Lancastre
En angl. Lancaster, actuel Lancashire, comté situé dans le nord-ouest de l’Angleterre, aux confins de la mer d’Irlande et de la chaîne Pennine.
Proche de la frontière du pays de Galles, le Lancastre est, dès le xiie s., l’un des trois comtés palatins d’Angleterre dont les princes ont été admis, en raison de leurs responsabilités militaires, à hériter des franchises de leurs prédécesseurs anglo-saxons. Aussi ces princes sont-ils aussi puissants que les grands vassaux du roi de France. Pour éviter que l’autorité royale en souffre, Henri III investit dès 1267 de ce comté son second fils, Edmond (1245-1296), surnommé Crouchbak (« le Bossu »), dont le pape Alexandre IV avait tenté, à partir de 1254, de faire un roi de Sicile.
Fils aîné d’Edmond, Thomas (v. 1277-1322) hérite du comté de Lancastre (1296-1322), auquel il adjoint de nombreux autres « honneurs » à la suite de son mariage avec la dernière héritière des Lacy. Cousin germain du roi Édouard II, Thomas anime l’opposition des barons, qui font assassiner, en 1312, le favori du souverain, Pierre de Gabaston (Piers Gaveston), parvenu béarnais, dont ils supportent mal les impertinences.
Au lendemain de la victoire écossaise de Bannockburn, en 1314, Thomas de Lancastre instaure à Londres un gouvernement dictatorial auquel s’oppose celui que le roi vaincu organise dans le nord du pays avec l’aide des Despenser. Médiocre et incapable, défait et fait prisonnier par le parti royal reconstitué à Boroughbridge, en mars 1322, Thomas de Lancastre est aussitôt exécuté à Pontefract.
Son frère, Henri Ier (1281-1345), lui succède aussitôt en tant que comte de Lancastre (1322-1345). Plus prudent, ce dernier participe pourtant à la révolte nationale que suscite en 1326 la tyrannie des Despenser, révolte qui entraîne l’exécution de ces derniers, l’abdication, puis l’assassinat en 1327 du roi Édouard II à l’instigation de Roger Mortimer, l’amant de la reine Isabelle. La morgue du nouveau maître du pouvoir conduit alors Henri de Lancastre à favoriser en 1330 le coup d’État du jeune Édouard III*, qui exile sa mère, fait exécuter son favori et retient pour lui-même le pouvoir. À sa mort, en 1345, son fils Henri II (v. 1300-1361) devient comte de Lancastre (1345-1361). Ce grand baron sert avec succès en Écosse, en Gascogne et en Normandie et obtient d’Édouard III en 1351 l’érection à titre viager du comté de Lancastre en duché palatin. Lieutenant du roi pour les affaires françaises, il accorde en 1354 son appui à Charles II le Mauvais. Enfin, en 1356, à la tête de quelques milliers d’hommes, il entreprend une chevauchée qui, de Bretagne, le mène en Normandie, où il espère susciter la révolte des partisans de Charles le Mauvais. Aussi n’est-il pas étonnant que sa fille Blanche de Lancastre (v. 1347-1369) puisse épouser en 1359 le troisième fils du roi d’Angleterre, Jean de Gand (1340-1399). La dot qu’elle lui apporte contribue à faire de lui l’un des plus riches propriétaires du royaume. Duc de Lancastre (1361-1399), comte de Leicester et donc, à ce titre, sénéchal héréditaire d’Angleterre, comte de Lincoln et de Derby, Jean de Gand fonde en fait la seconde dynastie de Lancastre. Aspirant déjà à une couronne, il prétend relever les droits du roi de Castille, Pierre le Cruel, dont il épouse en secondes noces la fille Constance de Castille en 1371. Jean de Lancastre est un homme de guerre courageux, mais malheureux, car incapable ; il mène à la fin de 1369 une chevauchée peu fructueuse qui, de Calais à Calais, lui fait traverser l’Artois, la Picardie et la Normandie. Un échec analogue conclut la chevauchée qu’il dirige à la fin de 1373 et en janvier 1374 de Calais à Bordeaux par l’Artois, la Champagne, le Morvan et le Massif central : aussi Jean de Lancastre accepte-t-il en janvier 1374 de signer la trêve de Périgueux avec du Guesclin. En 1378, il ne peut s’emparer de Saint-Malo.
Malgré ses échecs continentaux, Jean de Lancastre joue un rôle déterminant dans le gouvernement de l’Angleterre, où il s’est constitué depuis 1370 un puissant parti en s’appuyant sur les ordres mendiants et sur les réformateurs ecclésiastiques, tel John Wycliffe, et en profitant de la vieillesse d’Édouard III et de la maladie du prince de Galles, Édouard (le Prince Noir). Accusé de provoquer la ruine du royaume, il ne peut empêcher le « Bon Parlement » d’avril 1376 d’écarter la maîtresse du souverain, Alice Perrers, et de mettre en accusation le chambellan William Latimer et un riche marchand de Londres, Richard Lyons, également accusés de concussion. La première surprise passée, Jean de Lancastre ressaisit le pouvoir, fait annuler en janvier 1377 les actes du Bon Parlement par une nouvelle assemblée, dont le speaker appartient même à la clientèle d’hommes de guerre « retenus » à son service à titre viager moyennant une petite pension et qui comprend entre 1379 et 1383 « 202 » écuyers appauvris par la crise. Il dispose donc d’une puissante force militaire qui assure sa liberté, lorsque la mort d’Édouard III et l’avènement de Richard II, le 22 juin 1377, libèrent les forces qui lui sont hostiles : les Holland, fils du premier lit de la princesse de Galles ; la bourgeoisie londonienne, qui ne lui a pas pardonné l’affaire Latimer-Lyons ; la paysannerie enfin, qui le rend responsable de l’aggravation de la pression fiscale et qui, lors de la révolte des paysans, incendie en juin 1381 le magnifique manoir de Savoy qu’il s’est fait construire à Londres. Réfugié en Écosse, Jean de Lancastre ne regagne la capitale qu’après le succès de la répression. Entré en conflit avec son royal neveu lors de l’inutile expédition d’Écosse de 1385, le duc réussit à lui faire financer la croisade de Castille (mai 1386 - printemps 1387). En fait, il ne peut arracher la couronne royale à la maison de Trastamare et doit se contenter de fiancer en 1388 sa fille Catherine au prince héritier Henri de Castille (le futur Henri III), ce qui renforce ses positions ibériques, puisqu’il s’est allié au Portugal dès 1372 et a donné en 1385 sa fille Philippa en mariage au roi Jean Ier d’Aviz.