Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

délinquance (suite)

• Les facteurs sociaux font l’unanimité des criminologues : carence du milieu familial et scolaire, mauvais emploi des loisirs, agressivité développée par les mass media, trop souvent apologistes du luxe, du sexe et de la violence ; défaut de principes moraux : densité de la population des grands centres ; insuffisance des équipements socio-culturels ; contraste, accentué dans certaines villes, entre une richesse étalée et une extrême pauvreté.

• On a dénombré, comme facteurs économiques, l’insuffisance du niveau de vie, le chômage, l’industrialisation trop rapide, l’absence de qualification professionnelle, et, comme facteurs politiques, les crises (guerres extérieures ou intérieures), l’absence de sens civique.


Statistiques de la délinquance

Les études criminologiques et de politique criminelle utilisent les statistiques de la criminalité légale. On observe seulement qu’une étude comparative entre nations se révèle encore difficile et fragmentaire en raison des incriminations qui ne recouvrent pas toujours les mêmes faits ou même ignorent tel délit, confondu avec un autre ou impuni.

Pour donner un aperçu réel de la délinquance, on groupe des figures la classant par genres : des délits types sont choisis à dessein parmi les infractions les plus fréquentes — contre les personnes, les biens et les mœurs —, rapportés au sexe, à l’âge et à la profession. On chiffre également la criminalité étrangère, la délinquance juvénile et la récidive. On donne des aperçus des contraventions, infractions mineures, certes, mais qui, par leur répétition, donnent une image fidèle du laxisme des citoyens devant la loi et leur conscience.


L’accroissement de la délinquance

La délinquance tend à augmenter dans la plupart des pays. Aux États-Unis, elle représente un gros péril, le taux de criminalité contre les personnes et les biens s’étant accru respectivement de 85 p. 100 et de 124 p. 100 de 1960 à 1968. En France, pour la même période, on enregistre une augmentation de 133 p. 100 en matière de chèques (1 sur 200 s’avère sans provision ou volé), 72 p. 100 en matière d’homicides involontaires, 44 p. 100 en matière de vols. En U. R. S. S., malgré la non-publication de statistiques, les journaux de 1970 signalent également un déferlement inquiétant et constant de la criminalité parmi les mineurs de 16 à 18 ans ainsi qu’une propension à l’alcoolisme (140 000 désintoxications annuelles).

On ne saurait omettre l’incidence de la délinquance sur l’économie. Elle cause un préjudice immédiat aux personnes et aux biens ; elle exige de lourdes dépenses d’interventions (police, tribunaux, prisons). C’est ainsi que le crime a coûté 14 milliards de dollars aux États-Unis en 1965 (selon G. S. Becker), les seules atteintes aux biens dépassant 12 milliards de dollars (49 millions en 1931), et les dommages par homicides, 815 millions. D’après des estimations en valeur dollars É.-U., la France a consacré, pour cette même année, 202 millions de dollars en dépenses de police, justice et prisons (contre 3 178 aux États-Unis), tandis que le coût des vols lui a infligé une perte de 272 millions de dollars, et celui des homicides, 21 millions.

La délinquance juvénile

L’opinion publique a été sensibilisée, parfois à dessein, pour mettre les familles devant leur responsabilité éducative, par le déferlement de la criminalité juvénile. Dans les pays européens et nord-américains, celle-ci a plus que triplé depuis 1950 (en France, le nombre des mineurs impliqués passe de 17 409 à 56 866), et cela compte tenu de la correction qu’impose l’expansion démographique (l’indice de référence « population » indique 129 alors que l’indice de criminalité de ces mêmes jeunes de 13 à 18 ans atteint 218). Il est indéniable que l’accélération de l’urbanisation est un facteur prépondérant du développement de la délinquance. Celle-ci se marque surtout dans les atteintes contre les biens. Seule constante, qui pourrait d’ailleurs être sujette à prochaine révision : le pourcentage de la criminalité des jeunes filles par rapport à celle des garçons oscille généralement aux alentours du 1/9. (V. délinquance juvénile.)

Étrangers condamnés en correctionnelle

Les Maghrébins représentent 23 p. 1 000 de la criminalité française (après avoir atteint 29 p. 1 000) ; les Belges, 17 p. 1 000 ; les Italiens, 7 p. 1 000 ; les Espagnols, 6 p. 1 000.

Indice des contraventions

Les criminalistes n’attachent pas assez d’importance au flot montant des contraventions. La théorie de l’absence d’intention fautive leur cache nombre d’infractions parfois réellement volontaires qui dénoncent bien cependant le niveau moral des populations, leur immaturation, notamment, devant le phénomène automobile (responsable de 14 000 morts annuelles pour la seule France métropolitaine). Le chiffre des homicides et blessures involontaires est passé de 33 448 (1960) à 57 561 (1967) et 69 233 (1972) !

Nombre de condamnés correctionnels

Si les atteintes aux personnes décroissent, on constate par contre la multiplication des atteintes aux mœurs, qui doublent par rapport à 1938 (en liaison, semble-t-il, avec la fermeture des maisons closes par la loi de 1946 et la prolongation excessive du service militaire), ainsi qu’un accroissement des vols. L’augmentation de la criminalité est manifeste : alors que l’indice de la population des plus de 18 ans est passé de 100 en 1960 à 106 en 1966, celui des seules citations directes devant les tribunaux atteint 124.

M. L. C.

➙ Contravention / Crime / Délit / Infraction.

 E. H. Sutherland, Principles of Criminology (Chicago, 1924 ; 6e éd. revue par D. R. Cressey, 1960 ; trad. fr. Principes de criminologie, Cujas, 1966). / J. Albert-Weil, le Problème de la délinquance (L. G. D. J., 1966). / Le Traitement des délinquants (4e Congrès français de criminologie) [P. U. F., 1966]. / M. Le Clère, Manuel de police technique (Police-Revue, 1967 ; 2e éd., 1974). / V. V. Stanciu, la Criminalité à Paris (C. N. R. S., 1968). / R. Hood et R. Sparks, la Délinquance (Hachette, 1970). / E. Yamarellos et G. Kellens, le Crime et la criminologie (Gérard, Verviers, 1970 ; 2 vol.). / Compte général de l’administration de la justice criminelle (ministère de la Justice, publication annuelle).