir proposé à l'Inde la réconciliation. Indira Gandhi répond : « Négociez avec les représentants du Bangla Desh. » On a désormais atteint le point de non-retour, constate Yahya khan.