Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Blanqui (Auguste) (suite)

Blanqui refuse d’être gracié en décembre 1844, mais il est libéré en avril 1847 après un nouveau procès à Blois. Revenu à Paris, il juge insuffisante l’action du gouvernement provisoire de la République ; il crée et anime la Société républicaine centrale. Un contemporain, Alfred Delvau, secrétaire de Ledru-Rollin, le décrit alors : « Sa voix stridente, aiguë, sifflante, métallique et voilée cependant comme le bruit d’un tam-tam, communiquait la fièvre à ceux qui l’écoutaient. Son éloquence était froide comme la lame d’une épée, incisive et dangereuse comme elle. L’éloquence et le caractère de Blanqui, ce n’était pas du feu sous la cendre. C’était, au contraire, de la glace sous le feu. »

La manifestation du 15 mai 1848, en faveur de la Pologne, manque d’aboutir à la formation d’un gouvernement insurrectionnel ; finalement, elle échoue. Blanqui, arrêté le 26 mai 1848, est condamné, le 2 avril 1849, à dix années de détention. Libéré en août 1859, il est de nouveau arrêté en 1861 pour avoir créé une société secrète. Il est condamné à quatre ans de prison ; à Sainte-Pélagie, il influence de jeunes militants républicains, qui constitueront plus tard le noyau d’un parti blanquiste. Mais il parvient à s’évader et gagne la Belgique, d’où il envoie des instructions à ses partisans. A-t-il participé clandestinement, le 12 janvier 1870, aux obsèques de Victor Noir, espérant un soulèvement ? On ne peut l’affirmer.

Dès la déclaration de guerre, Blanqui revient en France. Le 14 août 1870, il tente un coup de main, qui échoue, mais ses amis sont au premier rang des insurgés du 4 septembre 1870. Nouvelles insurrections, nouveaux échecs, le 31 octobre 1870 et le 22 janvier 1871. Après la capitulation de Paris, Blanqui est arrêté (17 mars) et condamné à la détention à vie. Sa captivité à Clairvaux l’empêche de devenir le chef de la Commune ; ses amis essaient vainement d’obtenir de Thiers qu’il soit échangé contre Mgr Darboy et les otages de la Commune. En avril 1879, Blanqui est élu député de Bordeaux ; invalidé, il n’est pas réélu. Mais il bénéficie de l’amnistie et sort de prison le 10 juin.

Il lance alors un journal, Ni Dieu ni maître, et, quoique malade, il parcourt le pays. Il meurt le 1er janvier 1881, ayant passé, en un demi-siècle, trente-six ans et cinq mois en prison.

Alors que nombre de militants, à peine disparus, sont oubliés, le souvenir du « vieux » persiste dans le prolétariat parisien, sous les traits où le dépeint Jules Vallès : « Un petit vieux haut comme une botte, perdu dans une lévite au collet trop montant, aux manches trop longues, au jupon trop large [...]. Tête mobile, masque gris, grand nez en bec, cassé bêtement au milieu ; bouche démeublée, où trottine, entre les gencives, un bout de langue rose et frétillante, comme celle d’un enfant. Teint de vitelotte. Mais au-dessus de tout cela, un grand front et des prunelles qui luisent comme des éclats de houille » (l’Insurgé).


Les idées de Blanqui

Républicain sous la Restauration, Blanqui oppose dès 1834 ceux qui n’ont d’autre bien que leur force de travail et ceux qui détiennent les instruments de production. L’histoire est pour lui le long récit de la lutte entre l’opulence et la misère ; les prolétaires seront rejoints et aidés par les déclassés. À Belle-Ile, réfléchissant sur l’échec de 1848, il précise ses idées. Il continue de croire au suffrage universel. Mais il pense que le pouvoir est un mal ; l’idéal est l’absence de gouvernement. Pour établir la République sociale, il faudra user d’abord d’une dictature révolutionnaire, nécessairement parisienne. On devra se garder de recourir trop vite à des élections. Des mesures contre l’Église et contre la presse bourgeoise accompagneront la création d’une instruction pour tous. (Blanqui redoute l’ignorance des masses.) Dans l’immédiat, tout devra être fait pour que le niveau de vie du peuple s’élève. Blanqui ne cesse pas de croire en la possibilité d’une insurrection victorieuse réalisée par une minorité décidée, agissant en communion d’idées avec le peuple. À la fin de sa vie, ses convictions athées s’affirment avec plus de vigueur encore. En face de la tradition proudhonienne apparaît ainsi une tradition blanquiste, que le parti socialiste révolutionnaire et Édouard Vaillant prolongeront jusqu’à la guerre de 1914. Il en est aussi passé quelque chose dans le syndicalisme révolutionnaire. Victor Griffuelhes (1874-1923), secrétaire de la C. G. T., avait adhéré au blanquisme, de même que Petr Nikitich Tkatchev (1844-1885), qui a peut-être marqué Lénine.

Les œuvres de Blanqui

La Patrie en danger (1871).

L’Armée esclave et opprimée (1880).

La Critique sociale (posthume, 1885 ; 2 vol.).

Vertu de l’insurrection

Les idées reconstitutives de la société ne prendront jamais corps aussi longtemps qu’un cataclysme frappant de mort la vieille société décrépite n’aura pas mis en liberté les éléments captifs dont la fermentation spontanée et rapide doit organiser le monde nouveau. Toutes les puissances de la pensée, toutes les tensions de l’intelligence ne sauraient anticiper ce phénomène créateur qui n’éclate qu’à un moment donné... Jusqu’à l’instant de la mort et de la renaissance, les doctrines bases de la société future restent à l’état de vagues aspirations et d’aperçus lointains et vaporeux.
(1850.)

G. L.

➙ Socialisme.

 G. Geffroy, l’Enfermé (Charpentier, 1897). / A. Zévaès, Auguste Blanqui patriote et socialiste français (Rivière, 1920). / M. Dommanget, Blanqui, la guerre de 1870-1871 et la Commune (Domat-Montchrestien, 1947) ; les Idées politiques et sociales d’A. Blanqui (Rivière, 1958) ; Blanqui et l’opposition révolutionnaire à la fin du second Empire (A. Colin, 1960) ; Auguste Blanqui, des origines à la révolution de 1848 (Mouton, 1969) ; Auguste Blanqui au début de la IIIe République, 1871-1880 (Mouton, 1972).

Blasco Ibáñez (Vicente)

Écrivain espagnol (Valence 1867 - Menton 1928).


Il avait la taille d’un condottiere. Il préféra la carrière d’un auteur à succès.

Fils d’un boutiquier besogneux de Valence, il hérite de sa classe sociale la ténacité et le goût de l’argent. Licencié en droit, il doit à sa formation juridique la propension à la polémique et l’attrait pour le pouvoir. Mais seule la force de sa nature peut rendre compte de son génie verbal, de la fécondité de son imagination et de sa capacité d’entreprendre.