Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
F

Faidherbe (Louis Léon)

Général français (Lille 1818 - Paris 1889).


Si la défaite de 1870-71 fut souvent attribuée au fait que les généraux français avaient désappris l’art de la guerre en Algérie et au Mexique, Faidherbe constitue l’exception la plus incontestable à cette assertion puisqu’il servit durant vingt-cinq ans outre-mer avant de s’illustrer en 1870.

Issu d’un milieu de petits commerçants lillois et admis comme demi-boursier à Polytechnique, il fut un officier du génie assez terne au début de sa carrière. À vingt-quatre ans, toutefois, il partit pour l’Algérie et il ne fit plus que de brefs séjours en métropole, comme en 1846, où il connut à Belfort la monotonie d’une petite garnison. En 1848, il est envoyé à la Guadeloupe, où il mesurera les pénibles conséquences de la traite des Noirs, puis il revient en Algérie et manque de périr au cours d’une opération dans le Djurdjura en 1851. Il s’y était brillamment conduit, mais y avait contracté des rhumatismes dont il devait souffrir tout le reste de sa vie.

À l’automne de 1852, il débarque comme chef de bataillon à Saint-Louis du Sénégal et est nommé deux ans plus tard gouverneur de ce territoire. Le Sénégal avait été rendu à la France par l’Angleterre en 1817, et le ministère de la Marine avait, en trente-sept ans, désigné déjà trente et un officiers comme gouverneurs ! Cette instabilité avait eu pour effet de limiter l’occupation aux deux comptoirs commerciaux de Saint-Louis et de l’îlot de Gorée. L’arrière-pays restait à conquérir, et les guerres tribales étaient d’autant plus fréquentes qu’elles étaient l’occasion de razzier les hommes pour alimenter les marchés d’esclaves. Au Sénégal, Faidherbe se révéla d’emblée un grand colonisateur. Il avait étudié les langues (il parlait le ouolof comme l’arabe) et les coutumes de ses principaux adversaires et, usant tantôt des opérations, tantôt des négociations, il fit du Sénégal la base de l’immense empire français d’Afrique occidentale. Le premier, il eut l’idée de faire appel à des contingents noirs (c’est lui qui créa les tirailleurs sénégalais) pour augmenter les faibles troupes dont il disposait. Après avoir dégagé Saint-Louis en rejetant les Maures du pays Trarza au nord du fleuve Sénégal, il annexait le pays ouolof par le traité de mai 1858. Il s’attaqua ensuite aux Toucouleurs, qui avaient pour chef un musulman, El-Hadj Omar (al-Ḥādjdj ‘Umar), contre lequel il dut entreprendre une véritable campagne. Celle-ci fut illustrée par le siège du poste de Médine, fondé par Faidherbe sur le haut Sénégal à 1 000 km en amont de Saint-Louis et qui, à peine installé, fut attaqué pendant trois mois par les Toucouleurs avant d’être secouru par Faidherbe en juillet 1857. Conscient de l’importance du Sénégal comme voie d’accès vers le Soudan, Faidherbe envoya plusieurs missions en direction du Niger, comme celle du Dr Quintin et du lieutenant de vaisseau Abdon Eugène Mage (1837-1869), qui, de 1863 à 1866, reconnurent la région de Ségou. Parallèlement à cet effort de pacification, il se soucia de la formation humaine des cadres autochtones, organisant à leur intention l’école des otages (1857), et fut le véritable créateur du port de Dakar, dont la valeur économique et stratégique ne cessa ensuite de s’affirmer.

L’essentiel de sa mission était accompli quand il quitta le Sénégal en 1865. Sa santé, fortement délabrée, avait certes justifié son retour, mais surtout il ne bénéficiait plus de la faveur gouvernementale. On lui reprochait à Paris la raideur de ses correspondances et son excessive fermeté. On louait son intégrité, mais on ne pouvait ignorer la tiédeur de ses sentiments bonapartistes. Promu général à quarante-cinq ans, Faidherbe bénéficia d’un long congé puis exerça deux commandements temporaires en Algérie. Il s’y trouvait toujours en août 1870, et nul emploi ne lui fut donné en métropole.

Le 28 novembre, toutefois, il obtenait une audience de Gambetta, qui lui confiait aussitôt une armée en formation dans le nord de la France. Paris était investi, et la mission de cette armée, comme celle de l’armée de la Loire, serait de rompre l’encerclement de la capitale.

Les Allemands avaient couvert leur corps de siège au nord de Paris en tenant la coupure de la Somme, avec la valeur d’un corps d’armée. Aussi, cette ligne constitua-t-elle l’objectif de Faidherbe, qui disposa finalement de 70 000 hommes à la fin de décembre. Malheureusement, il ne pouvait guère tabler que sur les 10 000 soldats fournis par les dépôts de l’armée et par la marine. Quant aux 60 000 mobiles et gardes nationaux, il était impossible de les considérer comme des combattants, faute d’instruction, d’encadrement et de discipline. Dès lors, Faidherbe ne pouvait accepter le risque d’une bataille rangée et il dut rompre le contact au bout de quelques heures quand, par trois fois, il aborda les forces allemandes, à Pont-Noyelles, devant Amiens, le 23 décembre, aux lisières de Bapaume le 2 janvier, à Saint-Quentin le 19. Fixant l’ennemi il apporta donc une aide indirecte aux défenseurs de Paris. Mais, à Gambetta, qui lui demanda si la guerre pouvait se prolonger, il eut le courage de conseiller la conclusion d’un armistice ; sa courageuse entreprise épargna toutefois aux départements du Nord et du Pas-de-Calais l’occupation allemande.

Faidherbe survécut encore dix-huit ans, très éprouvé par la maladie. Le département du Nord en fit d’abord un député, puis un sénateur. En 1880, il fut promu grand chancelier de la Légion d’honneur et mourut après avoir réorganisé les célèbres maisons d’éducation de Saint-Denis, d’Écouen et des Loges. Outre son livre sur la Campagne de l’armée du Nord (1871), Faidherbe avait écrit de nombreux ouvrages de géographie et d’ethnographie africaines : l’Avenir du Sahara et du Soudan (1863), Épigraphie phénicienne (1873), le Zénaga des tribus sénégalaises (1877), le Sénégal (1889). Il avait été élu en 1884 membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres.

P. R.

➙ Franco-allemande (guerre) / Sénégal.

 A. Demaison, Faidherbe (Plon, 1932). / G. Hardy, Faidherbe (Éd. de l’Encycl. de l’Empire français, 1948).