Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

carence (suite)

Carences par augmentation des besoins

L’accroissement des besoins de l’organisme peut aussi être à l’origine de troubles carentiels dans certaines conditions physiologiques particulières telles que la grossesse, l’allaitement ou la puberté. Il faut y ajouter d’autres circonstances comme l’exposition prolongée au froid, le surmenage, la survenue de maladies infectieuses aiguës ou chroniques (tuberculose).


Autres causes de carences

D’autres étiologies sont venues compléter les origines possibles d’un état carentiel. On peut alléguer un défaut d’utilisation d’un facteur vitaminique par insuffisance enzymatique, d’origine hépatique notamment ; ou bien un apport en quantité excessive d’autres vitamines, qui entraîne un déséquilibre. Enfin, la notion d’antivitamine apparaît valable dans certains cas où l’apport alimentaire est théoriquement satisfaisant : dans ce cas, c’est l’absorption d’une substance voisine chimiquement de la vitamine en cause qui est responsable des troubles, car cette substance prend la place de la vitamine dans la succession des phénomènes métaboliques et ne peut assumer sa tâche.

Sur un plan plus général, des événements historiques (guerre ou blocus) ont démontré la possibilité de carences globales non seulement en vitamines, mais aussi en protéines et en sels minéraux. Cette pathologie de privation, voire de famine, plus que de malnutrition se traduit par des aspects stéréotypés : maigreur intense des membres et du thorax confinant au marasme et contrastant avec un ventre saillant, pli cutané et hypotonie des globes oculaires, œdème des extrémités, stries de Looser-Milkman visibles à la radiographie de certains os et témoins d’un déficit phosphocalcique. Il est à noter enfin que de tels faits peuvent être la conséquence dans nombre de pays sous-développés d’un sevrage brutal chez les enfants auparavant allaités. Le syndrome de kwashiorkor observé en Afrique noire en est le type, avec son amaigrissement externe, son anémie, ses troubles digestifs et son pronostic redoutable.

M. R.

caricature

Image tendant, par déformation ou accentuation des traits d’un modèle, des caractères d’une scène, à les rendre grotesques ou risibles.


Le mot vient du verbe italien caricare, qui signifie « charger ». La caricature proprement dite serait donc un portrait charge destiné à provoquer le rire — mais aussi la colère ou le mépris —, ou simplement à faire sourire en amusant. Dans ce dernier cas, il est admis de l’appeler dessin d’humour, d’après le mot anglais calqué au xviie s. sur le vieux français humeur et qui nous est revenu, avec son orthographe nouvelle, au xviiie s. L’humour, comme la caricature, peut être burlesque, satirique, moqueur, ironique, vengeur, fantastique, libertin, moralisateur..., bref, capable de traduire toutes les nuances du sentiment et de la pensée.

Si nombre de savants, à la suite de J. C. Lavater, ont établi pourquoi et comment l’architecture de notre corps, de même que la rétractation ou la dilatation des muscles de notre visage, est en rapport direct avec les particularités de notre être intérieur, il est vraisemblable que la plupart des caricaturistes, comptant surtout sur les données de l’observation directe, ont fait et font encore de la psychomorphologie sans le savoir.

Par ailleurs, la maladresse de la main ou la méconnaissance du dessin académique sont les causes de maintes caricatures involontaires : ainsi des graffiti.


Des origines au Moyen Âge

Le rire étant un phénomène essentiellement humain, on peut supposer que l’art, depuis ses origines, a mis au nombre de ses pouvoirs celui de le provoquer.

Parmi les témoignages de cette puissance, l’un des plus anciens, recueilli en Égypte, est un papyrus conservé au musée de Turin et qui représente les amours d’un prêtre et d’une danseuse ; les murailles de Thèbes étaient décorées, notamment, de scènes de banquet où l’on voyait plus d’un convive manifester les troubles consécutifs aux excès de table ; les contemporains d’Aménophis IV ont su prêter aux animaux nos tics et nos grimaces (lion jouant aux échecs avec une gazelle) et, dans une intention de critique sociale, ont opposé à la maigreur des esclaves l’embonpoint et les riches atours des maîtres et de leurs dames ; ils sont allés jusqu’à railler leurs dieux assistant à un concert.

Les potiers grecs se sont permis de parodier l’Iliade, et certaines figurines de Tanagra font sourire malgré leur grâce. Les Romains ont inventé Maccus, ancêtre de Polichinelle ; les peintures et les graffiti d’Herculanum et de Pompéi ridiculisent, par exemple, le jugement de Salomon ou réagissent avec violence contre la foi nouvelle (l’âne crucifié).

L’évolution de la « diablerie », au Moyen Âge, a été résumée par Viollet-le-Duc : « Pendant la période romane, le diable est un être que les peintres ou sculpteurs s’efforcent de rendre terrible [...]. Chez les sculpteurs du xiiie s., presque tous avancés comme artistes, l’esprit gaulois commence à percer. Le diable prend un caractère moins terrible, plus dépravé qu’effrayant. Parfois il triche, souvent il est dupé... » C’est le même esprit gaulois qui s’introduira peu à peu dans la représentation des danses macabres ; on se rit de la mort et l’on en profite pour dauber sur l’avare, l’ambitieux, le marchand, le moine, le pape et l’empereur, toutes les prétendues grandeurs humaines, les hennins gigantesques, les poulaines démesurées, les femmes qui veulent porter le haut-de-chausses. La fête de l’âne et la fête des fous sont des thèmes favorables à la libre manifestation d’une verve tout à la fois comique et satirique.

Au xve s., la découverte de l’imprimerie va bientôt déterminer l’apparition de la caricature moderne, que quelques peintres — et non des moindres — n’en continueront pas moins à illustrer.


De la Renaissance à la Révolution française

Léonard de Vinci, dans son Traité de peinture, fait observer qu’il est permis d’opposer dans une composition le beau et le laid, afin que du contraste s’ensuive, pour l’un et pour l’autre, un surcroît de puissance émotive ; ce qu’il a démontré, notamment, dans l’un de ses dessins à la plume, conservé à la Royal Library de Windsor : sur les cinq têtes de vieillards que l’on y voit, quatre sont de véritables caricatures.