Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

marée (suite)

Comme la houle, l’onde-marée possède l’énergie potentielle nécessaire pour déformer la surface de la mer et l’énergie cinétique nécessaire pour imprimer aux particules leur mouvement orbital. L’énergie totale de l’onde est considérable, mais elle se dissipe rapidement par frottement sur le fond lorsque l’onde se propage par des profondeurs relativement faibles : on attribue à ce frottement le très léger ralentissement constaté dans la vitesse de rotation de la Terre, partant, le très faible accroissement de la durée du jour.

En 1967 a été achevée, dans l’estuaire de la Rance, la première installation industrielle de captation de l’énergie des marées. L’estuaire est coupé par un barrage-usine équipé de turbo-alternateurs pouvant fonctionner dans les deux sens, suivant que le niveau aval est plus bas ou plus haut que celui du bief amont. L’électricité produite, 0,5 GWh en moyenne annuelle, est injectée dans le réseau régional d’interconnexion sous une tension de 225 kV.


Marées dans les fleuves

La marée qui règne devant une côte se propage dans les fleuves sous la forme d’une onde dérivée progressant vers l’amont avec une périodicité identique à celle de l’onde génératrice, mais la dissipation d’énergie réduit peu à peu l’amplitude de l’onde, et la marée finit par ne plus se faire sentir, c’est la limite de la partie maritime du fleuve (160 km pour la Gironde et la Dordogne, plus de 1 000 km pour l’Amazone). Dans l’estuaire et plus encore dans le fleuve, la montée du niveau en un point est nettement plus brève que la baissée ; il peut même arriver que la montée soit à peu près instantanée, c’est le phénomène du mascaret, lame brisante barrant tout le lit du fleuve et remontant rapidement vers l’amont.


Les marées des parties solides


Marées terrestres

Sous l’action de la force génératrice des marées, le globe terrestre, qui possède une certaine élasticité, éprouve une déformation statique pouvant atteindre au plus un mètre d’amplitude ; il est donc allongé de quelques décimètres en direction de la Lune et à l’opposé, ce double allongement étant moindre pour le Soleil. Constamment variable en un point donné, cette déformation constitue la marée terrestre ; sa hauteur n’est pas mesurable, faute de repères fixes.

La marée terrestre se manifeste indirectement par quelques phénomènes dont bien peu sont immédiatement accessibles, comme les variations du niveau dans certaines mines inondées ; d’autres, plus fins, variation des latitudes, marées océaniques à longue période, variation de la tension d’un fil tendu entre deux repères, permettent une première approche. Les mesures les plus précises concernent d’une part l’intensité de la pesanteur, qui éprouve une marée gravimétrique étudiée à l’aide de gravimètres spéciaux, d’autre part la direction de la pesanteur, qui subit une marée clinométrique observée au moyen de pendules horizontaux très sensibles ; les premières mesures montrent que l’amplitude théorique est multipliée par 1,2, les secondes peuvent fournir des indications sur la constitution de la croûte terrestre.


Marées de la Lune

La Terre exerce sur la Lune une action génératrice de marées 35 fois plus forte que celle qu’elle subit de la part de son satellite. L’action du Soleil sur la Lune est négligeable à côté de celle de la Terre. Ne sachant à peu près rien de l’élasticité du globe lunaire, on ne peut évaluer l’ampleur de la déformation engendrée par la Terre. Comme la Lune tourne toujours la même face vers la Terre, il est vraisemblable que cette marée allonge légèrement cette face et aussi la face cachée, avec de faibles variations dues à l’ellipticité de l’orbite lunaire et au phénomène de la libration.

A. G.

➙ Ondes océaniques.

 P. J. Melchior, les Marées terrestres (Impr. Louis, Ixelles, 1955). / J. Rouch, les Marées (Payot, 1961). / R. Gibrat, l’Énergie des marées (P. U. F., 1966).


La zone des marées

La zone des marées, ou plus exactement la zone de battement des marées — on dit aussi estran ou zone intertidale —, est la portion de côte comprise entre hautes et basses mers.

Son étendue dépend essentiellement de deux facteurs : l’amplitude des marées et la morphologie littorale.


L’amplitude des marées

Elle varie dans l’espace et le temps.

• Dans l’espace. Il existe des mers à faibles marées (exemple : côtes françaises de Méditerranée), où cette amplitude atteint au plus quelques dizaines de centimètres, des mers à fortes marées (exemple : côtes françaises de la baie de Saint-Malo), où cette amplitude dépasse régulièrement 10 m.

• Dans le temps. Le coefficient et par conséquent l’amplitude des marées suivent les phases de la Lune avec de faibles dénivellations au moment des premier et dernier quartiers (mortes-eaux), de fortes dénivellations au moment des nouvelle et pleine lunes (grandes marées ou vives-eaux). Les différences d’amplitude entre mortes-eaux et grandes marées sont fortement tranchées. Toujours à Saint-Malo, le marnage (écart de niveau entre haute et basse mer) est réduit à trois mètres en période de mortes-eaux ; il en atteint treize en période de très grandes marées. Il en résulte, pour les points situés dans l’intervalle, des alternances d’émersion et d’immersion variables d’un jour à l’autre.


La morphologie littorale

Elle intervient à grande échelle géographique par son découpage (la forme de certains bassins, celui de la Manche occidentale par exemple, amplifie le phénomène de la marée), à faible échelle géographique par sa pente. Une côte à pic donne lieu à un estran réduit, une côte basse à un estran étendu.

La combinaison des deux facteurs « amplitude des marées × morphologie littorale » conduit à un certain nombre incalculable de variantes qui s’inscrivent entre les extrêmes suivants :
— amplitude négligeable × falaise verticale = estran pratiquement nul ; les phénomènes de marée sont largement couverts par les phénomènes de seiche et/ou de ressac ;
— amplitude considérable × côte plate = estran très étendu ; c’est là que la zone de battement des marées offre ses formes les plus classiques, notamment la plage.