Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Bonaventure (saint)

Théologien et philosophe (Bagnorea, Toscane, 1221 - Lyon 1274).



Sa carrière

Giovanni Fidanza, le futur saint Bonaventure, vint à Paris pour y poursuivre ses études à l’université, alors en plein essor créateur. De 1236 à 1242, il étudia les arts libéraux, puis la théologie. En 1243, il entra chez les Franciscains : ceux-ci, retournant à l’Évangile, contestaient les structures féodales de l’Église et voyaient dans la pauvreté le principe de renouveau de la vie chrétienne, de même que la condition de la prédication apostolique. Pareille réforme s’inscrivait d’ailleurs dans la mutation profonde de la société.

Quand Bonaventure arriva à Paris, les frères mineurs, comme leurs homologues les frères prêcheurs, exprimaient la conscience religieuse et l’aspiration fraternelle des nouvelles générations. Ainsi ils se trouvaient comme naturellement dans les universités. La renaissance des lettres et des sciences antiques faisait de Paris une « nouvelle Athènes ». Le roi Louis IX présidait, depuis 1234, à cet essor. Les Franciscains bénéficiaient de ses faveurs.

À partir de 1248, Bonaventure enseigna au collège universitaire des Franciscains, où il devint maître régent (1253-1257). L’opposition des maîtres séculiers lui barra l’agrégation officielle à la faculté, et ce n’est que sous la pression du pape qu’il reçut la maîtrise en 1257. Il venait alors d’être élu ministre général des frères mineurs. Les devoirs de sa charge l’écartèrent de l’enseignement ; il resta cependant en contact actif avec le mouvement des idées, et à plusieurs reprises il interviendra dans des conférences universitaires.

Lorsqu’il prit le gouvernement de son ordre, dont l’extension et l’institutionnalisation croissante posaient le difficile problème de la fidélité à l’idéal primitif, Bonaventure dut affronter et dominer l’opposition de deux courants, les uns consentant à une évolution institutionnelle et théologique, tandis que les autres, les « spirituels », s’en tenaient aux premières intuitions. Bonaventure présenta la Legenda major de la vie de saint François, « œuvre moins historique que spirituelle » (J. Bougerol) ; il dota l’ordre de constitutions, au chapitre de 1260, à Narbonne.

Son œuvre personnelle réalise par ailleurs, en une théologie systématique, la conceptualisation de la spiritualité franciscaine. Comme tous les maîtres de son temps, Bonaventure a composé une œuvre abondante : cours à l’université ; commentaires de la Bible et des Sentences de Pierre Lombard ; questions disputées, exercice spécifique des maîtres ; enfin, entre plusieurs, deux opuscules, le Breviloquium, qui, comme le nom l’indique, est une présentation concise de la théologie, et l’Itinerarium mentis ad Deum, son chef-d’œuvre, composé en 1259 en expression de ses méditations sur le mont Alverne, le haut lieu de la prière de saint François.

Nommé cardinal évêque d’Albano en 1273, Bonaventure participa activement au concile œcuménique de Lyon, en 1274, au cours duquel il mourut. L’Église le canonisa en 1482, et le proclama docteur en 1587.


Sa pensée

La pensée de Bonaventure est expressément religieuse et théologique ; elle ne peut cependant se définir, en méthode et en contenu, que par référence à la philosophie qu’elle met en œuvre.

Lorsqu’il commença à enseigner à Paris, la marée de l’aristotélisme submergeait déjà le terrain, en même temps que la séduction de l’Antiquité pénétrait la raison et les sensibilités. Depuis plusieurs années, non sans vives réactions, Roger Bacon* et Albert* le Grand enseignaient publiquement les textes du Stagirite ; les traités scientifiques, mathématiques, astronomiques, enrichis par les Arabes, étaient partout diffusés, minant le goût du merveilleux : le droit romain rationalisait la justice et la politique. Les mœurs cédaient au naturalisme, avec ses ambiguïtés pour le chrétien. La réaction évangélique de Bonaventure, fils de saint François, anime et définit sa théologie comme intelligence de la foi.

Bonaventure refuse l’autonomie du savoir rationnel qu’implique l’aristotélisme ; la sagesse émane de la foi de telle manière que toute discipline de l’esprit est par elle assimilée et ramenée à son principe divin. C’est donner à l’augustinisme traditionnel une armature spéculative qui renforce l’opposition à l’aristotélisme.

Bonaventure connaît bien Aristote, et le met en œuvre efficacement ; mais c’est en l’instrumentalisant au service de sa théologie. C’est là la clef non seulement de ses démarches personnelles, mais aussi de ses réactions dans les conflits en cours. Ainsi on a pu parler de « métaphysique de la mystique chrétienne » (E. Gilson). En tout cas, c’est une admirable expression théorique de la spiritualité de François d’Assise. C’est à partir de là que se comprend la vision que Bonaventure a du monde, de l’homme, de Dieu créateur, sa théologie du Christ et de la Trinité, sa lecture de l’histoire sainte, son épistémologie chrétienne et rationnelle.

M. D. C.

 E. Gilson, la Philosophie de saint Bonaventure (Vrin, 1924). / E. Longpré, « Bonaventure », dans le Dictionnaire de spiritualité, t. I (Beauchesne, 1937). / J. Ratzinger, Die Geschichtetheologie des Heiligen Bonaventura (Munich, 1959). / J. G. Bougerol, Introduction à l’étude de saint Bonaventure (Desclée, 1962) ; Saint Bonaventure et la sagesse chrétienne (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1963) ; Lexique saint Bonaventure (Éd. franciscaines, 1969). / F. Van Steenberghen, la Philosophie du xiiie siècle (Louvain, 1966). / Actes du colloque saint Bonaventure (« Études franciscaines », 1968).

Bonhoeffer (Dietrich)

Théologien protestant allemand (Breslau 1906 - camp de concentration de Flossenbürg 1945).


Issu d’une famille aristocratique luthérienne, il décide à seize ans de devenir pasteur et se met à l’école des meilleurs théologiens de son temps, et notamment de Karl Barth. Vicaire d’une paroisse à Wedding, un des grands quartiers ouvriers de Berlin, il y découvre l’ampleur et le tragique du problème social, qu’il rencontre dans une dimension nouvelle au cours d’une année d’études supplémentaires à New York, où il fréquente assidûment le quartier de Harlem. Au cours de cette première période de sa vie, le stade de la formation et des débuts de l’enseignement universitaire, de 1927 à 1933, il poursuit une exigeante recherche ecclésiologique, jalonnée par la parution de deux ouvrages : Sanctorum communio (1930) et Acte et être (Akt und Sein, 1931). Face à l’émiettement et au désarroi du protestantisme d’alors, il insiste pour que l’Église redevienne le lieu d’enracinement et le point d’application du travail théologique. Avec une intuition véritablement prophétique, il souligne que le temps est court et que l’heure de l’épreuve pourrait bien ne pas tarder à sonner.