Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

équivalent mécanique de la calorie (suite)

D’autres mesures plus précises sont dues à Henry A. Rowland (1880), puis à Constantin Miculescu (1892) : l’axe à palettes du calorimètre est entraîné par un moteur pour lequel on mesure au cours de l’expérience le couple moteur Г et la vitesse de rotation N tr/s ; d’où la puissance du moteur P = Г . 2π . N et le travail W = Г . 2π . N . x, x étant la durée de l’expérience. Le calorimètre de Miculescu était à écoulement permanent d’eau ; celle-ci entrant à t1 °C et sortant à t2 °C, et m étant la masse d’eau écoulée pendant le temps x, on a q = m . c . (t2 – t1), c étant la chaleur massique moyenne de l’eau dans l’intervalle t1, t2.

D’autres mesures ont été faites, qui utilisent l’effet Joule : on mesure dans un calorimètre la chaleur q dégagée par le passage d’un courant de I ampères dans une résistance immergée de R ohms pendant x secondes ; on a W = R . I2 . x joules et q = μ . θ.

Il n’est pas inutile de faire remarquer que des expériences ont également été faites par Gustave Adolphe Hirn, de 1854 à 1875, sur des machines à vapeur industrielles pour mesurer J au cours de cycles où, cette fois, disparaît de la chaleur et apparaît du travail ; moins précises, ces expériences ont, cependant, fourni la même valeur de J que les précédentes. Signalons enfin le calcul de J fait par J. Robert von Mayer (1842) en utilisant la relation
J . M (Cp – Cv) = R,
qui, depuis, porte son nom (v. gaz).


Résultats

La valeur actuellement admise comme la plus précise est J = 4,185 5 joules par calorie. Elle fixe la valeur de la calorie, unité hors système, par rapport au joule, unité légale, mais aussi par rapport à une autre unité hors système très utilisée, le watt-heure (3 600 joules) : 1 cal = 1/860 Wh.


Remarque

Dans les exposés modernes de thermodynamique, on a supprimé J des formules. On écrit par exemple W + Q = 0 pour un cycle, car W et Q sont supposés exprimés à l’aide de la même unité d’énergie, le joule ; mais la connaissance de la valeur de J est quand même nécessaire, car on utilise volontiers, en calorimétrie et en thermochimie par exemple, la calorie comme unité.

R. D.

Érasme (Didier)

Humaniste hollandais (Rotterdam v. 1469 - Bâle 1536).



Homo viator

Vint-il au monde en 1469, comme on l’admet d’ordinaire, en 1466, ainsi qu’on l’avance parfois, ou en 1467, date qui paraît résulter des recherches les plus récentes ? À la vérité, le détail importe peu dans l’existence de ce Batave qui, justifiant sa devise — Nulli cedo —, n’allait pas avoir son égal dans l’Europe tout entière. Moins, assurément, que le caractère illégitime de sa naissance à Rotterdam, que les difficultés matérielles et psychologiques de ses années d’adolescence. Pour ce fils de prêtre, timide, hypersensible, dolent déjà, la vie nomade commence très tôt : coup sur coup, ses études le conduisent de Gouda à l’école capitulaire d’Utrecht, que dirige le maître de chœur Jacob Obrecht ; de Deventer (chez les Frères de la Vie Commune, qui l’initient à l’Antiquité gréco-latine et lui donnent l’occasion d’admirer Rudolf Agricola) à Bois-le-Duc, où, mal orienté, il perd deux ans, après la mort de ses parents, enlevés par la peste. Il entre alors, « vaincu, mais non persuadé », au noviciat des chanoines réguliers de Saint-Augustin à Steyn. La vie monastique semble d’abord lui convenir : du moins trouve-t-il au couvent un havre studieux où il se console de la « tragédie » de sa vie en lisant les poètes de l’Antiquité latine, en découvrant Cicéron, saint Jérôme, les Elegantiae de Laurent Valla (1407-1457), en pratiquant un christianisme de foi et de liberté intérieure, tout à fait dans l’esprit de la Devotio moderna. Mais, ordonné prêtre en 1492 par David de Bourgogne, il devient peu après secrétaire de l’évêque de Cambrai, Henri de Berghes, ce qui l’émancipé plus qu’à moitié de son couvent. Il achève (1494) les Antibarbari, défense passionnée des lettres latines, avant de se rendre à Paris, pour y suivre les cours de l’Université. Là, délaissant très vite le « collège de pouillerie » de Montaigu, il s’attache à l’Artésien Robert Gaguin (1433-1501), auprès duquel il bénéficie du renouveau intellectuel et spirituel de la France, héritière, en cette fin du xve s., de l’humanisme de Jean de Gerson (1363-1429), de la docta pietas de Pétrarque et de l’apport des érudits transalpins de l’époque.

De cette prestigieuse Renaissance italienne, Érasme va trouver l’image presque achevée dans l’Angleterre florentine et vénitienne d’Oxford, où, après un séjour au château de Tournehem, près de son ami James Batt, il arrive en 1499, sur l’invitation de son élève William Mountjoy. À Magdalen College, il fréquente le théologien John Colet ; dans l’entourage de l’helléniste William Grocyn, du médecin Thomas Linacre, il poursuit ses études de grec, à peine abordées à Deventer, et surtout il fait la connaissance de Thomas More, modèle parfait de ces lettrés anglais qui vont lui révéler sa véritable vocation et l’essence même de l’humanisme italien, illustré par Pétrarque, Marsile Ficin et Pic de La Mirandole, l’aider dans l’approfondissement de sa théologie biblique et patristique, l’amener à l’étude assidue non plus tant de l’éloquence latine que de la pensée profonde des auteurs anciens.

De retour en France dans les premiers jours de 1500, il se donne pleinement à l’étude des Grecs, « sources très pures et fleuves qui charrient de l’or », et publie à Paris la première édition de ses Adages. Sans se fixer pour autant. D’Orléans, il revient à Paris, passe en Hollande, séjourne à Saint-Omer, découvre à l’abbaye du Parc, près de Louvain, un manuscrit de Valla qui le confirme dans ses intentions de se consacrer désormais aux Saintes Écritures, en collationnant la Vulgate avec le texte grec. En attendant, il repart pour l’Angleterre, mais, quoi qu’il en dise, c’est à l’Italie qu’il songe toujours. À plusieurs reprises déjà, il avait espéré faire l’indispensable voyage outre-monts ; chaque fois des circonstances défavorables et une constante pauvreté l’avaient empêché de réaliser son rêve, quand, en 1506, le Génois Battista Boerio, médecin du roi Henri VII, lui offrit d’accompagner ses deux fils et de diriger leurs études à l’université de Bologne.