Chrétiens et socialistes, pour la première fois coalisés, définissent une politique nouvelle. Elle fait peu de cas des dogmes hérités de l'ère précédente et du vieux chancelier Adenauer, qui a disparu le 19 avril 1967.

À ces incertitudes politiques, à ces difficultés économiques, et à cause d'elles, sans doute, s'ajoute la poussée de nationalisme qu'expriment les gains électoraux non négligeables du petit parti d'extrême droite, le NPD.

Le fond du problème réside, de toute évidence, dans l'insécurité économique croissante. La lecture des bulletins de santé de l'économie rappelle de mauvais souvenirs à la population et aux partis politiques. Le taux de croissance des investissements est tombé de 16,8 % en 1964 à 0,6 % en 1966. Celui de la production industrielle, de 8,5 % à 1,7 %. En même temps, le coût de la vie a augmenté de 13 % entre 1962 et 1966, sans augmentation correspondante des revenus et des salaires. Le chômage, enfin, s'est accentué à partir d'octobre 1966, pour dépasser 300 000 chômeurs en 1967.

La mission historique

Ces difficultés économiques sont aggravées par la politique malhabile du gouvernement Erhard. Agissant en porte à faux avec la Banque fédérale, qui avait porté le taux de l'escompte à 5 % pour juguler l'inflation, le gouvernement du chancelier Erhard multiplie les dépenses fédérales, encourageant les Länder et les communes à le suivre dans cette voie.

Il déposa, trop tard, en septembre 1966, des projets de lois de stabilisation économique qui donnaient à l'État les moyens d'une politique financière, élargissaient les compétences de la Banque fédérale et permettaient une planification concertée de la Fédération et des Länder. Mais l'opposition sociale-démocrate lui coupe toujours la route en proposant chaque fois davantage, demandant notamment l'institution d'une comptabilité économique nationale.

L'opposition parlementaire n'est d'ailleurs pas seule à critiquer le sauve-qui-peut du gouvernement Erhard. Les amis politiques du chancelier font chorus contre lui. Il y a des éclats. Imperturbable jusqu'à la fin, Erhard est convaincu de sa mission historique.

Les élections du Land de Rhénanie-du-Nord - Westphalie, centre nerveux de l'économie ouest-allemande et réservoir contenant plus du tiers de la population fédérale, placent le SPD en tête devant la CDU, qui avait jusqu'alors gouverné.

Le scandale des Starfighter aggrave encore la tension. Le ministre de la Défense von Hassel, outre quelques scandales de corruption hérités de son prédécesseur Franz-Josef Strauss, doit accepter la démission des chefs de l'armée : celle de l'inspecteur général de la Bundeswehr, Trettner, qui voulait voir, au ministère, des secrétaires d'État militaires ; et celle de l'inspecteur des forces aériennes, Panitzki.

En guise d'austérité

L'incapacité du chancelier d'équilibrer le budget est la goutte qui fait déborder le vase. Erhard avait promis en 1961 au gouvernement américain d'acheter pour 2,7 milliards de mark de matériel militaire. Or, voilà qu'il fait face à un trou de 1,8 milliard dans les caisses fédérales.

Il a négligé d'assortir de conditions ses promesses, contrairement à Adenauer, qui ne payait, lui, que lorsque le budget le permettait. L'inflexibilité du président Johnson n'arrange pas la situation d'Erhard.

Le budget est alors confectionné avec des ficelles grosses à en être visibles. En guise d'austérité, on augmente le budget 1967 de 5 milliards de mark, pour que les lobbies se tiennent tranquilles. Début octobre, on gratte encore les fonds de tiroirs à la recherche de 7 milliards de mark.

La situation se complique du différend entre la CDU et le FDP, jusqu'alors son associé. La CDU réclame des augmentations d'impôts, que le FDP refuse, proposant, en revanche, de rogner l'aide aux pays en voie de développement, le budget militaire et le budget social. Les ministres FDP quittent la coalition.

En séance de groupe

La cabale contre Erhard se fit virulente, agitée en sous-main par Gerstenmaier, président du Bundestag, par le Bavarois Franz-Josef Strauss et par Adenauer lui-même. Le chancelier s'incline au cours d'une séance du groupe chrétien-démocrate du Bundestag.