Les tensions politiques sont les plus spectaculaires, projetant fréquemment certains problèmes juifs au premier plan de l'actualité. Elles sont, généralement, la conséquence directe ou indirecte du conflit israélo-arabe, qui a pour effet de rendre délicate, voire critique, la position des communautés juives dans de nombreux pays arabes, ainsi qu'en URSS. Liées à l'attitude politique que certains pays occidentaux, notamment la France, ont adoptée à l'égard d'Israël, elles donnent lieu à d'innombrables incidents.

L'accueil houleux fait par les juifs américains au président Pompidou défraie la chronique. L'interprétation du jugement que le président de la République française aurait porté sur les rapports d'Israël et de la Diaspora alimente les polémiques.

Mais c'est autour du problème des juifs d'URSS (v. rubrique URSS) que l'émotion se cristallise, tout au long de l'année, dans le monde entier. Un nombre croissant d'entre eux affirment leur volonté de rester fidèle au judaïsme, et, dans de nombreux cas, leur désir d'émigrer en Israël. Cette attitude entraîne d'abord un durcissement de la politique soviétique.

Le procès de Leningrad

Les juifs d'URSS sont soumis à une vague d'accusations, d'arrestations et de procès, qui connaît son comble avec le procès de Leningrad (15 décembre 1970). Des condamnations à mort sont prononcées, mais elles doivent être rapportées sous la pression de l'opinion publique internationale. Ce retour en arrière marque, dès le début de l'année 1971, une certaine détente en URSS et une recrudescence de manifestations juives dans le pays même.

Fait sans précédent : des groupes de candidats à l'émigration vont jusqu'à porter des pétitions au ministre de l'Intérieur, qui consent à les recevoir. Certaines émigrations sont autorisées. Cette affirmation courageuse, publique et spectaculaire des juifs d'URSS constitue un important tournant de leur histoire et, sans conteste, le fait le plus significatif et probablement le plus lourd de conséquences de l'année juive. Au demeurant, l'action en faveur des juifs d'URSS apparaît de plus en plus comme un des dénominateurs communs des juifs de la Diaspora. Elle suscite des manifestations extrémistes, tel l'antisoviétisme actif et violent de la ligue juive du rabbin américain Kahane, et une importante conférence à Bruxelles, le 23 février 1971.

La liquidation des communautés juives du Proche-Orient se poursuit. Les dernières familles juives d'Égypte — à l'exception de quelques individualités — ont pu quitter le pays grâce à l'action du gouvernement français. Les juifs d'Irak restent sous le coup de graves menaces.

D'une manière inattendue, une autre communauté commence d'émigrer vers Israël : les juifs du Chili, auxquels le nouveau régime du président Allende n'inspire guère confiance.

À l'intérieur du judaïsme mondial, les problèmes de l'état civil israélien, soumis à la législation religieuse, provoquent une crise grave. En effet, en cas de mariage mixte, l'enfant reçoit automatiquement la religion de la mère. Ainsi, si un juif israélien épouse une non-juive, l'enfant n'est pas considéré comme juif.

Qui est juif ?

Le problème est rendu d'autant plus complexe que la loi israélienne distingue entre la citoyenneté israélienne (elle peut s'appliquer à des chrétiens et des Arabes) et la nationalité, Jusqu'à présent identifiée avec la religion. La carte d'identité israélienne comporte donc une double mention : citoyenneté et nationalité. Pour la majorité des habitants, la citoyenneté est israélienne et la nationalité juive.

Le refus des tribunaux rabbiniques d'enregistrer comme juif un enfant dont la mère ne l'est pas crée donc un vide juridique et social. À la suite d'une plainte déposée par un officier israélien — l'affaire Chalit —, la Cour suprême d'Israël décide de reconnaître à ses enfants la qualité de juifs, créant ainsi une situation nouvelle et ouvrant les portes à un schisme : on pourrait être de nationalité juive sans être de religion juive.

D'une manière générale, la législation familiale — conversions, divorces, mariages civils — oppose en un conflit quasi permanent les autorités religieuses orthodoxes, seules reconnues en Israël, et le judaïsme réformé américain, très libéral (on y a confié cette année des fonctions rabbiniques à une femme), qui cherche à s'implanter en Israël.