Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

équilibre chimique (suite)

Dans le cas particulier d’un mélange de gaz parfaits, le potentiel chimique de chaque constituant dans le mélange s’exprime aisément : on a en effet pour le i-ième constituant

pi étant la pression partielle de ce constituant dans le mélange et p0 une pression de référence, qu’on prend égale à l’unité ; la condition d’équilibre chimique s’écrit alors

en posant

Plus simplement, cette condition s’écrit

C’est là une expression de la loi d’action de masses ; K(T), noté d’ordinaire Kp, est la constante d’équilibre relative aux pressions partielles ; elle ne dépend que de la température. Pour la calculer, posons

il en résulte ΔG0 étant la variation d’enthalpie libre relative au passage du mélange représenté par le premier membre de l’équation chimique à celui qui est représenté par le second membre, en supposant, toutefois, que, dans ces mélanges, chaque constituant est à T0 et sous la pression p0 unité. Des tables de valeurs numériques permettent dans beaucoup de cas le calcul de ΔG0 ; on peut donc, dans ces conditions, calculer a priori la constante de l’équilibre.

De l’expression ci-dessus de la loi d’action de masses relative aux pressions partielles, on passe à celle qui est relative aux molarités : on a par exemple V étant le volume du mélange à l’équilibre ; et, puisque p1V = n1 RT, etc., on en déduit

Kc étant, comme Kp, fonction de T seul. On peut également faire figurer dans l’expression de la loi d’action de masses les titres molaires : celui du constituant A1 est

n étant le nombre total de moles du mélange à l’équilibre et p la pression totale d’équilibre ; on obtient aisément par substitution


Généralisation

La loi d’action de masses, démontrée pour les mélanges de gaz parfaits et les solutions idéales, reste applicable en première approximation aux mélanges de gaz réels, aux solutions non idéales, aux solutions ioniques et aussi à la phase diluée (gaz ou solution) d’un système polyphasé, sous la réserve que chacune des phases condensées, par exemple solide, soit constituée d’un seul corps pur et non d’un mélange.

L’écart de la loi avec l’expérience devenant important pour les solutions concentrées ou les gaz sous forte pression, on fait appel, pour conserver à la loi sa forme mathématique en même temps que sa validité, à la notion d’activité* ; l’affinité chimique s’écrit alors

| A1 |, par exemple, étant l’activité du constituant A1 dans le mélange gazeux ou la solution ; la loi d’action de masses s’écrit

avec encore ici RT Log Ka = – ΔG0.


Lois du déplacement de l’équilibre

L’expérience et aussi la loi d’action de masses montrent que la composition du mélange en équilibre dépend de la température, de la pression et de la composition du mélange initial. L’influence de la température et celle de la pression sont régies par les lois dites « du déplacement de l’équilibre », dont voici les énoncés.
Loi de Van’t Hoff* : À partir de l’équilibre stable, une petite élévation de température, imposée à pression constante, provoque une évolution dans le sens de la réaction, qui, effectuée à T et p constants, absorbe de la chaleur.
Loi de Le Chatelier* : À partir de l’équilibre stable, une petite augmentation de pression, imposée à température constante, provoque une évolution dans le sens de la réaction, qui, effectuée à T et p constants, diminue le volume.

Ces énoncés sont classiques ; il est, toutefois, plus satisfaisant d’utiliser, pour prévoir le déplacement de l’équilibre, l’affinité chimique, considérée au voisinage de l’équilibre comme une fonction des variables T, p, ni. Si l’on imagine qu’à partir de l’équilibre on puisse, par exemple, modifier de dT la température tout en empêchant le système d’évoluer, on crée ainsi pour ce système un état de contrainte pour lequel l’affinité n’est plus nulle ; supposons celle-ci positive : cela veut dire que, si l’on permet au système d’évoluer à partir de cet état de contrainte, il le fera, d’après la façon dont a été définie, des corps A vers les corps A′ ; ce serait l’inverse si était négatif dans l’état de contrainte supposé. étant nul à l’équilibre, son signe dans l’état de contrainte est celui de la dérivée partielle, pour par rapport à la variable choisie ; or, à partir de l’expression

le calcul des dérivées partielles conduit à :

où ΔH est la variation d’enthalpie correspondant à la réaction des corps A vers les corps A′ ;
On retrouve dans les formules (1) et (2) les affirmations des lois de Van’t Hoff et Le Chatelier, ΔH étant positif si la réaction de gauche à droite absorbe de la chaleur, et Σm – Σm′ étant positif si cette même réaction se fait avec diminution de volume. De plus, puisque

la formule (1) peut s’écrire

Cette formule est dite « isobare de Van’t Hoff » ; on en déduit aisément

formule dite « isochore de Van’t Hoff ». Par ces formules on peut, par intégration, exprimer Kp ou Kc en fonction de T, pourvu que l’on connaisse ΔU ou ΔH en fonction de T et une valeur particulière de K (v. thermochimie).

Les formules (3) et (4) résolvent de façon simple et générale le problème parfois délicat de l’évolution de l’équilibre, à T et p constants, par addition d’un constituant ; on peut en déduire, par exemple, que, dans la synthèse du gaz ammoniac, suivant
N2 + 3 H2 ⇄ 2 NH3,
l’addition, à T et p constants, d’un peu d’azote au mélange en équilibre n’entraîne une réaction dans le sens de formation de NH3 que si le titre molaire de N2 dans le mélange en équilibre est inférieur à sinon, l’addition d’azote entraîne, ce qui peut sembler paradoxal, la destruction de gaz ammoniac.

Ces lois et ces formules du déplacement de l’équilibre offrent des exemples d’une même loi de modération, qu’on peut formuler ainsi : à partir de l’état de contrainte déjà défini et consécutif soit à une petite variation de T ou de p, soit à une faible addition d’un constituant, l’évolution qui se produit vers un nouvel équilibre est toujours celle qui tend à réduire soit la variation de T ou de p, soit l’accroissement du titre molaire du constituant envisagé.

R. D.