Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

bouddhisme (suite)

L’école du chan (tch’an, zen en japonais) rejetait toutes études discursives et exercices de méditations en visant directement l’illumination. On raconte que Mazu (Ma-tsou), qui pratiqua régulièrement la méditation, vit un jour son maître Huairen (Houai-jen) frotter une brique devant sa hutte et qu’il lui demanda, intrigué, ce qu’il faisait. Le maître répondit qu’il avait l’intention d’en faire un miroir. À la question de Mazu : « Comment peut-on fabriquer un miroir en frottant une brique ? », Huairen répondit : « Si, en frottant une brique, on ne réussit pas à fabriquer un miroir, comment la méditation peut-elle faire de nous un bouddha ? » Par cette parole, Mazu fut illuminé. La méditation ainsi que l’étude des livres saints sont de nature fondamentalement différente de celle de l’illumination. Aussi, la méthode que les maîtres chan utilisent pour répondre aux questions des disciples consiste-t-elle souvent à leur donner un coup de bâton, à leur tirer le nez ou à leur crier à la figure. Le but est de provoquer chez l’adepte un choc psychologique qui, donné au bon moment, permet l’éclosion de l’illumination.

Après l’illumination, que se passe-t-il ? « S’élever encore d’un degré au-dessus du sommet du bambou de cent pieds. » Le sommet du bambou, c’est le parachèvement de l’illumination. « S’élever encore d’un degré » signifie que l’homme ne peut être satisfait de son état d’illumination ; il doit aller plus loin. D’après l’école du chan, ce qui lui reste à faire n’est rien d’autre que d’accomplir les choses ordinaires de la vie. Mais la signification en est tout autre. Désormais, la vie quotidienne sera habitée par l’Esprit. « Porter de l’eau à boire et couper du bois de chauffage, c’est en cela que réside le merveilleux dao (tao). »

À ce stade, le problème du salut redevient une question d’harmonie, question dont les Chinois se préoccupent avant tout. Le bouddhisme, entièrement sinisé, apporte cependant à la pensée chinoise l’idée de la conscience universelle, c’est-à-dire de l’Esprit.


Les écoles bouddhiques

Comme les différentes écoles donnent des interprétations différentes sur la doctrine du Bouddha, les écoles tian-tai (t’ien-t’ai) et huayan (houa-yen) essaient toutes deux d’élaborer une synthèse historique pour concilier les théories contradictoires. Nous donnons ici la version du huayan, qui classe l’enseignement du Bouddha en deux Véhicules et cinq stades.
1. Premier stade : le Petit Véhicule. « Le moi est vide », une doctrine que prêche le Bouddha pour les gens communs.
2. Deuxième stade : le Grand Véhicule initial, qui comprend les écoles sanlun (san-louen) et faxiang (fasiang). « Tout est conscience » enseigné par le Bouddha.
3. Troisième stade : le Grand Véhicule final, représenté par l’école tiantai, qui enseigne que tous les êtres sans exception ont la « Nature du Bouddha » et qu’ils peuvent obtenir le salut.
4. Quatrième stade : le Grand Véhicule subitiste, représenté par l’école du chan, qui enseigne que le salut s’obtient par l’illumination subite.
5. Cinquième stade : le Grand Véhicule parfait, représenté par l’école huayan elle-même. Celle-ci totalise les autres doctrines en enseignant la théorie de « Tout dans un, un dans tout ».

Ainsi, entre les différentes écoles, il existe comme un lien logique. À chaque niveau, il y a un approfondissement vers la compréhension de la vérité. Les recherches variées et continuelles forment un tout qui donne au bouddhisme un visage particulier par rapport aux autres philosophies et aux autres religions. Une spiritualité spécifique se dégage des temples bâtis à flanc de montagne, des statues aux yeux baissés du Bouddha aussi bien que des peintures et des poèmes.

Et cette synthèse tentée par les écoles tiantai et huayan reflète la mentalité chinoise, toujours soucieuse d’universalité et d’harmonie ; elle peut être considérée comme une des grandes contributions du génie chinois au bouddhisme.


Les influences

Le bouddhisme, en tant que religion et en tant que système de pensée, exerça une influence profonde dans de nombreux domaines de la culture chinoise. Jusqu’à la fin des Han et durant plus d’un millénaire, cette culture se développa dans un contexte uniquement chinois. La rencontre avec le bouddhisme fut son premier contact avec une culture étrangère — le second contact sera, à partir du xviie s., avec l’Occident —, contact bénéfique, car la venue du bouddhisme semblait répondre à son désir de métamorphose et comblait en elle un besoin métaphysique. L’épanouissement que connut la Chine à l’époque des Tang et des Song lui est dû en grande partie.

C.-H. C. et P. M. H.


État actuel du bouddhisme

Il est difficile de dire quel est l’état actuel du bouddhisme en Chine populaire, au Tibet, au Viêt-nam et en Corée du Nord. En 1956, il y eut des délégations de la Chine populaire aux célébrations, en Inde, à Ceylan et en Birmanie, du 2 500e anniversaire du Bouddha.

Dans les autres pays de l’Asie du Sud-Est et à Ceylan, les efforts de renouveau du bouddhisme sont remarquables. Les moines reçoivent une formation sérieuse. De la vertu bouddhique de bienveillance, on a su tirer un dynamisme utile au bien commun : au Viêt-nam, les moines — les bonzes — jouent un rôle essentiel dans la vie politique. En 1961, la Birmanie a rendu au bouddhisme le statut de religion d’État qu’il a toujours eu au Cambodge, au Laos et en Thaïlande. Cet effort revivaliste est également sensible à Ceylan, fief du « Petit Véhicule ».

L’exégèse bouddhique a, par ailleurs, manifesté sa vitalité et son souci d’authenticité lors des conciles de Colombo (1950 et 1966) et de Rangoon (1954). Des éditions du canon pâli furent établies en graphies cinghalaise et birmane. Les adeptes des deux Véhicules prennent contact entre eux. Le bouddhisme, seule religion asiatique ayant réussi à s’implanter en Occident, sous forme de monastères et de sociétés, est travaillé par un grand désir d’œcuménisme, qu’explique en partie sa diversité doctrinale.

En 1950 a été fondée à Colombo, par les délégués de vingt-neuf pays, l’Association bouddhique internationale, qui vise à unifier les doctrines et les usages. Le 2 500e anniversaire du Bouddha fut l’occasion, entre autres, d’un congrès international qui se tint à New Delhi.

P. P.

➙ Chine / Confucianisme / Inde / Japon / Taoïsme / Tibet / Viêt-nam.