Lincoln (Abraham) (suite)
La conduite de la guerre
Dans la conduite de la guerre, Lincoln se porte vite à la hauteur de sa tâche. Les chefs militaires du Nord manquent d’imagination et d’énergie : le général Winfield Scott a beaucoup vieilli ; le général George Brinton McClellan mène une guerre livresque ; ses successeurs sont timorés. Aussi Lincoln impose-t-il sa stratégie. Les combats se dérouleront sur deux fronts : en Virginie, les armées de l’Union tenteront de prendre Richmond, la capitale des rebelles ; à l’ouest, elles s’efforceront de remonter le Tennessee pour couper en deux la Confédération. Partout, elles l’emporteront sur l’adversaire moins par la qualité de l’armement et du commandement que par la quantité des effectifs envoyés au combat. Lincoln sait bien que les sudistes se battent sur leur sol, défendent sur place leurs familles et leurs biens. Seule, la guerre d’usure, dans laquelle le Nord utilisera tous ses atouts, pourra réduire la résistance des confédérés et permettre de sauver l’Union.
En 1863, Lincoln a enfin trouvé l’homme de la situation : le général Ulysses Simpson Grant, qui vient de s’illustrer à Vicksburg (4 juill.), prend le commandement en chef. Ses succès en 1864 à la Wilderness, à Spottsylvania Court House et Cold Harbor ainsi que la marche dévastatrice du général William Tecumseh Sherman à travers la Géorgie épuisent le Sud, que le blocus des côtes a coupé du monde extérieur.
Les affaires intérieures
Lincoln impose un nouveau style de gouvernement. Sur son cabinet, composé de démocrates unionistes, d’anciens whigs, de républicains modérés et radicaux, il exerce une autorité inébranlable. Chef incontesté de son parti, il réalise l’essentiel du programme (tarif protectionniste, système bancaire national, attribution gratuite de 160 acres de terres dans l’Ouest, mise en construction d’un transcontinental). Avec le Congrès, deux sources de frictions apparaissent. D’une part, les législateurs veulent contrôler la conduite de la guerre. D’autre part, ils s’efforcent d’élaborer la politique de l’après-guerre à l’égard des rebelles. En décembre 1863, le président propose une amnistie pour les sudistes qui prêteront un serment de loyauté et la reconnaissance des gouvernements d’État qui s’appuieront sur 10 p. 100 de citoyens loyaux et accepteront l’émancipation. Le Congrès est plus exigeant, et sa proposition de loi se heurte en 1864 au veto de Lincoln. À mesure que la fin des combats s’approche, l’influence des radicaux augmente, et l’amertume du Congrès à l’égard de l’extension des pouvoirs présidentiels grandit.
Professionnel de la politique, abolitionniste modéré, Lincoln n’en fut pas moins un grand homme d’État, dont les qualités s’affirmèrent d’année en année. Il disparut de la scène politique assassiné par un acteur fanatique au moment où le conflit entre le législatif et l’exécutif paraissait inévitable, où les profits tirés de la guerre allaient accélérer le développement industriel du Nord. Ses successeurs, faibles, hésitants, entourés quelquefois de personnages douteux, contribueront encore à rehausser sa forte personnalité.
A. K.
➙ Esclavage / États-Unis / Sécession (guerre de).
R. Hofstadter, The American Political Tradition and the Men who made it (New York, 1948 ; trad. fr. Bâtisseurs d’une tradition, Seghers, 1966). / B. P. Thomas, Abraham Lincoln, a Biography (New York, 1952). / A. Barker, The Civil War in America (New York, 1961 ; trad. fr. la Guerre de Sécession, Seghers, 1964).